Michel Lalande : « Nous parlons d’une pollution dramatique pour l’Escaut »
L’affaire TEREOS prend chaque jour plus de corps médiatique. C’est pourquoi, Michel Lalande, Préfet du Nord, est venu défendre l’Etat de proximité devant la presse française et belge afin de contextualiser cette catastrophe écologique, sa temporalité durant la période de confinement, son impact, les enquêtes en cours… ! Rien n’est encore écrit en terme de responsabilité même si la pollution organique a fait son oeuvre dans l’Escaut !
Michel Lalande : « La loi, toute la loi, rien que la loi ! »
En propos liminaire, le Préfet du Nord a voulu recadrer dans le temps cet événement de pollution de l’Escaut : « Dans la nuit du 09 au 10 avril, une rupture de digue a eu lieu sur un site classé de l’entreprise TEREOS. Cette rupture a délivré près de 100 000 M3 d’eau de lavage de betteraves dans les champs, les maisons, et les rivières attenantes à l’Escaut. Cet incident a entrainé l’intervention rapide du SDIS ».
Pour Michel Lalande, voilà le départ de la mise au point du Préfet du Nord : « Premièrement, notre remontée initiale d’informations du SDIS est que le problème est traité, une famille a été relogée, les interventions sont réalisées. Par ailleurs, cet incident intervient, d’une part le week-end de Pâques, mais surtout durant la période de confinement. Il y avait peu de marcheurs, peu de joggeurs, et pas de pêcheurs puisqu’elle était interdite. Nos informateurs du quotidien n’étaient pas là. Cet élément est déterminant dans la compréhension de cette affaire. Penser que les services de l’Etat sont au quotidien derrière chaque cours d’eau est illusoire ».
Enfin, la dernière donnée évoquée est de taille « le 13 avril, le rapport technique du SDIS indique que la qualité de l’eau est revenue à la normale. Voilà notre niveau d’information à l’époque. De notre coté, la crise de sécurité civile est passée. Rien, à mon niveau, ne laissait à penser une crise environnementale à ce stade », précise Michel Lalande.
« premier constat de mortalité piscicole le 13 avril », Direction régionale de l’OFB
Et en même temps, la première constatation sur le terrain par les services de l’OFB (Office Français de la Biodiversité Hauts de France) remonte au 13 avril sur la commune de Paillancourt « sur un bras mort de l’Escaut, puis le 21 avril une observation est réalisée également sur Valenciennes. A cette date, nous ne pouvions pas faire un rapprochement automatique avec la rupture de la digue. Ensuite, ce qui a surpris tout le monde fut l’impact. D’habitude, le phénomène de dilution vers l’aval s’observe avec peu à peu une diminution de la pollution dans le dit cours d’eau. Là, ce ne fut pas le cas du tout », précise le délégué régional de l’OFB. Toutefois, la Voix du Nord, à travers deux articles, avaient évoqué avant ces dates des mortalités piscicoles sur le bassin Rond de Bouchain et sur Valenciennes.
« Notre problème dans ce dossier fut la remontée d’informations », Michel Lalande
Ensuite, le Préfet du Nord annonce qu’à son niveau « la Préfecture n’a été avertie que le 20 avril. Dès cette information, nous sommes rentrés en contact avec les autorités belges, avec qui nous avons l’habitude de collaborer, afin de signaler une mortalité inquiétante à 30 km de la frontière. Vous voyez l’écart entre les observations et l’information arrivée en Préfecture. Notre problème dans ce dossier fut la remontée d’informations ».
« C’est une affaire grave », Michel Lalande
Le Préfet du Nord ne minimise pas l’état des lieux. « Nous parlons d’une pollution dramatique pour l’Escaut. C’est une affaire grave avec des responsabilités. Parfois, je me demande si ce n’est pas l’Etat qui a fait sauté la digue en lisant la presse ! Je vous rappelle qu’une enquête judiciaire est en cours, avec le secret de l’instruction à la clé, du coté français comme belge. Ensuite, j’ai diligenté une procédure devant les autorités administratives », commente-t-il !
« Un contrôle de la qualité de l’eau dès le 10 avril », Laurent Tapadinhas
Pour sa part, la DREAL défend son action. « Nous avons dès le 10 avril demandé à TEREOS d’effectuer un contrôle de la qualité de l’eau sur Escaudoeuvres », précise Laurent Tapadinhas, directeur régional de la DREAL. Le dit contrôle est « évidemment réalisé par un laboratoire agréé », poursuit-il. Enfin, le prefet du Nord enfonce le clou pour lever les doutes sur la neutralité de l’intervention… « tout manquement à la transparence coûte très cher et cash. Je rappelle que c’est un établissement classé, soumise de fait à une autorisation de l’Etat, en l’occurence de moi-même. Ces interventions font partie du cahier des charges ».
Des incidents en 2018 et en février 2020
Autre point clé dans ce dossier de catastrophe écologique, l’entreprise TEREOS avait connu déjà un évènement de cette nature en 2018. « Des modifications et des contrôles réguliers ont été demandés à l’entreprise. Ensuite, suite à la rupture en février 2020, un programme de renforcement des digues était programmé, mais avec le confinement il n’a pas eu le temps de se mettre en place. Visiblement, les modifications nécessaires n’ont pas été apportées par l’entreprise TEREOS », poursuit le Directeur de la DREAL.
Néanmoins, le Préfet du Nord rappelle que l’Escaut « c’est comme l’A25, la qualité de l’eau du fleuve de l’Escaut est déjà dégradée. De plus, un milieu canalisé est plus vulnérable. Enfin, la qualité piètre de l’Escaut ajoute de fait à la dégradation ». Néanmoins, il reconnaît que « malgré le volume d’eau très important déversée, nous n’avions pas imaginé un tel impact. Nous avons eu des angles morts dans ce dossier. Il faut tirer des leçons, rebondir, et éviter un nouveau problème de cette envergure ».
« une sanction (éventuelle) juste avec discernement », Michel Lalande
Outre les mesures d’oxygénation par les services de l’Etat, un lâché d’eau par VNF…., l’OFB constate « un impact important sur la faune et la flore. Pour autant, l’Escaut n’est pas stérilisé. Nous comptons sur la résilience du milieu ».
Concernant la recherche de l’imputabilité finale « qui ne fait guère de doute », selon le Préfet du Nord, ce dernier est très attaché au respect des procédures contradictoires. « Je laisserai les procédures aller jusqu’à leur terme. Comme n’importe quel citoyen, l’entreprise TEREOS a le droit de se défendre. Pour autant, je suis le garant de la force de la loi ; la loi, toute la loi, rien que la loi dans toute sa plénitude. Si la responsabilité est établie, il y aura une sanction juste avec discernement, sans dogmatisme, ni fanatisme ! ».
Enfin, le représentant de l’OFB espère « une évolution des comportements. Il faut faire progresser les choses ». Concernant le calendrier des procédures, il précise « que pour l’enquête judiciaire, nous remettrons notre rapport au Procureur de la République de Cambrai fin septembre. Enfin, pour la procédure administrative, les premiers retours interviendront en septembre 2020 pour une complétude du dossier en décembre prochain », conclut-il.
Daniel Carlier