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La fermeture/destruction du site d’Amaury votée en comité syndical du PNRSE (Parc Naturel Scarpe-Escaut)

Après deux heures d’un débat, âpre, tendu, entre des élus aux avis divergents, une tristesse pesante, une déception palpable, une amertume infinie, une colère profonde, et une décision inévitable, transpirent de cet instantané territorial, mais les mots ne suffiront jamais pour résumer ce rendez-vous exceptionnel du Comité syndical du Parc naturel régionale Scarpe Escaut, ce jeudi 15 février 2024. Ce temps fort se déroulait au sein de la salle André Malraux, à Saint-Amand-les-Eaux, comme un clin d’oeil à son oeuvre signature « La Condition Humaine » tant cette séance a exhalé toutes les défaillances sur le temps très long de la gouvernance de proximité à tous les échelons, un véritable naufrage politique partagé que des « verbiages » inaudibles ne masquent pas, loin s’en faut (visuel du Bureau du PNRSE).

(Visuel collectif en soutien au site d’Amaury)

Christian Poiret, Pdt du Conseil départemental du Nord, en commission permanente du 22 janvier 2024 : « Il sera compliqué de faire les travaux si, ni le Conseil régional, ni les agglos concernées ne souhaitent financer ! »

Avant de planter le décor et le déroulé de ce Comité syndical singulier, il est toujours utile de rappeler la position, hors affichage politique du jour, du porteur d’un projet pour l’avenir de l’éducation à l’environnement sur le site d’Amaury, le Conseil départemental du Nord. A cette commission permanente le 22 janvier 2024 du Conseil départemental du Nord, Patrick Valois, vice-président en charge du dossier, soulignait « que l’on peut faire de l’éducation l’environnement sans trop d’investissement », Luc Detavernier, présent ce 15 février, et à cette commission du 22 janvier, mettait en exergue « 70% des enfants qui viennent au centre d’éducation à l’environnement sont hors périmètre d’habitation du Parc, les communes ne sont donc pas d’accord pour financer la reconstruction. D’ailleurs, les modalités d’éducation à l’environnement ne sont plus les mêmes qu’avant… » , et sans oublier le commentaire clé du Président du Conseil département, Christian Poiret, en intertitre ci-dessus. 

« Non, la fermeture du site d’Amaury n’est pas un abandon de l’Education à l’environnement par le Parc », Grégory Lelong 

55 communes membres du Parc Naturel régional Scarpe Escaut, plus d’une cinquantaine d’élus présents pour ce comité syndical du PNRSE lourd, ouvert au public avec la présence du « collectif de soutien au Centre Amaury », cette échéance syndicale était très attendue. Dès ces premiers mots, le Président du PNRSE introduit cette soirée par la portée de la décision à prendre concernant un « équipement historique du Parc, le Centre d’Education à l’environnement d’Amaury sur Hergnies », et bien sûr le moment de valider « une décision courageuse avec des décisions douloureuses pour les salariés de l’ADEPSE* ». Ainsi Grégory Lelong balaye de nouveau les points clés de cette fermeture, notamment le non respect du « décret éco-énergie-tertiaire avec un désordre d’ordre structurel, un sous-sol qui se tasse compte tenu de l’affaissement de l’étang, un problème d’ancrage de plusieurs poteaux…, le coût d’une reprise complète se chiffre entre 7 et 8 millions d’euros. Quelles sont les communes membres et partenaires prêtes à financer cette rénovation totale ? Le Parc n’a pas la capacité financière. Qui va payer, je pose la question ? (Rapport d’expertise 2023 CEE d’Amaury à HERGNIES – PNRSE (5)).

Grégory Lelong, président du Parc Naturel régional Scarpe Escaut

Avant la présentation d’un projet d’avenir, la phase fermeture/destruction/renaturation sera programmée comme suit. Le PNRSE va céder, pour l’euro symbolique, à l’EPF (Etablissement Public Foncier) l’intégralité de sa propriété bâtimentaire compte tenu d’un coût de remise à zéro de 925 000 euros, un montant bien supérieur à la valeur vénale existante de l’ensemble bâti. Puis, le Conseil départemental du Nord devra porter un projet de renaturation, le tout bouclé d’ici 2025. A ce titre, Luc Detavernier, au nom de Patrick Valois, est venu s’exprimer sur un projet futur porté par le Conseil départemental du Nord pour ce site d’Amaury.

Dans ce cadre, le cabinet « Dientre » expose ce projet pour un nouvel aménagement du site d’Amaury en réflexion depuis 2021 par le PNRSE et ses partenaires, que beaucoup découvrent comme les communes et l’ADEPSE, établi entre l’été 2022 et l’été 2023. L’accélération du temps compte tenu du dossier « Amaury » a précipité cette présentation. Stationnement pour les véhicules hors de cet espace naturel sensible, aménagement d’observatoire et autres équipements, site apaisé, déplacement favorisé pour les cycles, les piétions et les chevaux, pâturage, etc. Avec deux portes d’entrées,« Square Stil pour le public et rue Saida Monseu pour les habitués, pêche, chasse », commente l’intervenante du cabinet Dientre. Une réaction à chaud d’un élu d’Hergnies, commune de l’étang d’Amaury, est partie comme un boulet : « Si vous nous aviez associé à cette réflexion, nous vous aurions indiqué que le parking de 40 places, Square Stil, est en face d’une crèche et qu’un programme de 40 logements est prévu non loin de là ». 

Tout chose étant égale par ailleurs, ce projet est une proposition évaluée « à un million d’euros. Non, la fermeture du site d’Amaury n’est pas un abandon de l’Education à l’environnement par le Parc, notamment auprès des scolaires, mais il y a une évolution de la pédagogie. Il n’y a que 30% des jeunes de notre territoire venant sur le Centre d’Education à l’environnement d’Amaury », déclare Grégory Lelong.

Un projet du Conseil départemental du Nord…, un jour peut-être !

Luc Detavernier, le vice-président du Conseil départemental du Nord est transparent sur ce projet : « A ce stade, c’est la seule proposition sur la table. J’espère que nous obtiendrons le soutien le plus large de nos partenaires ». 

Dans la foulée de cette présentation technique et politique, la conseillère régionale Hauts de France, un peu piqué par certains propos, rappelle à qui veut l’entendre. « Tout d’abord, je rappelle que nous avons été le soutien financier principal de l’ADEPSE durant toutes ces années. Par contre, le Conseil régional Hauts de France ne s’engagera pas sur un projet aussi onéreux, mais potentiellement sur un soutien financier à certains équipements ». En clair, la région a permis une continuité de la pédagogie sur site, mais aucun plan de développement ultérieur, et ne souhaite pas pousser plus loin en principal. C’est la douche froide en lien avec le commentaire du Président du Conseil départemental en haut de cet article. 

Ancienne 1ère vice-présidente du Conseil régional, et Conseillère départementale, Valérie Létard met en exergue « un site qui ne répondait ni aux besoins, ni aux attentes d’une éducation à l’environnement. Le Parc régional a un budget contraint. Comment fait-on ? Nous devons trouver des solutions pour le parc avec l’ensemble des partenaires, la région, département, les 2 agglos et les communes ». 

La mémoire politique est toujours une réponse à un autre propos. A ce titre, Eric Renaud rappelle que « nous parlions déjà il y a 20 ans des mêmes choses pour rénover le site d’Amaury. Ensuite, c’est le 4ème site que nous fermons du Conseil départemental ». Tout cela pour dire que les paroles n’ont jamais rempli un budget entre des partenaires aux compétences différentes, aux budgets de plus en plus corsetés, et aux couleurs politiques… divergentes !

Sur ce point, le Président du PNRSE s’empresse de souligner que « rien n’est financé, tout est à faire ». Le contraste entre l’affichage, assez optimiste, durant cette soirée du 15 février, et la réalité au sein de la commission permanente du Conseil départemental du Nord, 3 semaines plus tôt, prend toute sa dimension. 

… avec un hébergement !

Dans la discussion, la pierre d’achoppement a été incontestablement un projet futur avec une capacité d’accueil sur site ou pas. A tel point que le maire d’Hergnies conditionne sa signature d’une nouvelle construction sur sa commune. « A ce stade de la présentation de votre projet (départemental), il faut revoir votre copie. Je conditionne mon accord à l’existence d’un hébergement avec une capacité d’accueil », répond Jacques Schneider.

En effet, cet espace d’accueil sur site a fait l’objet d’un véritable débat dans l’hémicycle. Sandrine Gombert, maire de Petite Forêt, évoque une réalité de terrain : «  Ce Centre d’Education était un moyen, sur site, de sensibiliser à l’environnement à des enfants des zones urbaines, qui ne partent pas en vacances…, et pas seulement les enfants dont les parents vont les emmener sur Amaury. Petite-Forêt était prête à participer à un financement à la rénovation de cet équipement ». Assurément, cet argument social est extrêmement pertinent, mais aussi contrecarré par les moyens financiers nécessaires. « Cela fait 30 ans que je fais de l’éducation à l’environnement, mais aujourd’hui les enseignants ne peuvent plus envoyer trois jours en sortie de classe un groupe d’élèves, juste la piscine », indique cet élu et enseignant. Cruelle percussion des réalités où la pédagogie du « Allez-vers » en milieu scolaire est porteuse, mais devrait pouvoir se conjuguer avec une immersion sur site, pour que des enfants découvrent la biodiversité en réel, pas uniquement sur Youtube ! Notons tout de même que l’Assemblée nationale vient de proposer une loi, le 1 février 2024 , votée à l’unanimité, pour les voyages de classe… ! Elle vise à relancer les voyages scolaires et instaure un fonds national (3 millions d’euros) pour aider à financer ces séjours, ainsi qu’une indemnité pour valoriser les enseignants organisateurs.

La ville de Raismes, par son adjoint à la transition écologique, Jean Pierre Mottier Mottier, pensait « qu’un bâti était peut-être sauvable ? Ensuite, il faut assurer la continuité de l’éducation à l’environnement sur ce site ! ». 

Pour Franc De Neve, élu à Saint-Amand-les-Eaux en charge du développement durable, le ton est plus offensif sur la nécessité d’éduquer « les enfants sur un site, les imprégner dans un milieu naturel. Il faut un centre d’Education et pas d’attention à l’environnement. Cela fait 50 ans que cela ne bouge pas, et tout d’un coup, on nous sort un projet », s’étonne-t-il. A contre-point, Eric Renaud promeut « cette opportunité d’un tel projet porté par le Conseil départemental du Nord. Il faut en profiter ! ». 

Comme souvent, un regard plus extérieur est souvent lucide. La maire de Tilloy-lez-Marchiennes, Marie Cau, trouve « un manque d’ambitions dans ce projet. Nous avons besoin de ce type d’équipement ouvert à toutes les couches sociales et pas seulement réservés aux enfants des parents aisés ! ». 

Les salariés de l’ADEPSE

Pas dans l’ordre du jour du comité syndical, l’avenir des salariés de l’ADEPSE étaient indirectement le fil rouge de cette réunion où chaque partie argumentait sa prise en compte sociale, même si l’ADEPSE demeure une association « au sein de laquelle nous ne pouvons pas faire d’ingérence », commente le Président du PNRSE. Sur ce sujet, comme pour cette fermeture/destruction, la précipitation des événements a généré un stress évident, une humanité oublié comme si 30 ans de laisser faire, quelque que soient les sommes déjà engagées, avaient gommé l’aspect social endogène et exogène comme l’accueil des scolaires sur ce site, parfois en provenance de territoires plus lointain pointant quelque part la qualité de cette structure in fine. Jamais prophète en son pays !

« Je ne peux pas mettre en danger des enfants, des adultes…, il faut éviter un drame ! », Grégory Lelong

Evidemment, le coeur des délibérations à voter durant ce comité syndical reposait d’abord et avant tout sur l’urgence ! Gregory Lelong s’engage dans un propos déterminé face aux réticences exprimées ici et là : « Je ne peux pas mettre en danger des enfants, des adultes, il faut éviter un drame ! De plus, nous entrons bientôt dans une période estivale… Je ne laisserai pas le PNRSE prendre cette responsabilité ». Très soutenu par certains élus comme le maire de Lalaing, voire de Valérie Létard, dans le cadre de cette décision difficile, le maire de Condé-sur-l’Escaut n’a pas laissé de place au doute sur sa détermination a fermé et déconstruire ledit Centre d’Education à l’environnement d’Amaury.

Pour sa part, Béatrice Descamps, députée de la 21ème, résume le problème. En clair, elle rappelle qu’il ne sert à rien de refaire le match depuis 30 ans…, car « la sécurité, c’est la priorité ! Nous devons prendre une décision importante pour cette sécurité. Néanmoins, je suis déçue de cette situation. Enfin, ce projet du Conseil départemental est une ébauche ! ». 

Malgré les multiples interventions de toute nature, le sujet de la sécurité s’est forgé comme une évidence au sein du collège des élus du Comité du PNRSE. « J’a été président de l’EPF et mon prédécesseur a été mis en cause, malgré un site sécurisé, suite à un drame ! », mentionne Valérie Létard.

Le vote du comité syndical du PNRSE

Ce long débat visait à éclairer un vote de 4 délibérations, la désaffectation du Centre d’éducation à l’environnement d’Amaury, son déclassement vers le domaine privé, sa cession à l’EPF pour l’euro symbolique, et la cession à titre onéreux du mobilier. Un vote global sur ces délibérations est intervenu avec 5 abstentions et 5 contre, dont le maire d’Hergnies. 

En bref, la fermeture destruction du Centre d’Education à l’environnement d’Amaury s’impose à travers un vote démocratique incontestable, l’EPF va donc faire le job comme d’habitude et pour le reste en terme de projet structurant pour la pédagogie à l’environnement sur Hergnies, compte tenu de l’histoire sur ce site, tout calendrier pourrait partir aux calendes grecques. Comme dirait le dicton populaire : « Emballez, c’est pesé » après plus de 30 ans le regard ailleurs. Après tout, la disparition d’un lieu d’immersion à la biodiversité de proximité ne gêne pas les vacances alpines… ! 

Daniel Carlier

* Organisme gestionnaire de l’ancien Centre d’Education à l’environnement d’Amaury, sur Hergnies, et celui de la Maison de la Forêt à Raismes

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