Le Feu au Lac au pied du Mur à Valenciennes
Le restaurant » Le Feu au Lac », à l’entrée de l’étang du Vignoble, est depuis 1996 un professionnel bien implanté sur la ville-centre. Pourtant, le vendredi 14 novembre, une fermeture administrative est programmée pour une histoire de mur… !
Le Feu au Lac, itinéraire d’une histoire simple à une procédure compliquée ?
Quoi de plus banal, la ville de Valenciennes possède à travers l’Etang du Vignoble un écrin de verdure, une pépite à conserver et à développer. Sous l’ancienne mandature, Bernard Brouillet soulignait « que c’était un poumon vert au coeur de Valenciennes« . En toute transparence, ce projet de requalification traversa le changement d’équipe municipale.
Jusque là, tout va bien car quoi de plus normal, afin d’asseoir une nouvelle dynamique dès l’entrée de l’Etang du Vignoble, que de vouloir muscler l’offre aux badauds, promeneurs et sportifs, avec des horaires d’ouverture plus larges, une offre diversifiée etc.. Dans cette optique, que la mairie contacte un investisseur poids lourd pour un projet d’envergure avec une offre quasi de service public, rien de choquant. Et tout simplement, pour boucler le dossier il suffisait de ne pas reconduire le bail en 2014 de cette exploitation privée » Le Feu Au Lac « . Bien sûr, le pendant est une indemnité d’éviction basée, comme partout, sur des éléments comptables, tangibles etc. « C’est pourquoi, nous ne comprenons rien au dossier. M. François a un bail commercial, 3,6,9, pourquoi n’y a-t-il pas eu une proposition d’éviction comme cela se fait partout ?« , souligne Thierry Beine, président du UMIH Grand Hainaut (Union des Métiers et de l’Industrie de l’Hôtellerie). « La mairie est le propriétaire des murs, rien de plus« , renchérit Romain Magny, le secrétaire de l’UMIH Grand Hainaut.
Nous parlons bien d’un bail commercial classique, pas d’une DSP, d’une location gérance voire d’une concession etc., la ville n’est que le propriétaire des murs certes sur un site écologique stratégique, voilà pour le décor !
Et tout part en vrille
Sauf que rien n’a été fait pour simplifier un dossier pourtant d’un grand classicisme, retour sur la chronologie…
Le site de cette implantation du Feu au Lac n’est pas inconnu. En effet, entre 1992 et 1993, l’association Val’Propre a installé un décor du film Germinal, un monument du 7ème art dont le Valenciennois va fêter les 25 ans, le 03 décembre prochain. Sur le trottoir du Feu au Lac, la célèbre scène devant l’épicerie où la foule enragée coupe les testicules de l »épicier reste dans la mémoire collective. Une partie de ce décor a été transférée dans le bâtiment du Feu au Lac sous la forme, au 1er étage, d’un mur de polystyrène. Ce dernier a pris sa place dans cette exploitation depuis 20 ans même si ce n’est plus du tout conforme aux normes en vigueur mais le propriétaire n’a rien fait. « Mon avocat m’a indiqué surtout de ne rien toucher car cela fait partie de l’immobilier de ce site dont la ville est propriétaire« , souligne Thomas François. Pourtant, ce retrait prendrait au maximum une demi journée, aucun rendez-vous commun n’a pu se caler entre les parties !
Ce premier bail en 1996 indiquait dans une clause spécifique que la quasi intégralité des travaux était à la charge du propriétaire du fonds de commerce ; clause acceptée de fait par les parties signataires, M. et Mme François à l’époque. Près de 500 000 francs ont été injectés pour la réalisation de travaux, au fil des années, avec notamment une mise en accessibilité, validée par l’association Le CHAT sous la présidence de Pierre Houriez.
Bail renouvelé en 2005, sur la même base de loyer avec une continuité d’activité, rien n’est modifié dans la destination de l’activité occupante. Ensuite, Thomas François rachète les parts familiales en 2013 « je n’ai pas reçu la proposition de renouvellement de bail en 2014 mais j’ai continué à payer mon loyer. C’est suite à un recommandé adressé à la ville de Valenciennes, en mars 2015, qu’une proposition de renouvellement de bail nous est parvenue en juin 2015 ! », ajoute-t-il.
Sauf qu’entre temps, Thomas François a présenté un projet en février 2014 à la municipalité. Ce dernier était la condition sine qua non pour un renouvellement de bail. Par contre, le dit dossier est jugé pas assez en phase avec les ambitions municipales pour ce site. « En clair, on nous demande de réaliser des douches pour les sportifs, une terrasse sur pilotis etc.« , précise-t-il. Une exigence claire dans le cadre d’une DSP, location gérance mais un peu incongrue dans le cadre légal d’un bail commercial 3,6,9 même si sur le fond l’idée n’est pas saugrenue pour le développement de cet écrin vert.
La suite se durcit avec une proposition de vente des murs, faite par la mairie, à destination de l’exploitant à hauteur de 800 000 € puis une seconde à 650 000 € avec un étalement de la dette, 4 échéances, à travers un crédit vendeur de la ville. » Mon avocat m’a conseillé de ne pas accepter car lorsque vous déposez le bilan dans les 3 ans, le bien retourne au créancier sans remboursement des sommes versées« , précise-t-il. A savoir que depuis 2 ans, la requalification de ce site engendre des perturbations majeures pour cette exploitation… » chaque samedi en saison haute, pour des mariages etc., nous avons une grue devant le Feu au Lac. Nous sommes passés de 5 salariés à 2 salariés, nous ne renouvelons pas les contrats« , précise l’exploitant. La mairie souhaiterait-elle un dépôt de bilan, on pourrait s’y méprendre » et elle a exigé de voir un repreneur avec qui nous étions en contact ! », précise Thomas François.
Plusieurs commerçants interrogés sur ce prix de vente, soulignent un prix exorbitant pas du tout en phase avec un marché pas franchement dans une tendance haussière sur un territoire avec 15,4% de chômeurs. La réalité est que Valenciennes, petite ville de province, ne fait pas chavirer le marché immobilier commercial et privé, c’est une lapalissade !
Un bail surprenant !
Une proposition de bail commercial s’est faite jour en juin 2015 avec une hausse importante du loyer mensuel. De 1 500 €, la proposition passe à 3 500 €, la ville se baserait dans un cadre de déplafonnement et par suite en loyer libre. Compte tenu que l’activité n’a pas changée sauf le propriétaire en 2013, c’est une interprétation juridique qui mérite un éclairage en justice pour clarifier le sujet. Sachant que la loi Pinel du 18 juin 2014 renforce les droits de l’exploitant d’un fond de commerce., c’est un point de vue à discuter !
Ensuite, dans cette proposition de renouvellement de bail commercial, un paragraphe est étonnant car il n’est pas du tout en phase avec la loi Pinel ( 3ème paragraphe en partant du bas « insertion d’une clause résolutoire »)
Que cette clause soit dans le cadre d’une continuité de bail, d’un renouvellement voire d’un nouveau bail, elle ne répond pas aux exigences de la Loi Pinel du 18 juin 2014 et de son décret d’application du 03 novembre 2014 R145-35, article 6, indiquant que « les dépenses liées aux grosses réparations ne peuvent être imputées au locataire » avec pour les autres coûts une « répartition conventionnellement pondérée » entre le propriétaire des murs et du fonds de commerce… Sans surprise, la loi Pinel de juin 2014 favorise l’exploitant commercial, l’acteur économique, face au propriétaire des murs. Ce n’est pas franchement une surprise sachant que MMe Pinel est fille d’un artisan boucher, il eut été étonnant que cette loi fusse un hymne aux propriétaires de murs et autres cellules commerciales…. !
Quel est le point de droit sur lequel la mairie de Valenciennes s’appuie ?… Une information qui ne serait pas connue par les exploitants du Feu au Lac ?
14 points résolus ?
Depuis juin 2016, l’exploitant s’est exécuté avec « la mise en conformité de 14 mesures demandées par la ville de Valenciennes. L’APAVE est passée ce matin et a validé tous les points litigieux pour la mairie (ci-joint) sauf le mur de Germinal…« , souligne Thomas François. En clair, le vendredi 14 novembre prochain, une entreprise depuis 20 ans installée sur la ville de Valenciennes risque de fermer pour un mur qui ne lui appartient pas dont le déplacement est obscur. Qui doit le faire aux yeux de la loi Pinel et de son décret d’application ? Qui est l’exécutant de fait de ces travaux ? On a vu des fermetures administratives plus limpides sur les tenants et aboutissants ? Certes, le coté patrimonial ne pèse pas lourd quand la ville va passer à l’ordre du jour, ce vendredi 04 novembre, la vente du Mont de Piété et de l’Hippodrome au Conseil municipal…
Thomas François précise « je n’ai jamais pu obtenir un rendez-vous avec Laurent Degallaix en 3 ans, j’ai toujours été en contact, d’abord avec Bernard Brouillet puis avec Patrick Roussies et Arnaud L’herminé plus le DGS de la commune… »
Suite contentieuse
Comment transformer une transaction d’une banalité sans nom sur le territoire français en contentieux local bien complexe et néfaste pour l’intérêt public. Vu la somme dépensée sur les concerts du 14 juillet, d’hier et de demain, l’argument d’une contraction budgétaire est un peu court, quand le politique veut, il peut le faire. C’est un choix politique et en l’occurrence la volonté n’est pas la négociation avec un commerce de proximité installé depuis 20 ans sur la ville de Valenciennes… !
L’erreur pour la ville de Valenciennes serait de croire que la partie est finie car le bras de fer s’annonce virulent et indécis. Une sortie par le haut est encore possible « nous ne sommes pas hostiles du tout à une reprise du site par la Mairie. Je peux comprendre des projets autres pour le développement de cet étang du Vignoble mais nous ne sommes pas un service public« , souligne Thomas François.
La morale de l’histoire est évidente « on fait les choses correctement. Tous les professionnels cafés-restaurateurs du Grand Hainaut sont inquiets quand on voit le traitement d’un bail commercial 3,6,9 par la ville de Valenciennes« , conclut Thierry Beine… le message est reçu 5/5 par le commerce de proximité !