Qui est le maître des horloges, le RN, la gauche ou Emmanuel Macron ?
A l’aulne d’un premier gouvernement sous l’autorité de Michel Barnier, la question en lévitation est la durée de vie de cet exécutif et nous verrons que de nombreux scénarios sont envisageables. En effet, le calendrier politico/judiciaire du Rassemblement National, l’éclatement éventuel du Nouveau Front Populaire, et le propre choix du Président de la République, voilà quelques paramètres à prendre en compte dans l’hypothèse d’une future dissolution, ou pas, de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron (visuel DR).
A qui profite le plus la censure du Gouvernement Michel Barnier ?
Le Rassemblement National doit composer avec son calendrier judiciaire
Du 30 septembre jusqu’au 27 novembre 2024 débute un procès, issu d’une très longue enquête, à l’endroit de 27 membres du Rassemblement national ou ex Front National. Ainsi, l’extrême droite (comme l’autorise le Conseil d’Etat) est traduite devant le Tribunal correctionnel de Paris. En effet, 27 prévenus, présumés innocents, seront jugés pour avoir détourné des fonds européens destinés à l’embauche d’assistants parlementaires afin de rémunérer des salariés du Rassemblement National. Parmi les figures politiques concernées, la Présidente du Groupe RN à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, Louis Aliot, Nicolas Bay, l’ex trésorier du FN Wallerand de Saint-Just et le porte parole très médiatique du RN Julien Odoul, une pléiade de caciques politiques dans ce dossier de « l’Affaire des assistants parlementaires » pourrait jouer leur avenir politique.
Premier cas de figure, le Rassemblement National est lavé, voire une très faible sanction, de tous les chefs d’accusations. En l’espèce, Marine Le Pen sortirait beaucoup plus forte de ce momentum judiciaire et pourrait utiliser toute la palette des opportunités politiques et électorales à venir.
Deuxième cas de figure, le Rassemblement National est condamné, mais Marine Le Pen, comme François Bayrou (même dossier), est plus ou moins blanchie. Peu importe pour les autres ténors, seul le sort de Marine Le Pen pèse dans l’échéancier politique national. Dans cette hypothèse, le calendrier évoqué par Jordan Bardella et Marine Le Pen à l’occasion de leur rentrée parlementaire s’appliquerait sans aucun doute. Le Gouvernement « Barnier », dans l’éventualité d’une survie durant 10 mois encore, serait censuré courant juin 2025. A cet effet, le Président de la République pourrait décider d’une nouvelle dissolution avec un calendrier rapide afin d’organiser une nouvelle élection législative.
Troisième cas de figure, Marine Le Pen est condamnée lourdement, amende significative, peine de prison avec sursis, mais sans inéligibilité. A cet instant, elle devrait faire appel immédiatement afin que son procès puisse se dérouler avant la Présidentielle de 2027. Un peu dans l’idée de l’emprunt auprès d’une banque d’un ancien pays du bloc de l’est où le RN a liquidé ce dossier en remboursant ledit emprunt bancaire, dossier clos dans les médias. Sans cette démarche, elle trainerait cette procédure comme un boulet pour l’élection présidentielle. Dans le cadre de cette probabilité, l’opportunité d’une censure en juin 2025 n’est plus d’une évidence absolue, sauf si le vote à la proportionnelle passe pour les prochaines élections au suffrage universel. En résumé, la pesée des avantages et inconvénients sera kafkaïenne pour ce parti d’extrême droite. Tout en sachant que le RN encaisse près de 20 millions d’argent public, chaque année, suite aux résultats des deux tours de l’élection législative 2024.
Quatrième cas de figure, Marine Le Pen est condamnée lourdement avec une peine d’inéligibilité, outre le discours déjà préparé et servi à nos oreilles pour soutenir en Italie Matéo Salvini (aucun rapport sur le fond) où le réquisitoire du parquet italien est présenté comme un procès politique (https://www.lefigaro.fr/international/persecution-judiciaire-le-rn-vole-au-secours-de-son-allie-italien-matteo-salvini-qui-encourt-6-ans-de-prison-20240915), la durée d’inéligibilité conditionnera la suite. Ester en justice, faire appel ou pas, et tout faire pour laisser ce dossier derrière la candidate sur la ligne de départ de la Présidentielle en 2027.
Bien sûr, ce discours du procès politique sera martelé à l’envi dans la sphère médiatique, en mode Donald Trump où rappelons nous que Marine Le Pen avait cherché son soutien pour l’élection présidentielle en 2017 jusqu’à New-York. L’issue de la Présidentielle américaine, début novembre 2024, avant la fin du procès en question « Affaire des assistants parlementaires » , ne sera pas un détail politique dans le paysage politique français.
La gauche, arbitre à l’insu de son plein gré !
A ce stade, le Nouveau Front Populaire semble uni même si l’absolutisme d’un programme, et de manière évidente le refus de Jean-Luc Mélenchon d’une démocratie parlementaire dès 20H05 le dimanche 07 juillet 2024, pourrait ne pas résister à une autre offre de gauche en capacité de gouverner, d’imprimer une politique sociale démocrate, en rupture… acceptable à travers un compromis politique plus large à l’Assemblée nationale.
Nous entendons des voix comme François Ruffin, les bannis de LFI, Fabien Roussel, mais également François Hollande, commencé à distiller le parfum d’une nouvelle offre de gauche. Au point où se situe la politique française avec un Premier ministre issu d’un parti politique avec 47 députés à l’Assemblée nationale, tout est envisageable. A ce titre, une offre de gauche avec des députés convaincus qu’il est possible de gouverner dès l’été 2025 peut cheminer durant 10 mois, qui sait ?
Le Président de la République, le choix anti Rassemblement National ?
C’est pourquoi, l’évolution de la ligne politique de gauche sera un paramètre incontournable pour le choix du Président de la République en juin 2025. En effet, supposons que la censure tombe dès que possible après les 12 mois, ou avant, et que la volonté d’Emmanuel Macron de ne plus dissoudre l’Assemblée nationale persiste. De plein droit, il peut proposer un ou une Premier ministre de gauche trouvant une majorité parlementaire avec « Ensemble Pour la République » et le Modem.
Deuxième ou premier choix si le RN n’a pas la majorité absolue, un Premier ministre du Rassemblement National serait choisi par le Président de la République juste avant l’écueil des municipales 2026. Là également, beaucoup d’avantages, mais de nombreux coups à prendre avant l’élection reine, la Présidentielle.
Nous le voyons, cette situation politique est totalement inédite depuis la naissance de la 5ème République et semble complètement chambouler l’approche comportementale de chaque parti politique. Pour le coup, cette dissolution ratée a réussi un tour de force, celle de priver les partis politiques d’une boussole républicaine. C’est peut-être devant ce mur que des femmes et des hommes pourraient se révéler durant cette mandature parlementaire improbable.
Enfin, ce bouillonnement démocratique, qui n’a pas que des défauts, doit absolument demeurer dans un esprit pacifique, au sens littéral du terme, et surtout ne pas dériver vers un contexte politique à l’américaine.
Daniel Carlier