Le vote pour tous, facile à comprendre, non ? (vidéo intégrée)
Cette élection présidentielle 2017 sera d’ores et déjà unique à travers l’histoire grâce à l’initiative de la CREAI (Centre Régional d’Etudes d’Actions et d’Informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité). En effet, pour la première fois sous la République française, les porte-parolats des candidats ont expliqué leurs programmes à un public en situation de handicap intellectuel ou psychique.
Frédéric Ghyselen, directeur de la CREAI : « Une personne en situation de handicap intellectuel ou psychique sous curatelle, voire sous tutelle, a le droit de voter sauf demande du juge »
Le rappel de la loi est nécessaire à la compréhension de cette initiative citoyenne de la CREAI et de ses partenaires, comme l’association « Nous Aussi » et « La Vie Active ». En effet, la rumeur bien répandue est qu’une personne en situation de déficience cognitive ne pourrait pas voter, car elle pourrait être influencée etc.
Certes, l’acte de vote doit s’appréhender en amont pour la personne intéressée, mais l’influence qu’elle pourrait recevoir n’est pas plus évidente que n’importe quel citoyen. Cela n’altère en rien sa capacité de discernement, et même parfois sur des problématiques du quotidien, elle s’opère avec plus d’acuité.
Conformément à la loi, une personne en situation de handicap intellectuel ou psychique, inscrite sur les listes électorales de sa commune, a le droit d’exercer son droit de vote comme n’importe quel citoyen. « Une personne en situation de handicap intellectuel ou psychique sous curatelle, voire sous tutelle, a le droit de voter sauf demande du juge. De fait, c’est donc l’exception », souligne Frédéric Ghyselen.
Concrètement, une personne en situation de handicap intellectuel ou psychique peut se faire accompagner dans l’isoloir, comme toute personne handicapée, afin d’effectuer la mise du bulletin de son choix dans l’enveloppe. Si une personne en situation de handicap intellectuel ou psychique est seule, malheureusement le drame de l’isolement, le président du Bureau doit désigner une personne afin d’accompagner la dite personne dans sa démarche citoyenne.
Voilà le cadre global, mais ce qui peut paraître simple pour une personne valide peut s’avérer très angoissant. « C’est pourquoi, nous avons organisé au sein de la mairie d’Haubourdin une simulation de vote le 03 avril dernier. Chaque geste a été effectué, avec des candidat(e)s fictifs bien sûr », explique le directeur. De la prise des bulletins de vote, la mise dans l’enveloppe d’un seul bulletin, puis le vote officiel dans l’urne ; chaque geste a son importance. La collaboration active du maire de la commune, Bernard Delaby, a permis cette première répétition pour le public concerné.
Bien sûr, avant la réalisation du geste, il est impérieux de connaître les programmes des candidats à cette présidentielle, d’où cette journée du 12 avril pas comme les autres.
Frédéric Ghyselen : « La politique est un monde idéologique. Il fallait rendre accessible les programmes »
Tout est parti d’une idée… le vote pour tous à travers l’accessibilité électorale « c’est Pauline Tursi qui est venue me voir afin de me présenter cette initiative. Jamais une telle action n’avait été initiée auparavant. De fait, nous voulions conserver une maîtrise totalement apolitique de cette démarche. Nous avons sollicité les 11 candidats, 7 ont répondu à cet appel afin de présenter ce mercredi 12 avril leurs programmes politique », précise Frédéric Ghyselen. C’est une première en France, aucune autre région n’a mis en oeuvre une démarche de cette ampleur.
Pour rendre accessible les programmes des candidats, les associations partenaires, Apei du Valenciennois, sur le Dunkerquois, et Roubaix-Tourcoing, ont adapté les discours politiques avec le mode « Facile à lire, facile à comprendre ». Bien sûr, sans modifier en aucune manière les idées du programme, le résultat a été validé par chaque parti politique pour cette présentation du 12 avril. Il faut rappeler que cette méthodologie est issue d’une initiative de l’Union Européenne à la base.
Ensuite, cette journée est l’oeuvre d’une co-construction. En effet, cette manifestation a été réalisée en collaboration par les membres de l’association « Nous Aussi », mais également avec le soutien actif de l’association « Vie Active ». « C’est une manifestation construite par les personnes en situation de handicap », insiste le directeur.
Lucette de « Nous Aussi » rappelle une vieille revendication : « Il faudrait une photo (même en noir et blanc) sur les bulletins de vote ». Moïse, membre de l’association « Nous Aussi », référent dans le nord du Bureau national, a été très impliqué dans l’organisation de cette journée.
Le programme politique… accessible !
Durant la manifestation, les 7 candidats se sont pliés à un mode opératoire unique, 15 minutes de présentation, 15 minutes de questions/réponses. « Ensuite, nous avions mis en place un système de carton pour les auditeurs, selon une incompréhension, voire une question. Les représentants des 7 candidats ont été surpris par les questions. Ils ont pris des notes, car les demandes étaient extrêmement concrètes. Pour une première, c’est une journée réussie », précise Frédéric Ghyselen…
Durant une matinée et l’après-midi, 7 programmes ont été présentés dans les grandes lignes, de manière compréhensible à 80 personnes en situation de handicap intellectuel ou psychique. « Nous étions à notre capacité maximale d’accueil. La liste d’attente était énorme pour assister à cette journée », précise Pauline Tursi. Preuve que cette initiative a capté toute l’attention des structures partenaires, et pourtant « nous avons financé sur nos fonds propres. Le travail de préparation sur cette journée ne nous a pas permis de la dupliquer dans d’autres départements », commente le directeur.
Nul doute que cette première citoyenne devrait faire écho et trouver des moyens à la hauteur d’une démocratie pour les prochaines élections. Par quelle fatalité notre République est-elle indifférente à l’égalité de tous les citoyens devant le droit de vote ? L’honneur d’un pays développé est de se construire avec toutes ses différences, et la population vulnérable est assurément le mouvement le plus massif, le premier parti de France… !
Enfin, comme un écho aux préjugés, Pauline Tursi explique qu’elle a eu plusieurs retours ces dernières semaines (dans le Nord Pas-de-Calais) « indiquant que des personnes en situation de handicap intellectuel ou psychique n’avaient pas pu effectuer une procuration en faveur d’une tierce personne, en gendarmerie voire à la Police Nationale, tout simplement refusé. C’est pourtant leur droit sauf avis contraire du juge »…. le chemin sera long !
Vous pouvez découvrir toutes les interventions durant cette journée en vidéo sur le site www.creaihdf.fr ; mais également plus d’information sur www.handicap.fr