Territoire

Le Mal-Logement syndrome de notre société

Mardi denier, l’ENTE a organisé un rendez-vous sur le Mal-Logement avec des intervenants de haut vol, mais surtout de terrain ! Depuis des décennies, les bilans chiffrés consternants sont la résultante d’une inefficacité chronique des politiques publiques en matière d’habitat. Pour autant, des avancées, des expérimentations visent à modifier ce résultat final peu glorieux pour un pays dit développé !

Pascal Lemeray

Accueilli par Pascal Lemeray, les stagiaires de l’ENTE ont assisté à une conférence/débat sur le Mal-Logement, une demi-journée passionnante !

Stéphanie Lamarche-Palmier : « L’effort public pour le logement représente 1,69% du PIB »

L’expertise de la Fondation Abbé Pierre est reconnue puisque chaque année, elle établit un rapport très attendu sur l’état du Mal-Logement. « En 2018, c’était notre 23ème rapport de notre association reconnue d’Utilité publique en 1992 », précise Stéphanie Lamarche-Palmier. la directrice de la fondation Abbé Pierre sur Valenciennes.

Stéphanie Lamarche-Palmier a entamé cette conférence/débat pour un faire un point sur le Mal-Logement. « Lorsqu’une personne appelle le 115 (stats Nov 2017), le taux d’ hébergement non pourvu est de 87% dans le nord, 83% dans le Rhône, 53% dans les Bouches-du-Rhône, 20% dans le Val d’Oise… Le 115 est à la peine », poursuit-elle.

Dans le secteur public du logement social, l’engagement de l’Etat est insuffisant « car l’effort public pour le logement représente 1,69% du PIB. Seule l’année de l’ANRU avec Jean-Louis Borloo, ce chiffre est passé à 1,71% », poursuit la directrice.

«  Il faut plus de fluidité dans le parc social », Stéphanie Lamarche-Palmier

Le parc public des logements sociaux est conséquent avec pas moins de 5 millions d’habitats. « Par contre, il n’y a que 500 000 attributions par an. Il faut plus de fluidité dans le parc social public, voire dans le parc privé. Il n’existe pas une offre de logements suffisante, disponible, et abordable », souligne Stéphanie Lamarche-Palmier.

Ne nous voilons pas la face, historiquement des programmes entiers de logements sociaux étaient réservés avant même la 1ère pierre, piston et favoritisme à la clé, c’est le sujet politiquement incorrect de l’absence de fluidité du parc social. On y arrive par clientélisme, et on s’y maintient à vie même si ces revenus dépassent le seuil. Certains maires en France se bombardaient même président de l’Office Public Local en charge des logements sociaux, on se demande bien pourquoi… !

Toutefois, la loi égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 a remis de l’ordre dans cette exigence de turnover des logements sociaux. Les abus les plus connus, « pas dans les Hauts-de-France », souligne Stéphanie Lamarche-Palmier, se situent sur le Parc de l’Ile de France. Bizarrement, on s’aperçoit que certaines personnalités bénéficiaires d’un logement social dépassaient largement le seuil de revenus, seule la médiatisation favorise le déménagement rapide en l’espèce ! Dans les métropoles, il manque à la fois une offre physique de nouvelles constructions, mais également un turnover car le logement est acquis à vie quel que soit l’évolution « heureuse » sociale d’un occupant, on profite et on oublie ceux en bas de la rivière. Ce comportement est cruellement en opposition avec l’expérimentation exposée durant cette demi-journée « Le Logement d’abord ».

 « Le logement d’abord »

Site ENTE

Cette initiative fut l’oeuvre de Benoits Apparu en 2009 comme ministre du logement. Pour la parole de l’Etat, Alexandra Menis, déléguée interministérielle à l’Hébergement, précise d’emblée « c’est une philosophie, pas un dispositif ! ». Vidéos à l’appui, plusieurs expérimentations baptisées « Housing First », comme en Finlande et en Ecosse, sont exposées avec un objectif précis, fournir un logement directement à la personne sans-abri ou mal logé. En clair, on évite les étapes après le 115, hébergement d’urgence, logement d’insertion, l’habitat social en escalier avec un délai significatif etc.. En l’occurence, on attribue un logement au nom de la personne. Les témoignages des bénéficiaires sont éloquents sur l’impact d’un logement, pas d’une place en foyer, mais d’un toit à leur nom. Evitez l’ensemble du circuit administratif pour lutter contre le Mal-Logement. Il fallait y penser. Le toit cristallise un nouveau point de départ, une aide pour se reconstruire, c’est le début d’une seconde… socialisation !

En 2010, la France comptait 100.000 personnes sans abri et 900.000 sans domicile personnel. « En 2017, vous avez 7% de logements vacants », précise Stéphanie Lamarche-Palmier… cherchez l’erreur !

« Une expérimentation est active sur 14 grandes métropoles comme Toulouse, Lille, Marseille. Cette recherche se traduit à travers une initiative intitulée « Un chez soi d’abord » à destination des personnes en situation de troubles psychiques. Cela nécessite un accompagnement pluridisciplinaire afin de trouver des solutions diversifiées et trouver du bâti.  », explique Isabelle Loenz, de l’Agence Régionale de Santé des Hauts-de-France.

La différence entre « Un chez soi d’abord » et « Le Logement d’abord » se situe sur le public visé. Dans le premier cas, ce sont les personnes en situation de handicap psychique, qui n’est pas mental, et la seconde s’adresse à tous les publics !

Enfin, Jean-Luc Vandestienne, de l’Union régionale pour l’Habitat des Hauts-de-France, précise «  que vous avez 564 000 logements sociaux dans les Hauts-de-France, 175 000 demandes par an pour 57 000 constructions neuves, il y a mécaniquement une frustration ».

Le logement n’a pas de couleur politique

Le Mal-Logement à travers l’habitat indigne, le sans-abrisme, est le défi social du XXème siècle. Faudrait-il encore que l’exécutif, quel qu’il soit, s’anime plus sur le sujet. La couleur politique n’a même rien à voir puisque « les actions lancées sous le gouvernement 2007/2012 se sont brusquement arrêtées sous François Hollande, on ne sait pas pourquoi », commente Jean-Luc Vandestienne.

Tout est une question d’appréciation de l’enjeu. Un élu écossais expliquait que par ricochet « la sécurité était plus importante depuis le lancement du programme « Housing First » visant à sortir les gens de la rue ». Oui, là également, il ne faut pas masquer les problématiques. L’attribution d’un logement sur le long terme à une personne dans la précarité la plus totale résout beaucoup de problèmes, relance potentiellement une marche en avant vers l’insertion professionnelle, redonne la main à une population qui n’est pas maître de son destin plus de 24 heures !

Daniel Carlier

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