La réforme des lycées avec Régis Dufour-Lefort, proviseur du Lycée Watteau à Valenciennes
A Valenciennes, le proviseur de lycée Watteau, Régis Dufour-Lefort, revient sur cette réforme des lycées à travers l’approche nouvelle du BAC, plus en lien avec les études supérieures, car les lycéens seront confrontés à un choix d’orientation stratégique dès la seconde.
Régis Dufour-Lefort : « Dès la seconde, il y a une réflexion en amont sur les études supérieures, le changement profond est là »
Pour le grand public, cette réforme des lycées s’est résumée à une modification profonde du BAC, des matières faisant l’objet d’un examen, d’autres en contrôle continu, mais également des lycées qui auront ou pas certaines spécialisations à ne pas confondre avec les options (ci-après). Oui, cette lecture médiatique illustre à merveille notre atavisme collectif sur cet examen final de la scolarité, sans franchement pour certain(e)s penser à la suite des études, voire d’une appétence professionnelle affirmée tout simplement etc. !
La philosophie de cette réforme est de facto très claire. Le lycéen doit réfléchir sur ses choix de filières professionnelles avant de passer le BAC. Soyons honnête, durant des générations, le souci de l’après BAC était abordé quelques mois avant de le passer, pour ne pas dire après les résultats de l’examen suprême.
Un engagement dès la seconde !
Cette réforme imprime un tronc commun avec les disciplines de base, français, langues vivantes etc., et notamment l’Education physique. Pour autant, le BIG-BANG est l’absence des mathématiques, c’est une spécialité ce qui démontre qu’il ne faut pas confondre spécialisation et option. Néanmoins, l’hégémonie de la filière Maths, sélectionnant d’entrée de jeu chaque bachelier, est mise à mal. Aujourd’hui, c’est un choix relatif à une appétence, pas celui d’un affichage sur un bulletin indispensable au CV scolaire d’antan (visuel tronc commun , generale et techno).
« Dès la seconde, il y a une réflexion en amont sur les études supérieures, le changement profond est là. Durant trois mois, mars, avril, et mai, les lycéens de seconde vont formuler des voeux concernant 4 spécialités, puis ils valideront 3 spécialités en juin pour leur classe de première », indique le proviseur du Lycée Watteau.
« Attention, une spécialité exige un niveau supérieur dans cette matière », Régis Dufour- Lefort
Le choix de 3 spécialités pour la première, puis d’en conserver 2 pour la Terminale, est déterminant pour sa trajectoire pédagogique. « C’est un engagement pour le reste de votre scolarité, même si vous abandonnez une spécialité pour la Terminale. Attention, une spécialité exige un niveau supérieur dans cette matière, le niveau d’enseignement est plus élevé que dans le cycle normal de première. Une spécialité n’est pas une option ! », prévient le proviseur. (visuel des spécialités, filerespecialitegenerale et spectalisatiotechno).
C’est pourquoi, une phase de dialogue avec l’équipe pédagogique s’installe dès la phase des intentions. Les enseignants vont conseiller l’élève suivant ses choix, ses envies, et sa capacité à suivre cette pédagogie plus musclée. « C’est un accompagnement personnalisé, mais il faut que l’élève se projette dans ses études supérieures, ses choix professionnels futurs », ajoute Régis Dufour-Lefort. Cette réforme casse le mythe du BAC ou rien n’existe avant, et tout se passe après. Non, en 2019, les apprenants dès la seconde doivent déjà s’ouvrir vers une réflexion appuyée sur leur carrière professionnelle.
Bien sûr, les options ne sont pas disparues, parfois elles sont également des spécialités comme le Latin ou Grec. Par voie de conséquence, à titre d’exemple, une grande maîtrise du Latin permet une spécialisation ou bien une option, le rapport à la matière sera de facto très différent. Les établissements proposent pour certains les disciplines artistiques, les langues de l’antiquité, les langues vivantes moins courantes etc., l’exception confirmant la règle. « On peut également choisir Les Mathématiques en spécialité en première, puis passer en option en Terminale si le niveau est trop au dessus des capacités de l’élève », ajoute Régis Dufour-Lefort. (visuel des matières optionnelles,options4
Les premiers bacheliers de cette nouvelle donne pédagogique clôtureront leurs parcours en juin 2021, un événement immanquablement.
L’aide au « Oui si » avec Parcoursup
Le controversé système Parcoursup vient en appui de cette réforme. « On conseille vivement aux élèves en seconde de consulter Parcoursup sur les attendus des filières, les débouchés professionnels, les attentes des équipes pédagogiques etc. à l’université ou autres écoles », ajoute le proviseur.
Clairement, dès la seconde, l’élève pense aux études supérieures à travers le choix de la bonne filière. L’erreur de parcours doit drastiquement se réduire afin de voir de moins en moins des échecs dans les études supérieures sans retour. Dans cette optique, le fameux « oui, si » sur parcoursup peut bénéficier d’une procédure de remédiation, de remise à niveau dans une filière qui n’était pas notre 1er choix. « C’est plus souple », poursuit le proviseur.
Le lycée Watteau
Concernant le lycée emblématique de Valenciennes, avec Wallon, il est plutôt bien servi par cette réforme. « Compte tenu du contexte, nous maintenons toutes nos filières pédagogiques avec les moyens associés, aucune suppression. Je suis satisfait. Nous conservons des options comme le Chinois, et le Japonais, l’euro-anglais, une classe avec deux matières enseignées en anglais (Histoire-Géographie, et Science et Vie), voire le BAC International Allemand, mais l’enjeu de cette réforme était ailleurs. C’est véritablement l’accompagnement de l’élève dès la seconde qu’il faut retenir », explique le proviseur.
En toute logique, chaque établissement va s’adapter à la formulation de ces trinômes de spécialités. « Par contre, il peut y avoir à la marge une logique de structure en fonction des capacités pédagogiques qui sont les nôtres. On va conseiller un élève selon ses aptitudes, et notre obligation à remplir des cases. Par contre, j’insiste, il n’y a aucune hiérarchie, on ne regarde pas les notes pour le choix final des spécialités », conclut Régis Dufour-Lefort.
Dans cette nouvelle aventure pédagogique, le lycée Watteau, fort de 1150 élèves avec un internat pour jeunes filles de 40 places, espère une rénovation lourde de son établissement. Le dialogue est engagé avec la région des Hauts-de-France, mais le temps sera long entre le passage budgétaire, et une réalité opérationnelle des travaux. La réforme des consciences d’abord !
Daniel Carlier