Valenciennes Métropole doit revoir sa copie sur le marché public de l’eau
Décidément, la période est compliquée politiquement et elle se traduit également par un désaveu cinglant à l’endroit de Valenciennes Métropole, par le Tribunal administratif de Lille, concernant un énorme marché public, celui de l’eau. Remontons le fil de cette décision rarissime, contrairement à un très très classique recours d’un candidat déchu d’un marché public d’une telle ampleur, en l’occurence l’entreprise SAUR.
Tribunal administratif de Lille : « entachée d’irrégularités »
Tout d’abord, retour en arrière avant la loi NOTRe où le Valenciennois cumulait pas moins de 11 syndicats d’assainissement, une situation ubuesque pour un territoire de 165 à 175000 habitants, symptôme d’un désir de conserver des chapelles, des postes de Présidents et vice-présidents rémunérés ici et là. L’ancien Sous-Préfet de Valenciennes, Franck Olivier Lachaud, avait essayé de s’attaquer à ce labyrinthe de l’assainissement sur le Valenciennois, mais il s‘est cassé les dents. Pour les initiées du passage de ce Sous-Préfet de Valenciennes, c’est dire le niveau de résistance des institutions en mode village d’Astérix.
Puis, le Président de la République François Hollande a lancé la loi NOTRe en 2016 avec son effet bombe à retardement, comme le transfert de la compétence urbanisme vers l’intercommunalité déshabillant un peu plus le pouvoir de l’édile. Toutefois, et à bon escient, la loi NOTRe a transféré la compétence de l’eau potable et assainissement vers les EPCI mettant fin de fait, dans les 12 mois, à compter du 01 janvier 2022 au foutoir national en la matière. Un retardement de mise en oeuvre, suite au « Grand débat national », avait été accordé aux EPCI plus ruraux, donc pas du tout le Valenciennois.
Deux choix s’imposaient de facto aux EPCI, comme Valenciennes Métropole et La Porte du Hainaut, une délégation globale de service à travers un nouveau marché public, comme La Porte du Hainaut, voire une prise de compétence totale de la gestion de l’eau, comme Valenciennes Métropole. Evidemment, la 2ème option impose le choix après d’un prestataire privé ou public ce qui fut le cas de Valenciennes Métropole.
Par suite, la loi NOTRe a ramené dans le giron de la CAVM les 11 syndicats d’assainissement du Valenciennois dont celui du SIAV, très encombrant notamment à travers la condamnation de son ex Président Bernard Brouillet, https://www.va-infos.fr/2017/12/16/affaire-brouillet-proces-de-labsence-de-probite/ et https://www.va-infos.fr/2018/03/13/bernard-brouillet-condamne-dans-3-affaires-mais-relaxe-dans-5-autres-dossiers/
Sous la houlette de Véronique Dupire, dernière présidente du SIAV, mais également nouvelle vice-présidente sur le cycle de l’eau au sein de Valenciennes Métropole, indiquant à juste titre des chantiers conséquents, mais « invisibles », avec des « engagements financiers très lourds », la gestion de l’eau a changé de main.
Par suite, la CAVM a donc repris également le dossier de l’ancien syndicat du SIARB regroupant Anzin, Aubry-du-Hainaut, Beuvrages, et Petite-Forêt où un contrat d’affermage de 30 ans avait été passé avec l’entreprise SUEZ en 1993.
L’entreprise SAUR a remporté son référé précontractuel
Consultée par la Lettre https://www.lalettre.fr/fr/entreprises/2024/07/17/suez-et-saur-a-couteaux-tires-sur-le-vaste-marche-de-l-eau-de-la-metropole-de-valenciennes,110269282-eve, ce marché public de Valenciennes Métropole a été sévèrement remise en cause par la justice administrative.
En effet, il revenait à la nouvelle compétence de Valenciennes Métropole de relancer une consultation publique à l’extinction du marché avec l’ex SIARB. C’est pourquoi, le 21 avril 2023, Valenciennes Métropole à lancer une procédure de consultation où s’affrontèrent l’entreprise SUEZ et la société SAUR, deux des pachydermes sur le marché avec évidemment l’incontournable VEOLIA. Le 21 février 2024, Valenciennes Métropole fait le choix de l’entreprise SUEZ, un échec pour l’entreprise SAUR assez implantée sur le Hainaut également. Cette dernière va ester en justice, dès le 01 mars 2024, à travers une procédure de référé précontractuel.
Du côté de l’agglo, pas de surprises, puisque sur un marché public estimé à 118 million d’euros, il est assez rare qu’aucun prétendants ne monte au créneau sur la forme comme sur le fond en toute légitimité.
Sauf que cette fois, le Tribunal administratif de Lille, le 19 juin 2024, a donné raison à l’entreprise SAUR une consultation « entachée d’irrégularités » et une procédure « susceptible de conduire à ce que (…) l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie ». En clair, le juge considère que l’impartialité de Valenciennes Métropole n’a pas été totale dans le choix final de l’entreprise SUEZ EAU France, un jugement comme un camouflet pour la vice-présidence de Véronique Dupire, et pour la Présidence qui au bout du bout est toujours responsable de tout.
Et le Conseil de Valenciennes métropole du 26 juin 2024
7 jours après la décision du Tribunal administratif de Lille, le Conseil communautaire de Valenciennes Métropole se tenait malgré une tempête nationale politique et surtout un typhon local sur la 21ème circonscription avec in fine une candidature rocambolesque, mais victorieuse, de Valérie Létard grâce au Front républicain très remarqué sur cette circonscription. La logique, comme d’autres EPCI, était de reporter cette instance huit jours plus tard ! Que nenni, le Conseil de Valenciennes Métropole s’est maintenu, malgré un potentiel remue-ménage politique durant la plénière.
Du côté de la justice, la décision du 19 juin a donné raison à l’entreprise SAUR. A cet effet, une notification aurait été également adressée à l’EPCI concernée, dès le 19 juin, et surtout il n’est pas concevable que les services concernés, voire la vice-présidente en charge, ne soit pas en prise directe afin de connaître la décision de l’instance de justice. Bref, le 26 juin 2024, le Conseil communautaire a indiqué que la décision était toujours en attente (un mensonge grossier) et que par suite, le marché existant devait se prolonger jusqu’au 31 décembre 2024. A travers un avenant, le marché initial de 76 268 000 euros est passé à 80 218 000 euros afin de boucler cette année 2024 au bénéfice de l’entreprise SUEZ. Le marché initial passe de fait de 30 à 31 ans.
Le jugement demande à Valenciennes Métropole de reprendre ladite procédure à sa phase finale, mais la CAVM à toute latitude pour recommencer à zéro la consultation publique. Tout est une question de durée, la reprise totale de la procédure de marché public allongerai, de manière conséquente, le choix du Conseil communautaire.
Le prochain Conseil de la CAVM devra faire son choix et surtout entériner une (re)lance d’une procédure d’attribution de marché public. Les contribuables aimeraient connaître les raisons techniques de ce jugement du TA de Lille, ce n’est pas neutre lorsque nous parlons du plus gros marché public du mandat 2020/2026 concernant Valenciennes Métropole.
Daniel Carlier