La chouette bleue, ouverture d’une école Montessori dans le Valenciennois.
« Bienveillance, confiance, sérénité et développement de l’autonomie. Cela donne une confiance en soi incroyable, une autonomie, un épanouissement que je n’ai jamais vu avec une méthode traditionnelle »
Sarah Bader, professeure des écoles et maman d’un petit garçon, Charlie, 5 ans, a décidé de se lancer dans l’aventure Montessori. A la rentrée de septembre 2017, une école Montessori, La chouette bleue, va donc accueillir ses premiers bambins. Initialement prévue à Maing, les bancs de cette école se poseront finalement dans le Valenciennois. En ce jour où nous publions, la future directrice, est en discussion avec divers lieux. Ces écoles alternatives séduisent de plus en plus. Enquête.
Aujourd’hui, les structures et méthodes alternatives au système classique de l’école de la République séduisent de plus en plus. Quitte à y mettre le prix. Rythmes scolaires, système de notes inadapté, baisse de niveau, formations insuffisantes, créativité ignorée… L’attractivité de cet enseignement alternatif grandit à mesure que le tableau de l’école se noircit de critiques. Depuis les années 2000, l’étude PISA compare les systèmes éducatifs de 68 pays, et la France, en 2016, se trouve à la 26e place en mathématiques et en sciences, et à la 20e place en lecture, loin derrière la Finlande, l’Irlande, la Norvège… les Pays-Bas où ces écoles Montessori sont très populaires, une des sources d’inspiration de la réforme du système éducatif finlandais a d’ailleurs été la pédagogie Montessori. Dans ces initiatives, on y retrouve à chaque fois, des principes similaires : grande autonomie accordée à l’enfant, pas de classe d’âge, pas de programme ultra-cadré avec évaluation systématique et plus grande envie d’apprendre. La chouette bleue à Maing a pour vocation la promotion d’une approche bienveillante, non violente et sans jugement, inspirée méthode Montessori.
« Un enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais une source que l’on laisse jaillir. » Telle était la philosophie de Maria Montessori, première femme médecin d’Italie, dévouée à la cause des enfants. En janvier 1907, elle ouvre la toute première Maison des enfants (Casa dei Bambini en italien) dans les quartiers défavorisés de San Lorenzo, avec un mot d’ordre « Éduquer, ce n’est pas dresser ». Une méthode où il ne s’agit pas d’avoir juste ou faux mais de s’entraîner à faire mieux, de se perfectionner. Cette pionnière de l’éducation du 20e siècle passa sa vie à plaider pour la cause et les droits des enfants, en démontrant qu’ils étaient l’avenir de la paix mondiale. De récompenses en récompenses, Maria Montessori a été nominée trois fois au Prix Nobel de la Paix.
Alors qu’est ce qui a séduit cette professeure des écoles ?
Sarah Bader est professeure des écoles depuis 10 ans, elle pose les petites cailloux de la création de La chouette Bleue avec « mon conjoint, Etienne Collignon, qui est graphiste, et ma maman, Martine Bader, qui m’aide en chinant sur les brocantes et fabriquant beaucoup de matériel. Tous les gens de l’association m’ont aidée à un moment ou à un autre, nous sommes presque tous des amis maintenant. Il y a à peu près 70 personnes qui nous suivent aujourd’hui. »
Après avoir rencontré les personnes à la tête des écoles de la région qui connaissent un vrai succès ( école Montessori de l’Artois, Carvin, Rumegies…) et où les demandes sont très fortes et les constats identiques, elle explique « ce n’est pas vraiment la méthode qui compte, les études le prouvent, la réussite des enfants et le plaisir dans leur apprentissage vient surtout de l’attitude de l’adulte: bienveillance, confiance, sérénité, développement de l’autonomie. Après, bien sûr que je trouve le matériel Montessori complètement adapté à cette attitude: le matériel est vraiment pensé très graduellement de 3 à 12 ans, de façon scientifique, chaque atelier à son rôle et son importance. C’est un matériel sensoriel qui touche les 5 sens, ce qui permet de « parler » à tous les enfants et d’être vraiment très efficace. On passe beaucoup de temps à manipuler (concret) avant de passer à l’abstrait. »
Elle précise « dans cette méthode, l’adulte est observateur et propose aux enfants le matériel dont ils ont besoin à chaque stade de son développement, en veillant à ne jamais les mettre en échec. Cela donne une confiance en soi incroyable et une autonomie, un épanouissement que je n’ai jamais vu avec une méthode « traditionnelle ». »
Cette école alternative créée dans le valenciennois est une école privée hors contrat sous le statut d’association loi de 1901. (http://www.lachouettebleue.fr/site/ – contact@lachouettebleue.fr ) Elle sera composée de 2 classes, agrémentées de matériel spécifique : la première d’une vingtaine d’enfants de 3 à 6 ans et la seconde d’une dizaine d’enfants âgés de 6 à 12 ans, pour chaque classe une éducatrice et une assistante. Ici, « toutes les matières scolaires sont proposées dès la classe des 3 / 6 ans : beaucoup de vie pratique, beaucoup d’activités visant à développer les 5 sens, la lecture, l’écriture, la géographie, l’histoire, la botanique… » Le but de l’éducation montessorienne étant d’aider l’enfant à acquérir une discipline intérieure. Elle précise « dans les classes Montessori les enfants sortent uniquement s’ils en ont besoin, on observe de longues plages de travail, exemple de 9h à 12h sans interruption.» Sarah Bader explique « cette pédagogie est basée sur une progression très précise des apprentissages, suivant les périodes sensibles observées chez l’enfant. » On a tous en tête cet esprit absorbant qu’à l’enfant.
Qui a eu cette idée folle ? La petite histoire de la création de l’école.
Après la naissance de son fils, Charlie, « c’est grâce à lui que l’association a vu le jour il y a 3 ans, car j’aimais l’idée de lui faire la classe moi-même mais je ne voulais pas être isolée, alors nous avons créé l’association avec mon mari afin de faire profiter à tout le monde du matériel, et rencontrer des gens qui avaient les mêmes valeurs que nous. »
Un pas puis un autre et « c’est ce qu’il s’est passé, nous avons rencontré des personnes formidables, qui nous ont donné l’énergie d’aller plus loin dans l’aventure et qui sont devenus nos amis, jusqu’alors je proposais uniquement des ateliers Montessori de 2 heures en matinée, avec le parent, pour un moment de partage, avec d’abord des ateliers autres que Montessori : yoga, musique, théâtre, lecture par des retraitées, jardinage, langue des signes… les mercredis et samedis. »
Depuis cette année, Sarah et son mari ont décidé d’accueillir les enfants toute la journée, les jeudi et vendredi, jours où Sarah ne travaille pas, car elle est à mi-temps, pour « tester » les horaires, les activités… que le couple souhaitait pour l’école. Et comme cela « se passe à merveille, nous avons vraiment envie de faire ça 4 jours par semaine. » Sarah Bader commente « et voilà comment nous sommes arrivés à vouloir créer l’école pour septembre 2017. Nous voulons une école où les parents ont leur mot à dire, ouverte sur l’extérieur, vraiment « familiale ». L’école est un lieu de vie, un lieu d’apprentissage des choses élémentaires de la vie pour appréhender le monde qui nous entoure sereinement, respectueusement, et épanouis. Voilà un peu en grandes lignes notre projet. »
Mais alors qu’est ce que la méthode Montessori vers laquelle s’orientent de plus en plus de personnes ?
La pédagogie Montessori repose sur la volonté d’aider l’enfant à se construire et à développer son autonomie. Le« travail » d’un enfant est de construire la personne qu’il ou elle va devenir. La pédagogie favorise tout simplement la confiance en soi, l’autonomie, la créativité, tout en permettant à l’enfant d’évoluer à son propre rythme et en toute liberté. Telles sont les promesses de cette pédagogie, qui séduit de plus en plus, mais que certains jugent trop débonnaire et permissive. Selon Maria Montessori, le but d’une éducation est de cultiver son propre désir d’apprendre et l’enfant est potentiellement bon, il suffit de le respecter pour l’inviter à respecter les autres, et ainsi le préparer à une vie sociale harmonieuse. Sa méthode met l’accent sur le développement de l’initiative de l’enfant, en lui permettant de réaliser seul ce qui l’intéresse.
Pas de système de notation, chaque enfant est encouragé à progresser à son propre rythme. Une des notions fondamentales de la pédagogie Montessori est la liberté. La liberté me direz vous? Oui! En classe, les enfants sont libres de choisir l’activité qu’ils souhaitent faire parmi celles qui leur sont proposées, à la seule condition d’avoir déjà étudié cette activité avec l’éducatrice, et ils peuvent y passer le temps qu’ils veulent. Forcément la notion de liberté va de pair avec celle de l’autodiscipline, du respect du rythme de chacun car peu importe que l’enfant soit lent ou rapide, l’intérêt est porté sur sa concentration.
Une école mais pas que…
Philippe Baudrin, le maire de Maing, là où devait initialement se situer les locaux abritant l’école, en ancien instituteur connaît la méthode, « j’ai vu les résultats en classe d’application. lls sont bons. Donc, un plus pour la diversité d’enseignement. Cette enseignante est passionnée et obtient de bons résultats. »
Cette école est construite sur certains piliers, tels la bienveillance dans toutes les relations, le développement de la créativité : musique, arts plastiques, écrits… l’accès à un lieu d’expression artistique, le mélange des âges, la sensibilisation à la nature, aux liens transgénérationnels, au bilinguisme, mais aussi à l’ouverture. Car l’école se veut ouverte sur l’extérieur. Forte de la volonté de partager des valeurs, l’équipe pédagogique de La chouette bleue a pour objectif d’organiser des ateliers ou conférences sur des thèmes allant de la parentalité à la bienveillance, en passant par l’alimentation et la pédagogie, des formations à la pédagogie Montessori…
Une journée type, 9h/16h sur 4 jours ( lundi, mardi, jeudi, vendredi), avec garderie matin et soir. Frais de scolarité : 330 € par mois. A moyen terme une cantine bio, locale de saison, et préparée sur place. La journée sera décomposée comme suit : 9h accueil – 9h/11h45 activités avec le matériel – 11h45/12h préparation de la table et du repas par les enfants pour le midi – 12h/13h enseignants et enfants mangent ensemble, c’est un moment d’échanges – 13h/14h activités calmes – 14h/15h yoga, arts plastiques, anglais, langue des signes, musique, jardinage…en ateliers menés par des intervenants extérieurs et/ou les bénévoles de l’association – 15h/15h30 jeux libres en extérieur – 15h30/16h goûter.
Petite enquête. Céline Alvarez et Cie.
Nous avons contacté Céline Alvarez, souvenez-vous, cette institutrice qui a passé trois années en maternelle en ZEP à Genneviliers dans le cadre d’un projet validé par l’Éducation Nationale, pour tester une pédagogie basée sur les principes de Maria Montessori, enrichis des apports en neuro-sciences. Les travaux du Dr Montessori semblaient être une excellente base pour démarrer cette réflexion pédagogique scientifique. Auteur Des lois naturelles de l’enfant, Céline Alvarez est vue comme celle qui dit tout haut que ce que beaucoup pensent tout bas. Elle nous explique avoir repris et développé les travaux du Docteur Maria Montessori, qui avait ouvert la voie dès 1907, et les avoir enrichis avec les avancées scientifiques contemporaines notamment en psychologie cognitive comportementale, en neurosciences cognitives, affectives, sociales, ainsi qu’en linguistique française, « mon travail ne vise pas à faire la promotion de la « méthode Montessori », qui est un modèle figé datant du début du XXème siècle et qui demande à évoluer, à prendre en compte les récentes recherches en sciences du développement humain. » Les résultats sont connus : réussite assurée ! Mais peut-être une réussite qui dérange.
Alors, oui, les pratiques alternatives peuvent fonctionner, la volonté est là, la montée en puissance de ce genre d’école, ou d’activités innovantes, en est la preuve, comme notre récent article sur une jeune professeure de lettres qui initie ses collégiens à quelques minutes à la méditation en mode téléchargement de bonheur ( https://www.va-infos.fr/2016/10/31/de-la-meditation-pour-remplacer-les-heures-de-retenue/ ).
Nous avons recueilli également les impressions d’un instituteur qui se souvient très bien, lors d’un stage de « maître formateur », avoir passé une journée dans une « école Montessori » à Bruxelles. « J’ai été frappé par l’ambiance de la classe, par les relations entre l’enseignant et les enfants, entre les enfants eux-mêmes. La maîtresse était au service de chaque enfant dans les activités pour répondre à leurs demandes et à leurs besoins, les enfants étaient au service les uns des autres, on sentait que c’était naturel… J’ai également été surpris par les jeux en cour de récréation : il y avait une cabane dans un arbre, et les enfants pouvaient y grimper comme ils voulaient. Pour nous, enseignants français, nous n’imaginions pas ce genre de jeu dans nos cours de récréation, mais là, aucun problème de sécurité. Les enfants étaient très disciplinés, connaissaient les règles de prudence, s’entraidaient et les enseignants leur faisaient confiance. Je me souviens aussi que l’équipe pédagogique passait beaucoup de temps en dehors du temps scolaire pour préparer les activités et le matériel, et les adapter à chaque enfant et en particulier aux plus « difficiles »».
L’enjeu n’est pas des moindres, l’éducation / l’instruction de nos enfants.
Avoir confiance en l’enfant, en ses capacités, poser sur lui un regard bienveillant. Ne pas faire à sa place, mais l’aider à faire seul. C’est une vision de l’éducation. Maria Montessori le disait « se substituer à l’enfant dans l’accomplissement de ses actions formatrices, avec la louable intention de l’aider, n’est pas ce dont il a besoin. Cette substitution, au lieu d’être une aide, est au contraire une entrave au développement de l’enfant… », et invitait aussi les générations suivantes à poursuivre leur route et enrichir ses travaux des données contemporaines. L’amour, la bienveillance et l’encouragement sont les leviers de l’âme humaine. « Libérez le potentiel de l’enfant et vous transformerez le monde avec lui », à l’école et à la maison. Foi de maman. Chercher le vrai potentiel de chacun afin qu’il puisse s’épanouir, et faire s’épanouir la société….les enfants sont les faiseurs de paix de demain, ne l’oublions pas !