Les Souffleurs d’art : un vent nouveau sur le théâtre.
Jeune compagnie de théâtre, les Souffleurs d’art, insuffle un nouveau dynamisme sur les classiques. Leur recette? Ils conservent les mots, sans porter atteinte à l’œuvre originale, mais assaisonnent à leur sauce. C’est ainsi que l’on retrouve du cirque, de la magie, de la danse dans une pièce de théâtre. Surprenant ? Plein d’audace oui. Et ça marche! Rencontre avec Rémi Tandonnet et Mathilde Agthe, deux comédiens dont on partage l’amour de Molière.
Les Souffleurs d’art, « Cinq hurluberlus, amoureux des planches. Sapin, hêtre ou chêne, tout nous convient pourvu que le bois soit assez solide pour supporter nos fantaisies et autres facéties. »,
Un joli succès à la représentation du Bourgeois Gentilhomme il y a quelques jours, presque 500 personnes au théâtre. Ce n’est pas rien ! Tout surpris eux même. Calmes et passionnés, Rémi et Mathilde, couple sur les planches et à la ville, partagent la passion du théâtre sous toutes ses formes, c’est d’ailleurs pour cela que la compagnie porte ce nom « Souffleurs d’art », car ici se mêlent au théâtre d’autres arts : jonglage, danse, acrobaties, musique, magie, jeux d’ombres, effets de lumières etc ce qui crée un univers particulier. Ils insufflent aux pièces classiques un p’tit vent frais qui permet de dégager un peu l’entrée dans un théâtre, terme qui, de nos jours, fait encore peur à certains.
Mais alors qui sont-ils ces Souffleurs d’art ?
« Cinq hurluberlus, amoureux des planches. Sapin, hêtre ou chêne, tout nous convient pourvu que le bois soit assez solide pour supporter nos fantaisies et autres facéties. », ironise Rémi Tandonnet, qui avec ses compagnons de jeu ont élu domicile, depuis 2011, à Anzin et son très joli théâtre. Au commencement de l’histoire, ils sont une poignée de passionnés fondateurs, tous avec un bagage théâtral, dont Corine Agthe, la metteuse en scène. Artiste dans l’âme, elle a toujours baigné dans le monde du spectacle. Une rencontre avec le réalisateur Bertrand Tavernier lors du tournage de « Ça commence aujourd’hui » et c’est le déclic. Un univers décalé et novateur sur une longue route culturelle, accompagnée du bureau des Souffleurs d’Art, Rémi Tandonnet, Bastien Bruchhauser, Valérie Machowiak et Marion Lefévre. Rémi ajoute quelques mots » Corinne Agthe est au cœur de la création de la Compagnie, c’est elle qui a imaginé les costumes du bourgeois, elle est vraiment la pierre angulaire de notre travail et du succès de nos pièces. ».
Ces passionnés mélangent les disciplines artistiques, toujours en mouvements, en recherche perpétuelle, l’équipe donne des cours lors d’ateliers pour enfants, adolescents et adultes à Anzin (1h30 ou 2h par semaine avec un spectacle au théâtre d’Anzin chaque année – renseignements www.souffleursdart.com), suivis par un peu plus de quatre-vingt apprentis comédiens, mais elle se forme aussi. Dans une de leur pièce, Le barbier de Séville, on retrouve du mat chinois, pour cela, Mathilde a suivi une formation au Boulon, Centre National des Arts de la rue, en 2013.
Ils insufflent aux pièces classiques un p’tit vent frais.
Revisiter une œuvre classique est toujours audacieux. Le spectateur aime où pas. Force est de constater que les grands classiques théâtraux sont de plus en plus revisités. Des versions contemporaines qui font flop, on en a vues, pari risqué, mais pari réussi pour la Cie, tout le monde accroche. Créer un univers moderne, en conservant la base de la pièce, sans porter atteinte à l’œuvre originale, l’ouvre à ceux qui connaissent comme à ceux qui ne la connaissent pas. Certains veulent être surpris par l’originalité, bousculés par une autre sensibilité, d’autres y verront un accès plus simple au monde du théâtre et l’arrivée d’une plus grande diversité de spectateurs. Et c’est tant mieux. Dans chaque adaptation de la compagnie, « l’ objectif premier est de correspondre aux attentes des spectateurs ayant des acquis au niveau des œuvres classiques, mais aussi de toucher, de réjouir, et d’enrichir un public non averti, comme les adolescents souvent encore réfractaires au théâtre classique. », annoncent-ils. Forts de leur amour de Molière, ils ont à l’affiche parmi leurs spectacles, depuis 2011, Don Juan, L’avare, mais aussi Le barbier de Séville de Beaumarchais, Courtisane adapté du Moulin Rouge, et depuis peu il y a aussi un Le bourgeois gentilhomme des Souffleurs d’art qui fait un tabac, auprès de tous et des scolaires aussi, ce n’est pas sans importance. C’est un art de faire aimer Molière aux enfants. «On essaie de conserver le texte sur le spectacle, le langage classique est modernisé, du coup tout le monde accroche. Il y a un réel échange avec les élèves côtoyés, ce sont des échanges très intéressants. Nous sommes fiers de dire que nous arrivons à toucher un public qui à la base, n’est pas un public de théâtre. En effet, nous présentons régulièrement nos pièces devant des scolaires (collèges/lycées) et c’est toujours un grand plaisir d’entendre les professeurs nous remercier d’avoir réconcilier leurs élèves avec les œuvres classiques. » Des pièces qui allient donc toujours tradition et originalité et cela ne laisse pas indifférent, c’est ce qui fait la force, la marque de fabrique de la compagnie. D’ailleurs pour encourager les élèves à s’ouvrir à la culture, les Souffleurs d’Art ont tissé des partenariats avec les structures locales telles que Le Phénix, Scène Nationale et Pôle Européen de création, ou encore Le Boulon, Centre National des Arts de la Rue de Vieux-Condé.
Dans les coulisses du Bourgeois gentilhomme revisité.
Les petits Souffleurs d’Art expliquent «en premier lieu et durant plusieurs mois, le texte a été étudié afin de mettre à nu les subtilités et les objectifs de l’auteur. Dans un deuxième temps et une fois ces objectifs fixés, le contenu a été revisité dans le but d’apporter d’avantage de rythme, mais aussi d’actualiser l’écriture originale afin qu’elle corresponde au mieux à la future mise en scène. L’intrigue s’est vue légèrement condensée, de façon à obtenir une durée de spectacle voulue (environ 1h45). Pour cela, certaines répliques ont été écourtées. La langue de Molière est respectée tout au long de la pièce. »
Mais Molière, ce n’est pas que le texte. C’est tout. Alors à la Cie, ils endossent plusieurs rôles et ça leur va comme un gant. Musiques, machinerie, lumières, vidéos, tout est travaillé en équipe. Pour les personnages c’est pareil. Dans Le bourgeois gentilhomme, les personnages sont hauts en couleur, chaque comédiens jouent plusieurs rôles, Rémi et Mathilde à eux deux, sont 8 personnages, ça vous pose le cadre de l’interview…..et les costumes alors? A décor épuré costumes colorés. Imaginés et crayonnés par Mathilde, ils sont confectionnés par leur chère couturière, Constance, « les costumes que nous avons en tête, elle a su les créer à la perfection ».
La grande fabrique de mots, une quinzaine de minutes de spectacle à trimballer partout.
Rémi et Mathilde sont aux origines d’ un spectacle composé de quatre petites formes théâtrales pouvant être joué partout, médiathèque, centre culturel, centre social, festival… « Ce sont 4 spectacles de 15/20 minutes chacun, cela raconte l’histoire d’un couple, où seul l’instant est important, de la rencontre jusqu’à la rupture. Un instant, La grande fabrique de mots, L’attrapeur de mots et L’histoire des contrées lointaines peuvent se jouer dans des endroits différents, un peu comme du spectacle de rue. », explique Rémi. Inspiré du joli conte signé Agnès de Lestrade, sur le pouvoir des mots, c’est l’histoire d’un pays où les mots ne sont pas libres. On doit les acheter, un par un. Il faut être riche pour être libre de s’exprimer, d’autant que certains mots valent une fortune, les riches ont donc une banque de mots considérable, alors les plus pauvres ramassent les mots et fouillent les poubelles, et ne récupèrent que des mots inutiles ou usés. Mais Philéas est amoureux de Cybelle et il a des choses à lui dire…il part donc à la recherche de mots appropriés pour lui parler d’amour.
Un petit mot sur la prochaine pièce?
Rémi et Mathilde se regardent, sourires complices, « c’est encore un secret », nous disent-ils. Ils le savent très bien, un certain Jean-Baptiste leur a soufflé « le chemin est long du projet à la chose » mais les deux jeunes comédiens, main dans la main, l’esprit bouillonnant de projets et d’idées, sont bien décidés « on veut se donner les moyens de nos ambitions. »
Quelle bonne manière d’explorer les mots et la langue française en jouant non ? Et ce n’est surement pas un hasard, si la compagnie aime à reprendre les pièces du patron de la Comédie Française, si cela permet de faire apprécier Molière aux élèves, lui qui a toujours aimé la jeunesse qu’il voulait libérer des contraintes absurdes. On vous l’avait dit : si vous n’allez pas au théâtre, le théâtre viendra à vous. Coup de cœur garanti !