Le cinéma enflamme le Conseil municipal de Denain
Autour des échanges sur le Rapport d’Orientation Budgétaire 2019 général et de celui sur la Ruche d’entreprises, plusieurs thématiques ont déclenché le débat, notamment sur le futur exploitant du cinéma à Denain.
Anne-Lise Dufour : « Avec des si…, on ne ferait rien ! »
Comme de coutume, le Conseil municipal de Denain a démarré par les questions diverses. L’une d’entre elles s’est portée sur la non accessibilité PMR du Musée rénovée (splendide), ouvert au public depuis le 19 janvier. « Que comptez-vous faire concernant l’inaccessibilité du Musée de Denain (malgré sa rénovation) ? », commente Sabine Hebbar.
La réponse est en deux temps. « Dès cette année 2019, nous allons poursuivre l’aménagement du parvis, et par suite un accès au niveau du rez-de-chaussée pour les PMR. Par contre, nous allons budgéter pour les années suivantes un ascenseur extérieur afin de permettre l’accessibilité à l’étage pour les PMR », commente Anne-Lise Dufour.
Certes, le coût d’un ascenseur de ce type est très onéreux, mais il est encore plus étonnant que cette ouverture fut possible sans l’accès au PMR. La loi de février 2005, sous Jacques Chirac, a donné 10 ans de délai pour les ERP (Etablissements Recevant du Public) pour se conformer. Résultat, un rapport sénatorial, quelques mois avant 2015, a révélé qu’une minorité de bâtiments privés et publics seraient dans les normes à temps. Voilà l’éternel histoire de la personne en situation de handicap, toujours en queue de budget…, à Denain comme ailleurs. Tant que le concept même d’une ouverture autorisée d’un bâti, ouvert au public, existe sans aucun accès aux PMR, le chemin sera encore long pour toutes les déficiences reconnues (10% de la population avec les aidants).
Ensuite, une question sur les voiries permet à la première magistrate de dérouler son projet de rénovation des voiries pour la coquette somme de 8 millions d’euros, avec notamment la rénovation de la Place Gambetta (2,5 millions), la requalification de la Place Wilson etc ; un plan ambitieux, mais nécessaire.
Enfin, ces questions diverses ont permis à Anne-Lise Dufour de clôturer tout débat sur le contrôle de la Chambre Régionale des Comptes : « Nous avons eu 2 commentaires, et 2 recommandations, ce qui est très très peu. Nous allons durant ce Conseil voter les délibérations permettant de répondre favorablement aux demandes des magistrats ». Effectivement, on a vu bien pire dans le Valenciennois en terme de rapport de la CRC, parfois au vitriol, mais pas à Denain concrètement.
Le ROB 2019 du budget général
2019, dernier budget avant l’échéance municipale, toutes les majorités profitent de ce dernier budget sur une année entière pour effectuer un léger coup d’oeil dans le rétroviseur. La locataire du fauteuil majoral met en exergue ses points forts : « Sur ce mandat, nous aurons investi 76 millions d’euros, comprenant les 21 millions d’euros de la piscine, avec un recours à l’emprunt de 800 000 € seulement ».
Cela s’explique par une capacité d’autofinancement, renouvelée de budget en budget. Les investissements comme sur la piscine ont été préparés dès le début de mandat à travers des excédents budgétaires fléchés de manière très ostentatoire. Ensuite, les subventions manquent rarement à l’appel d’une commune comme Denain, tant la dette industrieuse de la République est grande envers cette commune, mais faut-il encore aller les chercher. « Et ceci sans altérer le fonctionnement de la municipalité », souligne Anne-Lise Dufour.
On note toutefois un ratio de 57,28% de la masse salariale sur le budget de fonctionnement. Ce chiffre reste très élevé, il replace au coeur du projet communal le vieux débat d’un besoin de service au public plus qu’indispensable à Denain qu’à Deauville.
Pour autant, Anne-Lise Dufour n’a pas manqué de rappeler le contexte budgétaire du moment… » avec des recettes en baisse, et des dépenses en hausse, il faut tenir un écartement suffisant pour dégager un autofinancement (vérifié ci-dessus). La baisse des recettes s’explique par la réduction de la dotation relative à la prise en charge des personnels des équipements communautaires, médiathèque, Théâtre etc., mais aussi la fin des contrats aidés intégrés partiellement sur notre charge de fonctionnement, et enfin une baisse de 10% de la DSU (Dotation de Solidarité Urbaine) ».
Dans les points saillants, la maire souligne l’endettement raisonnable d’un denaisien comparativement à d’autres villes de même strate (+ de 20 000 €). « La dette par habitant à Denain est de 916 euros, pour 1 171 euros à Valenciennes ( 2 847 € à Maubeuge et 901 € à Douai)« , poursuit la maire.
L’EPF, ça pique !
L’opposition ne manque pas de pointer du doigt la dette à l’EPF (Etablissement Public Foncier), elle atteignait 23,1 millions d’euros, un chiffre donnant la migraine à n’importe quel adjoint aux finances d’une ville de même strate. En clair, les communes font appel à l’EPF afin de porter le foncier d’un projet urbain durant une période déterminée, souvent 5 ans voire plus (reportage EPF https://www.va-infos.fr/2018/10/04/lepf-cet-inconnu-indispensable/ )
« C’est pourquoi, nous diminuons notre endettement avec des sorties de projet, nous sommes aujourd’hui à 17,6 millions d’euros d’endettement vis à vis de l’EPF. Par contre, malgré des conventions prolongées, nous n’avons jamais payé un euro de pénalité à l’EPF », précise Anne-Lise Dufour.
Et la Ruche… !
Le désengagement forcé du Département du Nord dans la gestion des Ruches d’Entreprises a fait l’effet d’une bombe durant l’été 2017. Un accord de Yalta a du s’opérer en catastrophe entre la maire de Demain, et le Président du Conseil départemental, deux acteurs politiques qui ne s’apprécient guère. Compte tenu de l’urgence, des entreprises en question, des emplois à la clé, tout le monde a joué le jeu. De fait, la ville de Denain a racheté les locaux de la Ruche d’entreprises au Département à travers un paiement en six fois.
Pour la première fois, un ROB de la Ruche d’entreprises a été présenté au Conseil municipal. « La ruche d’entreprises, elle va bien, même très bien. Nous sommes d’ailleurs excédentaire concernant l’exercice 2018 à hauteur de 86 583 euros. A cet effet, compte tenu des demandes, nous entamons une réorganisation des surfaces locatives, mais également une extension de la Ruche d’Entreprises, de plus de 1 000 M2, pour un coût de 250 000 € », précise Anne-Lise Dufour.
Annie Denis confirme cette bonne nouvelle : « Je me félicite de cette réaction, cela concerne plus de 30 entreprises ». Pour sa part, Christian Montagne rappelle à juste titre que « ce n’était pas gagné d’avance vu le peu d’enthousiasme sur ce dossier « .
Commediante ! Tragediante !
La future installation du cinéma MEGARAMA à Denain, en fin d’année 2019, nous a réservé une passe d’armes du meilleur cru entre la maire et l’ensemble des groupes d’opposition.
En fer de lance, Jacky Boucot, Lutte Ouvrière, dont on peut apprécier sa cohérence politique sans jamais se démentir, attaque bille en tête le projet de l’arrivée du 7ème art sur Denain. « Je suis très inquiet. Vous avez déjà cédé le terrain pour l’euro symbolique au grand capital, à la holding MEGARAMA. Ensuite, la société d’exploitation Griny Cinémas affiche des déficits depuis plusieurs années. Aujourd’hui, cette société d’exploitation demande à la commune une subvention de 400 000 € pour son installation. Que demanderont-ils l’année prochaine ? », assène Jacky Boucot.
Tous les groupes d’oppositions affichent un front uni, plus ou moins virulent, pour témoigner de leur questionnement sur cette demande. Pour Sabine Hebbar « la société Griny Cinémas, ça va pas fort. Quelles sont les garanties pour la commune ? »…, Yannick Andrzejczak « ces questions sont légitimes ! ». Le moins que l’on puisse dire est que, contrairement à la piscine, ce projet d’une arrivée d’un cinéma à Denain ne fait pas l’unanimité.
En guise de réponse, la maire répond tout de go. « Tout d’abord, je signe pour la ville la vente du terrain le 12 mars prochain sous conditions. Si le projet de cinéma n’est pas réalisé, le terrain reviendra à la commune. Ensuite, il n’y a pas de cadeau. Le département nous a cédé ce terrain pour un euro, donc nous avons cédé ce terrain pour un euro ! », entame-t-elle.
Sur la lancée, elle insiste sur cette demande. « Ce projet comprend 7 salles pour plus de 7 millions d’euros. A chaque Conseil communautaire, la Porte du Hainaut apporte son soutien au développement des entreprises. Par contre, comme cela concerne la culture (pas une compétence intercommunale), la société Griny Cinémas peut nous solliciter ».
Elle conclut un peu agacée par ce front politique « avec des si, on ne ferait rien ! ». Une holding qui divise ses risques, projet par projet, est assez répandue dans le monde économique. La Financière Vauban, investisseur sur l’ancien Hôtel Dieu et futur Grand Hôtel du Hainaut (ou nom assimilé) à Valenciennes, opère de la même façon partout en France où elle s’engage sur un projet de restauration d’un bâti urbain.
En bref :
La galerie Pablo Picasso sera relookée après les élections européennes, sa fonction de salle d’exposition va diminuer mécaniquement avec l’arrivée du « Fumoir » du Théâtre rénové de Denain. En fait, sa nouvelle destination sera celle d’un second local pour la Police Municipale.
Daniel Carlier