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APESA, l’aide psychologique du Chef d’Entreprise en difficulté

Depuis le 1er trimestre 2020, l’association APESA Grand Hainaut aborde le soutien mental du chef d’entreprise en grande difficulté économique. Clairement, la fin de vie d’une entreprise ne devrait jamais déboucher sur une tentative de suicide de son dirigeant, et pourtant l’isolement du chef d’entreprise joue parfois comme un aspirateur de la rationalité, celle d’un univers qui s’écroule autour de lui, une situation perçue comme un abîme sociétal. C’est là que le dispositif APESA peut tendre la main aux dirigeants avant l’irréparable !

(Visuel de gauche à droite, Bruno Fontaine, Julien Lagache et Raymond Duyck)

« Il faut parler de sa situation à quelqu’un », chef d’entreprise bénéficiaire d’APESA ((Aide Psychologique  aux Entrepreneurs en Souffrance Aiguë)

Bien sûr, il faut tout d’abord recadrer le débat et surtout la cible « Nous parlons ici des TPE et PME, car les grands groupes ont un service DRH, des services associés. Là, le chef d’entreprise est seul face à ses problèmes. C’est pourquoi, nous pensons que cette création, en lien avec le réseau APESA France , était utile pour le territoire », précise Bruno Fontaine, le Président de la CCI Grand Hainaut et membre de l’association APESA. Il existe actuellement 94 antennes en France et 8 en cours, un déploiement éclair après la 1ère initiative sur la commune de Saintes, en Charente-Maritime, en 2013.

Sur le Grand Hainaut, il y a 3 ans, Julien Lagache a choisi de prendre la Présidence de cette association territoriale, basée sur l’espace géographique des tribunaux de commerce, avec une vision claire : « Dans son isolement, le chef d’entreprise mélange sa vie privée et son contexte professionnel. Une liquidation judiciaire est assimilée par le chef d’entreprise comme la fin de tout. Dans ce cadre, nous observons un défaut d’accompagnement ».

Un bénéficiaire du dispositif APESA témoigne sur le ressenti d’une procédure de fin de vie économique. « J’étais en faillite en 2018, puis le Covid est arrivé et je suis toujours en procédure. Dès les premiers passages devant le Tribunal de Commerce, j’ai très mal vécu ce moment. C’était un traumatisme pour moi, ne comprenant pas toujours les décisions de justice. On a l’impression de ne plus maîtriser son destin ».

Prise en charge psychologique

Quel que soit le moment où le dirigeant perd pied, il faut détecter les temps forts et surtout les signaux faibles. Dans cette optique, APESA recrute des sentinelles, avocats, experts comptables, magistrats, huissiers, mandataires judiciaires, voire au delà dans les services comme l’URSSAF. « Nous avons 40 sentinelles à ce jour sur le Grand Hainaut et nous recrutons encore, notamment sur des professions plus en amont d’un problème économique comme l’expert comptable », explique Julien Lagache. 

Depuis 2020, 40 signalements ont permis d’apporter un soutien psychologique à des chefs d’entreprises, mais « 17 en 2023 et déjà 4 en 2024, l’immense majorité vient d’un signalement du Tribunal de Commerce », ajoute le Président d’APESA. Clairement, comme évoqué durant la rentrée solennelle du Tribunal de Commerce , il y a un phénomène de rattrapage après le « Quoi qu’il en coûte » avec une réalité économique (re)faisant surface. 

Concrètement, dans les 30 à 45 minutes d’un signalement, le dispositif APESA se met en route. « Nous appelons le ou la chef d’entreprise le plus vite possible, car c’est maintenant qu’il a besoin de nous. Après cet échange, nous l’orientons vers un psychologue professionnel et nous prenons en charge les 5 premiers rendez-vous, puis 3 séances de suivi », poursuit-il. Cela représente un montant de 350 euros pris en charge « pour sauver une vie », clame Bruno Fontaine. 

« J’ai pu dialoguer avec un interlocuteur d’APESA, un besoin de dire les choses, notamment l’impact sur ma vie personnelle, mon épouse et mes enfants. Il y a une perte de rationalité », évoque un bénéficiaire du dispositif APESA.

« l’entrepreneur espère toujours s’en sortir », Raymond Duyck

Aux premières loges du désespoir d’une personne face à un destin économique stoppé net, les magistrats du Tribunal de Commerce doivent manier le Droit et l’Humanité. « Ils arrivent trop tard devant nous, car l’entrepreneur (TPE/PME) espère toujours s’en sortir. De fait, il reçoit un coup de massue durant une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire. C’est la fin du monde. Les séances du lundi matin, avec les procédures collectives, sont toujours difficiles au niveau humain. Nos magistrats ne sont pas tous formés, mais tous les présidents », commente Raymond Duyck, le Président du Tribunal de Commerce.

Ensuite, le climat général n’est pas propice où les crises succèdent aux crises. « Nous voyons des chefs d’entreprises inquiets, l’ambiance économique est lourde », ajoute le Président du Tribunal de Commerce. Sur ce point, Bruno Fontaine conforte cette ambiance sans horizons : « Les chefs d’entreprises n’ont aucune lisibilité sur leur avenir ». 

L’actualité n’échappe pas à ce constat économique, car le monde agricole est très impacté dans cette période économique troublée. « Même si à ce stade, les agriculteurs ne sont pas des ressortissants d’une Chambre de Commerce et d’Industrie (potentiellement dans une réforme prochaine), nous avons répondu favorablement à leurs sollicitations », commente Julien Lagache.

« Appelez APESA »

Rien n’est acquis dans la reprise du cours de sa vie. « Je suis passé à coté d’un déblocage (perdre pied) il y a encore trois mois. Aujourd’hui, je suis stabilisé et je travaille. Je conseille à tous les chefs d’entreprises dans ma situation d’échanger avec autrui. Appelez APESA ou 60 000 rebonds afin d’échanger, Il faut parler de sa situation à quelqu’un », conclut-il. Le choix du mot « déblocage » par l’interviewé est particulièrement symbolique, comme une spirale infernale que l’on ne contrôle plus et débloquer la situation passerait par un geste sans retour. Voilà l’intérêt d’une assistance psychologique pointue afin d’accompagner cette transition vers un ailleurs toujours possible.

Pour conclure sur un état d’esprit, l’acceptation de l’échec en France, par tous les corps constitués, permettrait peut-être une lecture plus pragmatique d’un manqué économique, si loin, mais peut-être très proche d’un succès demain, et plus encore d’une déconnexion mentale souhaitée avec sa vie privée. Certaines avancées récentes ont sanctuarisé les biens personnels du chef d’entreprise, mais il a toujours cet indicible honte sociétale. Oui, la prise en charge psychologique du chef d’entreprise commence peut-être ailleurs et permettrait de ne pas intervenir juste à temps ou trop tard… !

Vous pouvez contacter directement l’ APESA au 06 17 88 06 53

Daniel Carlier

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