Sophie Binet : « Il n’y a que le rapport de force qui compte ! »
Dans la continuité de la visite en matinée du site industriel de Valdunes à Trith-st-Léger par la Secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, une réunion publique en soirée était au menu de la mobilisation à la salle des fêtes de ladite commune. Leaders syndicaux et acteurs politiques étaient présents pour passer un message clair avant la date du 08 septembre marquant la fin des offres de repreneurs potentiels, car ces personnalités ne lâcheront rien afin de construire un véritable avenir à cette pépite industrielle française de la filière ferroviaire.
Nationalisation, Consortium ou le chaos pour Valdunes après le 08 septembre… !
Presque comme un résumé du ton de cette soirée militante, un ancien salarié de chez Valdunes, retraité aujourd’hui, livre son émotion brute comme un spadassin des temps modernes : « Le record du monde de vitesse de la SNCF, c’est moi avec des roues de Valdunes ».
Après un mot d’accueil de l’édile hôte, Dominique Savary, où il a pris soin de rappeler les velléités d’Emmanuel Macron sur la souveraineté industrielle française, « mais il faut mettre en concordance ses paroles et ses actes. Ensuite, je félicite les syndicats pour leur mobilisation, car un piquet de grève n’est jamais simple, mais cette lutte va faite date ».
« La roue la plus utilisée au monde, c’est celle de Valdunes », Philippe Lihouck
Ensuite, les leaders syndicaux de la CGT/Leffrincoucke, Philippe Lihouck, et Trith-st-Léger, Maxime Savaux, sont venus crier haut et fort la fierté de leur outil de travail. « La roue la plus utilisée au monde, c’est celle de Valdunes. Nous avons un véritable savoir faire. Cette reprise de Valdunes, c’est une juste une volonté politique… ou pas. Si le 08 septembre, il n’y a pas un repreneur pour les deux sites, il faut nationaliser », commente Philippe Lihouck. Toujours est-il qu’à ce stade, seul l’actionnaire majoritaire chinois décide.
La filière ferroviaire dans toute sa dimension était présente à travers le syndicaliste de la SNCF, Thierry Nier (CGT) : « Nos destins sont très liés, car il y a une hausse des carnets de commande en France, notamment sur la maintenance dans les TER ». Ludovic Bouvier, responsable régional CGT de la Métallurgie, acquiesce : « Les besoins sont énormes, 15 milliards en France et 40 millards en Europe et la région des Hauts de France est particulièrement concernée avec 15 000 emplois dans le secteur ». Pour sa part, Philippe Verbeke rappelle le combat qu’il mène depuis deux ans, avec Ludovic Bouvier, comme des lanceurs d’alerte sur la situation de Valdunes.
« Valdunes est devenue un symbole », Sophie Binet
Ce dossier industriel est clairement le test industriel du gouvernement et sa capacité à surmonter, ou pas, le retrait de l’actionnaire chinois sera un marqueur jusqu’à la fin du mandat d’Emmanuel Macron, comme Florange pour François Hollande.
« Valdunes est devenue un symbole. Veut-on une véritable politique industrielle, car l’Etat propose à chaque fois le tapis rouge aux investisseurs. MG Steel a encore versé 400 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires en 2022 », déclare Sophie Binet. Elle rappelle l’histoire récente de STX (Chantier de St Nazaire) passée par la case nationalisation, car la perspective de passer sous pavillon italien était impossible en terme de stratégie économique. Alors, pourquoi pas Valdunes ? « EDF n’est pas nationalisé, mais l’Etat détient 100% du capital. Pourquoi ne pas produire 100% des roues et essieux en France, les Allemands le font ! ».
Enfin, elle annonce clairement la couleur au gouvernement et au Président de la République qu’elle a rencontré récemment : « Il n’y a que le rapport de force qui compte ! ». La grève illimitée s’organise, les caisses en soutien également, le combat sera très très dure jusqu’à « la victoire comme pour l’entreprise Verbaudet. Notre combat a déjà fait bouger les lignes. Bruno Lemaire n’ose plus parler de surcapacité de production », conclut-elle.
« Les vautours, c’est le Rassemblent National », Sophie Binet
Sophie Binet profite de cette tribune pour imprimer à qui veut l’entendre quelques fondamentaux de la CGT. « Les vautours, c’est le Rassemblent National. Nous avons interdit à Sébastien Chenu (député de la 19ème circonscription) de venir. Pourtant, il a publié sur les réseaux sociaux une vidéo de soutien, mais je rappelle qu’il vote contre toutes les mesures sociales proposées par les députés. Le RN est le pire ennemi du monde du travail ».
« Votre activité est profondément écologique », Marine Tondelier
Sollicité par Christophe Vanhersecker, élu d’opposition à Trith-st-Léger, Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts, a témoigné son attachement à une industrie française : « Il ne faut pas s’étonner de ma venue ici, car votre activité est profondément écologique ».
Ensuite, elle nous livre un scoop sur la fameuse réunion, durant 12 heures, avec les chefs des partis politiques mercredi dernier. « Le seul site industriel évoqué durant ces 12 heures avec le Président de la République fut celui de Valdunes par Fabien Roussel et moi même. A l’issue de cet entretien, il a indiqué que grâce à cette mobilisation, le dossier est encore vivant. Clairement, il ne veut pas entendre parler de nationalisation, mais il a une idée en tête, un rapprochement avec Alstom ! ».
« Il y a 11 propositions sur la table, il faut voir l’espoir ! », Fabien Roussel
Pour le Secrétaire général du PCF, et député de la 20ème circonscription, Valdunes a des atouts dans son jeu. Le plus fort est sans doute celui d’un secteur très porteur, le transport partagé sur rail. « Ce marché est en croissance. Alors, investissons et n’ayons pas peur du carnet de commandes. Nous avons gagné des combats comme celui d’Ascoval alors que la Ministre Agnès Pannier-Runacher nous disait-c’est mort- ! Aujourd’hui, il recrute et produise un rail avec de l’énergie décarbonée. Produire français n’est pas un gros mot », explique Fabien Roussel.
Ensuite, le 08 septembre arrive à grand pas et à ce stade « 11 offres sont sur la table, certaines pour Dunkerque, d’autres pour Valenciennes, peu pour les deux, mais il faut voir l’espoir. Si l’Etat ne veut pas nationaliser, je milite depuis le mois de mai (avec Jean-Claude Dulieu) pour la création d’un Consortium avec la SNCF, l’Etat, Alstom, voire la BPI, car elle doit jouer pleinement son rôle », conclut-il.
D’autres élues ont exprimé leur soutien comme Michèle Greaume, sénatrice du Nord, et Marina Mesure, député européenne de La France Insoumise dont le soutien commence de manière très pragmatique avec « un chèque de 5 000 euros versé pour la caisse de grève ».
Pas de doute, la nation française va entendre parler de Valdunes durant ce mois de septembre 2023, car la colère la plus brisante demeure toujours la lutte sociale.
Daniel Carlier