L’étudiant sous visa sanitaire
Depuis le 1er confinement le 17 mars 2020, l’étudiant concentre toutes les difficultés de l’enseignement supérieur face à cette crise sanitaire. Le monde universitaire, vecteur potentiel du virus dans son mode de fonctionnement naturel, s’est adapté de nouveau à cette contrainte du Covid-19. Quel est l’impact de ce 2ème confinement très différent d’un point de vue global, entretien avec le Président de l’Université Polytechnique Hauts-de-France M. Abdelhakim Artiba, Mme Dorothée Callens-Debavelaere, vice-présidente déléguée à la réussite étudiante et à la vie étudiante, et M.Franck Barbier, Vice-Président du conseil de la formation et de la vie étudiante.
Abdelhakim Artiba : « Notre objectif était la Toussaint »
Comme pour l’immense majorité des Françaises et des Français, le confinement du 17 mars à l’UPHF fut « très brutal ! Seuls les vice-présidents, les chefs de service, etc., au total 70 personnes, étaient mobilisables sur le site de l’université. C’était un arrêt complet de la machine », commente le Président de l’UPHF.
Cette fois, la musique est tout autre dans la gestion de ce 2ème temps sanitaire. « Tout d’abord, la rentrée de ce mois de septembre s’est effectuée dans les délais classiques, elle était très importante pour les enseignants et les étudiants. Nous savions à la lumière des événements dans les autres pays qu’une deuxième vague interviendrait. Notre objectif était la Toussaint. De fait, les enseignants ont engagé le maximum de Travaux Pratiques durant deux mois. Ensuite, nous étions mieux préparés pour la pédagogie à distance dès le mois de novembre, tant sur le plan matériel pour les étudiants que chez les enseignants-chercheurs. Les empêchés numériques, repérés au printemps dernier, ont bénéficié d’un matériel informatique ou des facilités d’accès sur le campus au sein d’un espacé connecté », ajoute Abdelhakim Artiba.
Ce propos est intéressant à plus d’un titre face à certains discours de façade tous azimuts où la surprise d’un deuxième confinement semblait (presque) totale. Tel ne fut pas le cas au sein de l’UPHF.
« Le manque de lien social », Dorothée Callens-Debavelaere
Evidemment, la peur n’évite pas le danger. Malgré une organisation rodée, le distanciel n’est pas la panacée du développement personnel. « Bien sûr, on peut s’adapter avec des cours hybrides, des mixtes pédagogiques, mais le distanciel ne remplacera jamais le présentiez ! », assène le Président.
Dorothée Callens-Debavelaere confirme que cette absence d’interactions sociales impacte la vie estudiantine. « Ce sont surtout les conditions de travail qui pèsent, le fait de rester devant un écran est épuisant. Oui, le moral des étudiants est moins bon, le manque de lien social est pesant ! ».
Dans cette optique, le maintien d’un temps minimal sur le campus s’avérait indispensable. « C’est pourquoi nous maintenons les TP en présentiez dans les conditions de sécurité sanitaire maximales, des pratiques sportives en extérieur, voire certains cours avec une jauge sanitaire très stricte », précise le Président.
Outre le volet pédagogique, il était fondamental de maintenir une main tendue vers l’étudiant. « Nous remercions le CROUS, car il est resté ouvert. Un repas complet avec un prix défiant toute concurrence est très important ». Cette démarche s’inscrit dans un soutien financier de l’UPHF constant où « nous combattons avec tous les mécanismes possibles la précarité avec des aides spécifiques », ajoute-t-il. La conclusion est limpide « certains étudiants ont besoin d’un soutien financier, mais également psychologique », commente Dorothée Callens-Debavelaere.
Les seuls cas où la réticence se trouvait du coté étudiant survenait « lorsqu’un apprenant voulait protéger un ou des membres de sa famille », précise Franck Barbier.
« Les examens… en présentiel », Abdelhakim Artiba
Sur la suite de cette année singulière, la fin de ce 1er semestre va s’articuler de manière très classique. « Les enseignants et les étudiants veulent des examens en présentiel. Cette fin de semestre est déjà programmée jusqu’au 20 janvier environ », indique le Président.
Pour la suite, il n’y a aucune directive officielle du Ministère de l’enseignement supérieur pour début janvier 2021. « Nous serons prêts à toutes les éventualités, et notamment pour le début de deuxième semestre vers fin janvier, début février. Deux hypothèses ou nous continuons comme actuellement à travers un mixte entre présentiez et distancier ou les universités seront de nouveau accessibles à travers un retour à la normalité ! », ajoute-t-il.
Il est important de mettre en exergue le respect des consignes sanitaires par la population estudiantine au nombre officieux de 13 500 à 14 000, le chiffre officiel d’une année universitaire tombe toujours en février Pour les étudiants étrangers, il n’y a pas eu de trou dans la raquette : « Les consulats ont fait le job pour que tous nos étudiants rejoignent l’UPHF pour la rentrée de septembre », indique le Président. « Ces deniers, comme les étudiants français, bénéficient du soutien financier de l’UPHF si nécessaire. Ils représentent 10 % de l’effectif total, et c’est une chance », ajoute Franck Barbier.
Pas de déblocage sans aussi une prise de conscience collective et à ce titre les étudiants sont « très respectueux des consignes sanitaires », souligne le Président.
« On perd la réaction du public », Franck Barbier
Cette année pédagogique à nul autre pareil met en relief également la limite de la distance entre l’enseignant et l’apprenant. C’est même tout le paradoxe dans une université avec un label européen.
En effet, jamais le besoin d’enseigner les yeux dans les yeux n’a été aussi prégnant. « En amphithéâtre, un enseignant perçoit les réactions des étudiants. C’est même tout l’art de l’enseignement, sa capacité d’adaptation. Là, derrière l’écran, on perd la réaction du public », souligne Franck Barbier.
Cette remarque est partagée par les 650 enseignants-chercheurs au sein de l’UPHF sans compter « les vacataires du monde de l’entreprise. Ces deniers sont indispensables pour amener l’entreprise dans le monde universitaire », ajoute Franck Barbier.
L’Université, un lieu de vie… !
Assurément, cette pandémie laissera une trace indélébile dans nos esprits, mais également dans notre approche du travail collectif. Bien en amont de cette crise, l’UPHF s’était penchée vers une autre vision du campus universitaire bien au delà du site pédagogique stricto sensu.
Sur le site du Technopôle, les nouveaux bâtiments que « nous construisons seront adaptés en lieu de vie avec certains petits espaces pour des groupes de travail », précise le Président. Un esprit coworking où le numérique va permettre de toucher une nouvelle réalité, celle de suivre un enseignement d’un professeur de renom au bout du monde, en groupe ou individuellement. Le numérique va donner cette liberté incroyable, mais tout en sachant que le lien social est indissociable de cette pédagogie globale.
« Nous sommes tous responsables », Abdelhakim Artiba.
Enfin, le message final à l’aube de ces fêtes de fin d’année est important. « Quel que soit les politiques, les règles ! Nous sommes tous responsables. Si nous ne respectons pas les consignes sanitaires, cela ne pourra tenir. Restez prudents afin de sortir positivement de cette crise sanitaire », conclut le Président Abdelhakim Artiba.
Daniel Carlier