Le Phénix. Andromaque, les héritiers à la sauce Damien Chardonnet-Darmaillacq.
Damien Chardonnet-Darmaillacq, artiste du Campus du pôle européen de création, met en scène Andromaque, les héritiers, d’après Jean Racine. Il reste cinq représentations du mardi 23 au samedi 27 janvier à 20h. Reprendre cette pièce de Racine c’est infiltrer un classique dans notre époque, et les amoureux des classiques le savent, ceux-ci peuvent fortement résonner avec l’actualité. Derrière Oreste qui aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui cherche à protéger son fils Astyanax tout en restant fidèle au souvenir de son mari, Hector, tué pendant la guerre de Troie…les maux de notre société se cachent.
Une géographie amoureuse où chacun se révèle incapable de dialoguer avec l’autre, de partager son territoire, enfermé dans ses propres frontières, intimes ou géographiques.
En résidence au Phénix en septembre 2016, du 11 au 22 décembre 2017 et à peine sorti du chaudron du 2 au 27 janvier, Damien Chardonnet-Darmaillacq est un artiste accompagné par le Pôle Européen de Création qui soutient le développement de projets artistiques à fort potentiel de rayonnement international en leur offrant l’espace-temps nécessaire aux différentes étapes de création : de la recherche à la diffusion nationale et internationale, en passant par le plateau. Cette création bénéficie d’un mentorat en production sous le regard de Claire Dupont, directrice de Prémisses, office de production et d’accompagnement d’artistes adossé au Théâtre de la Cité Internationale Paris, qui lui permet de partager une résidence grâce à une mutualisation avec le Manège Maubeuge, scène nationale, dirigé par Géraud Didier et de bénéficier d’une coproduction et d’une résidence au Centre Dramatique de Rouen dirigé par David Bobée. Un parcours pédagogique au long cours est organisé avec les options théâtre du Lycée de l’Escaut.
La première grande tragédie de Racine à la sauce Chardonnet-Darmaillac « parce que son théâtre résonne toujours avec notre époque et particulièrement Andromaque, une pièce très politique » selon lui.
C’est avec grand plaisir que l’on s’offre un petit plongeon dans la période classique. Là où Molière fait rire, Racine excelle en tragédie. Andromaque en est une de l’amour, où chaque personnage aime un autre qui ne l’aime pas. Le jeune metteur en scène clame son amour pour Andromaque avec l’ambition de dévoiler les lignes de force d’une pièce qui raconte, ici et maintenant, le ressassement d’un passé glorieux et les espoirs envolés d’une société guettée par le repli sur soi.
Andromaque, Hermione, Oreste et Pyrrhus, les quatre personnages principaux, appartiennent à des territoires différents et dessinent une géopolitique amoureuse où s’insinue l’affrontement abrupt ou retors. Ils se rejoignent sur un point : ce qui leur appartient n’est pas le fruit d’une conquête mais d’un héritage. C’est la génération d’après qui est sous le feu des projecteurs, « celle des héritiers sans victoire chargée de profiter de biens et de pouvoirs conquis pour eux. La guerre de Troie a fait long feu et le temps des conquêtes avec elle. »
Chacun se révèle ainsi incapable de dialoguer avec l’autre, de partager son territoire, enfermé dans ses propres frontières, intimes et géographiques. « Ce qui fonde la tragédie d’Andromaque, c’est moins l’enchaînement des amours déçus que l’incapacité d’une génération à trouver son centre de gravité, à définir un point d’équilibre autour duquel se construire, se battre et conquérir, pour ou contre. »
Le metteur en scène explique que « c’est bien là ce qui frappe dans Andromaque : l’absence d’une préoccupation unificatrice. Chaque protagoniste est à lui-même son propre sujet. Chaque douleur est à elle-même sa propre douleur et plus rien ne s’écoute dans la concurrence des larmes et des souffrances. » Racine donne trois portes de sortie à cette absence de langage commun : la mort, la folie, la tyrannie… « Montrer cela, dire cela aujourd’hui, dans la France et l’Europe qui sont les nôtres, semble porteur de sens. Parler de notre capacité à faire Histoire ensemble, à trouver une voix commune dans l’expression de nos souffrances individuelles ou communautaires est impératif. »
Et puis La compagnie 7 ans plus tard cite Antonio Gramsci «le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. »
Céline Druart Beaufort
Infos pratiques. Crédit photo Denis Guégin. Renseignements Le Phénix 03.27.32.32.32