Le Travailleur Handicapé intégré dans le management du XXIème siècle
Depuis la loi de février 2005, initiée par Jacques Chirac, les gouvernements successifs essayent de promouvoir l’emploi des Travailleurs Handicapés au sein des entreprises privées, mais également dans les institutions publiques. C’est pourquoi, la réforme de l’OETH (Obligation à l’Emploi des Travailleurs Handicapées) était très attendue en terme de simplification et d’incitation à l’embauche des compétences avant tout autre critère.
Philippe Pudlo : « Les étudiants sont les prochains acteurs de l’inclusion »
Pour mieux comprendre cette réforme de l’OETH, l’Université Polytechnique Hauts-de-France s’est tournée vers la CAP Emploi Grand Hainaut (https://www.capemploi-59grandhainaut.com/) afin de distiller un « module d’ouverture » sur le sujet comme sur la culture voire la citoyenneté. En effet, outre l’accompagnement des étudiants et des collaborateurs en situation de handicap au sein de l’UPHF, Philippe Pudlo, Vice-Président délégué pour une université inclusive et solidaire, insiste sur l’importance d’une société plus inclusive démarrant également par le monde universitaire.
« Les étudiants sont les prochains acteurs de l’inclusion. C’est pourquoi, nous devons leur donner les outils afin d’appréhender au mieux cette notion dans leur parcours professionnel. Le handicap dans le monde du travail doit être une notion intégrée par les étudiants, car vous avez 80% des personnes en situation de handicap en cours de vie, l’adaptation et le maintien dans l’entreprise sont de fait des éléments de management », explique le Vice-Président.
Dans cette optique, l’UPHF a lancé un module d’ouverture baptisé « Management et Handicap, une gestion sans tabou » avec à la manœuvre le CAP Emploi Grand Hainaut afin d’assurer cet enseignement magistral. « Ce module d’ouverture sur le 1 semestre a rassemblé 28 étudiants des différents sites, Valenciennes, Maubeuge, et Cambrai, mais également des jeunes en alternance. Ce module est reconduit pour le deuxième semestre dès janvier 2022 », précise Philippe Pudlo.
La réforme de l’OETH décodée… pour les chefs d’entreprise et les universitaires !
« L’objectif de cette réforme est de valoriser toute forme d’emploi pour une personne en situation de handicap à travers une politique d’emploi (plus) inclusive », explique Alice Ferraï, la Directrice adjointe du CAP Emploi Grand Hainaut. Mais pour y arriver, le porte-monnaie demeure la meilleure arme pour sensibiliser le monde de l’entreprise. A ce stade, une entreprise publique ou privée, occupant au moins 20 salariés ou agents, doit employer des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de son effectif. Certes, ce coefficient n’augmente pas avec cette réforme de l’OETH, mais l’addition à l’horizon 2025 se durcit pour les entreprises réfractaires en la matière avec toutefois une méthode de calcul plus inclusive.
Néanmoins, la vertu d’une modification législative en faveur d’une meilleure inclusion des Travailleurs Handicapés, dite de simplification, n’est pas mécaniquement plus simple…à assimiler par les intéressés ! Certes, le choc de la réforme est là, mais « nous avons réalisé une synthèse de la réforme dite de simplification l’Obligation à l’Emploi des Travailleurs Handicapées en six séances pour les étudiants. Aujourd’hui, c’est la dernière session avec des exercices pratiques à travers les données concrètes d’une entreprise », précise Dorothée Guislain, coordonnatrice au sein du CAP Emploi Grand Hainaut, à la manoeuvre durant ces sessions à l’UPHF. D’ailleurs, cette traduction des textes fut « présentée à des experts-comptables (pas tous au bon niveau), mais également aux Chefs d’entreprise au sein du MEDEF puisque très peu avaient compris la méthode de calcul de leur coefficient OETH », ajoute Alice Ferraï. Quels sont les bénéficiaires suite à cette loi en vigueur depuis le 01 janvier 2020, les critères d’abattement, de calcul, beaucoup de questions avant la note finale pour l’entreprise… !
La donnée… BOETH, le chiffre clé !
La première aspérité commence avec la détermination du chiffre clé, le fameux BOETH (Bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés). Attention, pour celui-ci, nous parlons des personnes en situation de handicap en CDI ou en CDD au sein de l’entreprise. Une modification de taille est intervenue avec un coefficient d’1,5 accordé aux personnes en situation de handicap de plus de 50 ans.
Tout d’abord, il faut raisonner en année civile quand nous parlons de la composition de l’effectif de l’entreprise, car cette loi instaure un assouplissement dans la détermination du BOETH en prenant en compte des prestataires externes avec des personnes en situation de handicap détachées dans l’entreprise, des personnes avec une RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé), des agents publics reclassés, des personnes en invalidité, voire des stagiaires en situation de handicap au sein de l’entreprise… Cette donnée va constituer un chiffre, dit effectif d’ajustement, venant diviser le nombre de BOETH et multiplié par 100.
La contribution Brute
A ce chiffre obtenu, vous appliquez un coefficient inhérent à votre nombre de salariés total, de 20 à 249, de 250 à 749, et plus de 750, et vous arrivez à un montant à payer, mais tout serait trop simple si le calcul s’arrêtait là.
Ces correctifs multiples ont pour fonction de payer moins cher en déduisant (avec pourcentage) des heures, par exemple, d’une sous-traitance comme un ESAT (Milieu protégé), des ECAP (emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières), d’un autre pourcentage pour une entreprise intervenante avec un coefficient en dessous ou au dessus de 3% d’emplois de Travailleurs Handicapées, voire d’autres spécificités, mais également un pourcentage (10%) des dépenses déductibles sur cette thématique. A la fin de ce calcul, vous obtenez votre contribution brute après déductions. Grosse migraine… !
La contribution nette après abattement, at least !
Enfin, la quête du Graal ou plutôt de l’addition à payer par l’entreprise au mois d’avril de l’année suivante passe par un coefficient d’abattement afin d’obtenir votre Contribution nette définitive…!
Ici, la loi instaure un temps d’adaptation afin de tirer vers le haut toutes les entreprises à ce taux de 6% de l’effectif de salariés en situation de handicap. En clair, en 2025, les entreprises qui continueront sans vergogne à faire leur virement sans lever le petit doigt en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap vont pleurer comme en 2015 pour l’accessibilité des ERP (Etablissement Recevant du Public) après l’application d’une loi votée en février 2005 laissant pourtant 10 ans pour s’y conformer. En effet, comme d’habitude, on a toujours quelque chose à faire de plus « Essentiel » que d’intégrer des personnes en situation de handicap dans son entreprise… d’où cette pédagogie managériale en amont, histoire d’importer une révolution de l’intérieur sur ce sujet sensible dans les entreprises.
Concrètement, un coefficient de pondération est appliqué aux entreprises entre 2021 et 2025 afin d’éviter une addition très très lourde dès 2021. Là, les entreprises ont le temps de prendre à bras le corps cette thématique comme une véritable composante de management. Par contre, pour celles peu enthousiastes sur le sujet, elles verront concrètement, à terme, l’addition chiffrée de leur comportement peu citoyen. « Cette loi est une vision globale, une réflexion en transversalité sur le Travailleur Handicapé », poursuit Alice Ferraï.
La DOETH
Attention, autre information très importante, en dehors du calcul de la contribution nette à payer, ou non, si vous avez 6% et plus, il est aujourd’hui obligatoire de déclarer pour toutes les entreprises, même moins de 20 salariés, un Travailleur Handicapé. C’est la DOETH (Déclaration d’Obligation à l’Emploi des Travailleurs Handicapées). « Beaucoup de petites entreprises de moins de 20 salariés (pas assujetties à l’OETH) oublient de déclarer une personne en situation de handicap », conclut Alice Ferraï. Cette déclaration est obligatoire et très importante pour les statistiques d’embauches des TH, quelle type d’entreprises, le secteur d’activité…, une donnée Essentielle pour la mise en adéquation des compétences et des offres d’emplois pour les Travailleurs Handicapés !
Daniel Carlier