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(Raismes) L’école Anne Godeau où l’énergie positive extérieure

Le grand jour de la rentrée des classes est arrivé dans le Hainaut comme partout ailleurs en France, mais pour les élèves de l’école Anne Godeau à Raismes, elle est particulière, car leur établissement scolaire a vécu une rénovation spectaculaire durant l’année 2022/2023. Retour sur un chantier un peu fou, mais porteur d’une nouvelle génération de projets où l’efficacité thermique maîtrise les coûts d’une rénovation d’un bâtiment public.

Jean-Paul Mottier : «  C’est un EnergieSprong à la Française »

L’ensemble du bassin minier dans le Nord Pas-de-Calais est concerné par cette vague de construction d’écoles dans les années 60 avec une structure déficiente en terme d’isolation, avec des baies vitrées orientées plein sud pour capter le soleil et se protéger du froid. 60 ans plus tard, un grain de poussière à l’échelle de l’univers, il faut protéger nos enfants du réchauffement climatique et de la chaleur excessive dans les salles de classe. Ça fait froid dans le dos… !

« Juste un an après ma prise de fonction en 2014, nous avons lancé une étude sur l’ensemble de nos bâtiments publics. Très rapidement, nous avons choisi cette école comme 1er site à rénover », commente Aymeric Robin, le maire de la commune. Depuis, 1963, sa construction, et son extension en 1968, des réparations ont été effectuées, mais plus de l’ordre de l’entretien concernant la toiture, les peintures, etc., rien sur l’isolation proprement dite. « Nous avions évalué le coût de fonctionnement, plus l’entretien, pour les 10 prochaines années. Il s’élevait à 8 millions d’euros », précise Jean-Paul Mottier, l’adjoint aux travaux de la commune.

L’Union européenne, souvent décriée, peu aussi donner naissance à quelques pépites parmi ses membres au bénéfice des autres nations adhérentes. Née au début des années 2010 aux Pays-Bas, une nouvelle technique de rénovation bâtimentaire a été utilisée sur des collectifs de logements sociaux. Cette dernière osait jeter aux orties l’adage d’un chantier de l’intérieur où les corps de métier se succèdent pour ajouter des couches isolantes. Le seul progrès durant un demi-siècle était la nature de ces dernières, bio sourcées, novatrice pour certaines (la paille au Collège Jules Ferry sur Aulnoy-lez-Valenciennes), et bien d’autres. Jamais au grand jamais, l’idée d’une isolation massive avec un ajout d’une couche isolante posée sur l’extérieur n’avait été envisagée.

La massification dans le bâtiment, génialement simple !

Bien sûr, l’idée sous-jacente de cette technique de rénovation extérieure est également économique. Ainsi, vous pouvez construire des panneaux en usine, massifier la commande et réduire le coût final du chantier. C’est pourquoi, plusieurs pays (Pays-Bas, Allemagne, Angleterre) de l’UE ont décliné cette méthodologie sur leur sol depuis quelques années déjà. L’administration française dans toute sa splendeur, un peu en retard sur le coup et toujours embourbée sur l’ANRU 2 et sa vielle méthodologie, a lancé un appel à projets en 2019 avec un virage à 180 ° degré sur le sujet. Les masques en Chine, c’est bon, mais faire autrement pour construire moins cher en France en modifiant nos habitudes Bonapartistes, il faut pas pousser… ! Bien sûr, la parenthèse COVID a bloqué ici et ailleurs tous les projets durant un temps.

« Nous avons été le 1er à lever le doigt et cette rénovation avec la technique EnergieSprong. D’ailleurs, durant l’inauguration (samedi 02 septembre), plusieurs intervenants ont souligné la naissance d’une nouvelle méthode de rénovation thermique », explique Aymeric Robin. Il faut préciser la particularité de cet appel à projet avec l’obligation de collaboration avec des entreprises locales et des architectes du cru, c’est osé jusqu’au bout des ongles !

Salle de classe

Et c’est là que nous touchons du doigt l’utilité de l’Union européenne, car le dispositif européen Interreg, très utilisé dans le Valenciennois, a été le 1er soutien financier de ce projet. Pour un coût final de 7,5 millions d’euros TTC, l’Europe subventionne un million d’euros, l’Etat français et La Porte du Hainaut ont été également les premiers soutiens sur l’ensemble du projet, rénovation thermique, cours d’école, réaménagement intérieur, voire la création de sanitaire pour les maternelles… Pour leur part, le département et la région ont subventionné la partie efficacité thermique, voire un peu payé pour voir le résultat. La réussite de ce chantier risque de faire réfléchir le mille-feuille français compte tenu de l’inflation des chantiers, la durée d’un projet classique sur un mandat local, et une technique plus rapide, sauf surprise, et une dépense publique plus réduite. Le raisonnement est pourtant si simple et déjà utilisé depuis l’émergence de la production à la chaîne dans d’autres filières industrielles, la massification casse les prix… et l’inflation.

Des mauvaises surprises, mais un défi tenu !

Avec un début du projet en septembre 2022, une installation de chantier sur site en février/mars 2023, un chantier achevé pour la rentrée 2023 est presque une gageüre. « Nous avons tenu ce délai grâce à l’esprit d’équipe entre la Directrice de l’école, Katia Robillard, son équipe pédagogique, les architectes et les entreprises intervenantes. Pourtant, nous avons eu de très mauvaises surprises, notamment avec la présence d’amiante en quantité et une nécessité de renforcement de la structure pour installer des panneaux photovoltaïques (sur 1 000 M2) »,  indique l’adjoint aux travaux. Cette adaptabilité s’est traduite par un projet initial sur site occupé avec seulement six classes déplacées dans des portakabins, mais au final, les 13 classes (élémentaire + maternelle) ont été installées dans la cour. « Il n’y a eu aucune perte de temps sur ce chantier, malgré ce changement majeur », insiste l’adjoint aux travaux.

Le coût initial de « 4 millions d’euros s’est gonflé avec ces modifications de projets. Nous arrivons à 7,5 millions d’euros TTC avec un autofinancement de la ville de 2 millions d’euros, mais cela reste bien inférieur à un entretien simple, juste un maintien de l’équipement public sur la durée. C’est pourquoi, nous n’avions pas hésité à faire ce choix au Conseil municipal », ajoute Aymeric Robin.

Cette innovation, clairement opérationnelle pour la 1ère fois en France à Raismes, doit donner des idées pour tous les chantiers à venir, notamment les établissements scolaires. Dominique Faure, la Secrétaire d’Etat, en charge du dossier, évalue à 52 milliards ce chantier national… ! D’ailleurs, le plan « Marseille » n’est qu’une préfiguration de cette déclinaison nationale.

La méthodo, simple et efficace

Une partie des panneaux solaires sur le toit

Concrètement, EnergieSprong en batave, en Français le bond énergétique, dépose une nouvelle couche isolante à l’extérieur de l’existant, quasi à chaque fois du béton. Sur l’école Anne Godeau, le choix s’est posé « sur de la fibre de bois (compressée), pas franchement une nouvelle matière, mais un isolant biosourcé », précise l’adjoint. Ainsi, une nouvelle enveloppe de 25 centimètres est venue se poser sur la partie extérieure déjà existante de cette école. Bien sûr, les menuiseries et fenêtres ont été changées par du PVC double vitrage. « Si nous avions eu plus de financement, le choix eut été de l’aluminium pour les fenêtres », ajoute Jean-Paul Mottier. Néanmoins, un PVC de qualité avec des bris soleil très bien positionnés, afin de se protéger de la portée du soleil, suffit à ce chantier, efficacité fait loi en la matière. Il faut accepter de ne pas utiliser toujours la dernière matière, incroyablement novatrice, mais également beaucoup plus coûteuse. L’excellence est l’ennemi de la réalité d’un chantier EnergieSprong. Au final, nous parlons bien d’un site à énergie positive, il va produire à travers ses panneaux photovoltaïques plus d’énergie que sa propre consommation  « Pour l’instant, nous sommes sur le papier. Dans une année, nous pourrons comparer les premières sources d’économie. Nous sommes dorénavant autonomes en matière énergétique sur cette école », déclare Jean-Paul Mottier.

Et autres aménagements…

Outre l’enveloppe thermique, d’autres aménagements intérieurs et extérieurs ont été travaillés avec finesse. Ainsi, la fameuse cour d’école réduite le plus souvent à un enrobé, parfois aménagé avec des équipements sportifs, panier de basket, but de hand…, sont réduites à la queue de projet. « Nous ne voulions plus un tarmac bitumé », explique Karine Haudrechy, la paysagère conceptrice. Ensuite, le maire met en exergue la volonté « de travailler sur l’égalité garçon/fille. Elle commence dès l’école primaire. Dans ce cadre, nous avons demandé aux élèves leurs souhaits et réalisé une cour non genrée ». De la verdure, bientôt plantée, de l’espace pour la pratique du sport, des univers différents en cours de traçage pour aboutir à une cour d’école différente, une aire de vie du 21siècle.

La participation de la commune de Raismes à la Cité-Educative (dispositif d’Etat), avec Fresnes-sur-Escaut et Escaupont, a permis également d’équiper les classes en éléments numériques, vidéo projecteur courte focale et tablettes pour l’enseignement pédagogique.

Voilà un projet assez complet et un chantier efficient « pour lequel nous sommes déjà sollicités pour des visites par de nombreuses collectivités », conclut le maire de Raismes. « C’est un EnergieSprong à la Française, nous avons adapté la technique aux normes en vigueur », ajoute Jean-Paul Mottier. On peut espérer qu’une norme européenne « EnergieSprong » va émerger rapidement, et pas des adaptations aux règles locales plus coûteuses, afin de plus encore massifier, de réduire drastiquement le coût de la dépense publique. « Nous sommes en guerre » contre l’inflation !

Daniel Carlier

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