Stop au terrorisme de l’intime
Samedi 24 novembre, Betty Rygielski organisait la marche du Phénix à la Place d’Armes sur Valenciennes dans le cadre du mouvement national « Nous Toutes . Toujours cette semaine passée, le jeudi 22 novembre, un colloque était consacré à la thématique de la violence familiale et intra-familiale, et à l’étude du profil des auteurs de violences sexuelles.
« Nous Toutes » monte le son sur le Valenciennois
Le rassemblement était prévu à 14H sur le parvis du Phénix. La météo était pluvieuse, un ciel gris à fendre les coeurs, et portant la foule des « NousToutes » était là. Entre 180 et 200 personnes étaient au rendez-vous, une foule très mixte qui s’est attardée pour un bref discours devant le Phénix par Betty Rygielski. L’organisatrice de cette marche de « Nous Toutes 59 » claque quelques vérités : « Cette marche exprime notre ras-le-bol contre les violences sexuelles. C’est une réalité du quotidien. Une personne victime d’un viol à une espérance de vie réduite de 10 à 15 ans. Un enfant victime de violences va connaître des difficultés scolaires entre autres. Il faut oser parler, et faire de la prévention auprès de notre jeunesse dans les collèges et dans les lycées ».
Puis, cette marche a débuté tranquillement en écoutant un organisateur égrenant les chiffres de la violence sexuelle quotidienne, ça cogne ! Un slogan revenait également régulièrement « Oui, c’est oui, non, c’est non… ».
Après 1H30 de marche, le cortège est arrivé sur la Place d’Armes pour les derniers échanges, une après-midi importante pour la cause des victimes de violences sexuelles sous les formes les plus diverses (suite ci-dessous dans cet article).
Colloque pour la journée internationale pour l’élimination des violences faîtes aux femmes
Sous la houlette de Jean-Philippe Ferro, référent départemental violences conjugales – Arrondissement de Valenciennes, cette manifestation du jeudi 22 novembre s’est déroulée au sein de la Faculté des Tertiales, site de l’Université Polytechnique Hauts-de-France. L’auditoire était constitué principalement d’étudiants, mais également de nombreux avocats. Une assistance très féminine « mais des hommes sont présents aujourd’hui ce qui n’est pas toujours le cas dans ce type de colloque », mentionne le Dr Tiphaine Seguret de l’URSAVS ((Unité Régionale de Soins aux Auteurs de Violence Sexuelle).
En matinée, les étudiants avaient organisé une simulation d’audience correctionnelle. Hervé Delplanque, avocat au barreau de Valenciennes, promu très récemment au grade de chevalier dans l’ordre national du mérite (promotion du 15 novembre 2018), affichait sa satisfaction : « Les étudiants ont bien travaillé cette simulation d’audience correctionnelle ! »
Ensuite, l’après-midi était consacrée à d’autres thématiques, et notamment un sujet moins abordé, le profil, l’approche judiciaire, et la prise en charge des auteurs de violence.
« Les auteurs de violences sexuelles doivent être également des acteurs de leurs changements », Michel Vandamme, psychologue de l’EPSM des Flandres.
Ce qu’il est important de mentionner est la grande diversité des types de violence : physique, verbale, isolement social, isolement administratif, économique, psychologique, voire religieuse. « C’est un long parcours de destruction morale qui pousse certaines victimes au suicide », souligne Michel Vandamme. Pour autant, l’auteur de violences doit être pris en charge afin qu’il ne recommence plus. La typologie de la violence est très diverse « avec surtout un recours à une violence banalisée et des auteurs à la personnalité très perverse. Dans ce cadre, les auteurs de violences sexuelles doivent être également des acteurs de leurs changements », ajoute Michel Vandamme, psychologue de l’EPSM des Flandres.
Autre temps fort, l’intervention de l’AJAR ( Association pour la Justice l’Accueil et la Réinsertion) qui est une association reconnue par le monde judiciaire notamment pour son service d’aide aux victimes et juridique. « Nous collaborons avec le TGI de Valenciennes, de Cambrai, et plus récemment avec celui d’Avesnes-sur-Helpe », explique Manuel Macedo, responsable du service justice de l’AJAR.
« Nous sommes intervenus auprès de 261 auteurs de violences sexuelles (dont 14 femmes) en 2017. L’âge moyen est de 31 ans. Nous essayons hors détention provisoire de trouver un lieu d’hébergement dans la famille, et surtout de protéger la victime jusqu’à l’audience au tribunal », poursuit Manuel Macedo.
« L’avocat n’est pas un facteur de désordre », Hervé Delplanque
Dans le cadre de l’approche judiciaire, l’avocat constitue un maillon incontournable. « L’avocat est utile, c’est d’abord un auxiliaire de justice, un facilitateur de justice. On entend parfois que l’avocat est un perturbateur. L’avocat n’est pas un facteur de désordre », explique Hervé Delplanque, avocat au barreau de Valenciennes. De plus, il s’intègre complètement dans le processus « nous recherchons l’efficacité, la compréhension de la situation, et l’utilité des mesures », poursuit l’avocat.
Enfin, le docteur Tiphaine Seguret entame son discours par la lecture d’un extrait de manuel scolaire anglo-saxon de 19060 (hier) sur l’économie domestique, à faire froid dans le dos. Un code de conduite pour une femme soumise en toute chose, ceci nous rappelle « qu’un viol sur deux se déroule dans le couple. La pathologie est souvent très camouflée grâce à un phénomène d’emprise construit par l’auteur », assène la professionnelle.
Un bref rappel juridique illustre mieux que tous les discours le chemin encore à parcourir sur cet item :
- 1990 : Reconnaissance du viol au sein du couple
- 1994 : Insertion dans le code pénal
- 2006 : Circonstance aggravante
Ce colloque fut un nouveau temps fort après la conférence, en septembre dernier, initiée par le Procureur de Valenciennes.
Daniel Carlier