Le partage de l’apprentissage dans un CFA
L’inauguration officielle du nouveau CFA sur Bruay-sur-l’Escaut/Saint-Saulve constitue un événement majeur pour l’apprentissage sur le Valenciennois, un projet sorti de terre après 13 ans d’attente, un sujet de portée nationale à plus d’un titre.
Alain Griset : « Notre victoire est que nous parlons aujourd’hui de filière d’excellence »
En présence de Xavier Bertrand; président de la région Hauts-de-France, et d’Alain Griset, président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat des Hauts-de-France, des maires de nombreuses communes, dont les villes hôtes, ce nouveau CFA (Centre de Formation pour les Apprentis) est une réelle opportunité, un bond en avant pour les futurs apprentis
Achevé durant l’été 2018, le nouveau CFA situé sur Bruay-sur-l’Esxaut/Saint-Saulve, aux portes du tracé du contournement nord, va regrouper à la fois le volet formation, mais également l’accueil administratif des artisans-chef d’entreprises.
L’innovation écologique bâtimentaire
Avant de parler des occupants, il est indispensable d’évoquer cette réalisation architecturale étonnante par son expression écologique. « Je suis venu visiter en cours de chantier ce nouveau CFA, et écouté cet architecte passionnant, ce travail expérimental (écologique) est très important », explique Christophe Coulon, vice-président en charge de l’apprentissage à la région.
Effectivement, le premier coup d’oeil permet de comprendre que ce trait architectural est différent. Pourtant, au premier abord, vous êtes surpris par le nombre de vitrages très significatif. « Sur ce site, vous avez des fenêtres à énergie positive… », rétorque Jean-Luc Collet, l’homme de l’art. Sur la ventilation, les espaces, une architecture avec deux corps principaux « l’un est un bâtiment positif, l’autre demande beaucoup plus d’énergie », commente-t-il. Qui plus est « les solutions innovantes sont simples, basées sur la ventilation. Pourtant, j’ai déjà pas mal vu de constructions, mais là, je suis resté bluffé », ajoute Christophe Coulon.
Ensuite, la philosophie de cette conception est tout autant fondamentale. « Il y a un seul escalier central (très spacieux) afin que les personnes se croisent, les apprenants, les professionnels. D’ailleurs, nous avons également une salle culturelle à disposition de tous. Le partage est une notion très importante dans les choix de ce nouveau CFA », poursuit l’architecte.
A ce titre, tous les services de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat sont dorénavant sur une seule unité de lieu. Les artisans, voire futurs chefs d’entreprises, vont croiser des jeunes appentis, voire découvrir des formations, des spécificités, un CFA permet de faire vivre des spécialités. A titre d’exemple, la CMA vient de valider « un CQP (Certificat de Qualification Professionnelle) de Tourier, il faut que nos jeunes apprennent de nouveau à faire des pâtes pour la viennoiserie, la pâtisserie etc. », explique Patricia Fournier, représentante territoriale de la CMA. Indéniablement, certaines pratiques disparaissent par facilité, produit fini livré, et il est impérieux de conserver toutes les pratiques métiers de fabrication grâce à un CFA.
Philippe Guilbert, président de la Confédération des Pâtissiers Hauts-de-France, renchérit sur cet item : « L’employabilité d’un apprenti est très importante. Il ne vas pas forcément se maintenir toujours chez le même professionnel, voire s’installer. Ses différentes compétences sont de fait très importantes pour son embauche, le CFA doit faire survivre des spécialités métiers ».
La capacité d’accueil est de 1 200 apprenants dans des ateliers où le matériel est à la pointe de la technicité. « Maintenant, les jeunes vont apprendre leur métier sur du matériel de qualité, voire plus performant pour certaines pratiques que dans une entreprise. Avant, c’était l’inverse, les apprentis étaient parfois perdus sur du matériel obsolète à leur arrivée chez le professionnel », ajoute Philippe Guilbert.
« Nous avons actuellement 900 apprenants sur ce site », précise la directrice du CFA. Par ailleurs, un internat de 50 places existait sur l’ancien site de Prouvy sur la ZI de l’aérodrome, « A cette heure, nous avons une solution de 15 chambres sur une résidence étudiante (Bd Harpignies à Valenciennes) », ajoute la directrice. Il sera impératif pour ce nouveau CFA de répondre à toutes ses demandes afin de capter des jeunes d’autres territoires, il faut trouver des solutions adaptées. « Ce nouveau CFA est un parfait complément de celui sur Rouvignies avec nos spécialités mécaniques », conclut Patricia Fournier.
« Une journée d’exception », Alain Griset
Cette réalisation est venue de loin. « Aujourd’hui, c’est une journée d’exception, nous avons rêvé de cet instant. En 2005, nous avions signé avec Jean-Louis Borloo, Martine Filleul, et Daniel Percheron (ex président de la région NPDC) un contrat d’objectifs et de moyens comprenant la construction de nouveaux CFA sur Caudry (déjà fait), Lille (aussi), Douai (en cours), Arras (prochainement) et Bruay-Saint-Saulve. Je remercie Xavier Bertrand pour son choix de maintenir cette orientation », explique Alain Griset, président de la CMA Hauts-de-France. D’ailleurs, le choix d’un vice-président régional dédié uniquement à l’apprentissage fut incontestablement un signe remarqué par toutes les instances professionnelles.
Ce dossier pensé il y a plus de 20 ans, couché sur le papier en 2005 « n’aurait pas bénéficier d’une telle architecture à l’époque. Ensuite, nous ouvrons ce CFA avec la mise en route de la loi Penicaud en faveur de l’apprentissage », ajoute Alain Griset. Sur ce point, cette loi répond à beaucoup de difficultés, âge, autorisation, durée, contrainte. Elle devrait booster cette voie professionnelle trop dépréciée antan par le monde professionnel, voire même les parents. « Dans les années 90, on me disait apprentissage/esclavage. Notre victoire est que nous parlons aujourd’hui de filière d’excellence », ajoute le président du CMA régional.
« Pas de politique-politicarde », Xavier Bertrand
La région Hauts-de-France est le moteur de ce projet, car elle a financé cette conception à hauteur de 20 millions d’euros. Sur la loi Penicaud, Xavier Bertrand est perplexe. « Nous avions demandé au gouvernement de gérer intégralement cette filière de l’apprentissage avec tous les acteurs économiques. Nous n’avons pas eu gain de cause. Pour autant, c’est une loi de la République, il n’est pas question de faire de la politique-politicarde. Nous jouons le jeu, car ces jeunes ont trop besoin de nous », ajoute le président.
Néanmoins, des zones de convergence sont visibles. « La loi Penicaud a reculé l’âge d’un apprenti jusque 30 ans, comme nous le faisions dans la région. Maintenant, c’est dans la loi. Enfin, nous restons la seule région où nous prenons en charge les apprentis qui ne sont pas conservés par l’employeur après leur période d’essai. Ils ne perdent pas un jour de formation, ni un euro. Peu importe que cela coûte environ un million d’euros à la région chaque année », conclut-il.
Martine Filleul, présente, a eu l’opportunité d’expliquer ce choix en 2005. « Il fallait remplacer le bâtiment vétuste de Prouvy. C’était une décision d’intérêt général ».
De nombreux apprenants étaient en cours pour cette journée officielle, mais quelques uns étaient en charge de les représenter. Pierre, apprenti boucher, a eu les mots justes. « L’apprentissage est le meilleur moyen d’apprendre un métier. Je remercie également mon patron. Il faut être passionné, il n’y a pas de talent, que du travail »…bref, il a tout dit de l’apprentissage.
Daniel Carlier