Rétro sur le héros de guerre Charles Nungesser, un destin hors-norme !
Cette année 2017 a marqué le 90ème anniversaire de la mort de Charles Nungesser, un pilote légendaire, pourtant méconnu dans le reste de la France voire des Valenciennois eux-mêmes. Le grand public connaît Charles Lindbergh et pourtant l’histoire de Charles Nungesser est digne d’un roman, une histoire si riche et si courte (mort à 35 ans), plus qu’une vie, c’est un destin !
Charles Nungesser, un vol de légende avec l’Oiseau Blanc
» L’as des as » originaire de Valenciennes a disparu corps et bien en traversant l’Atlantique, en 1927, le 8 mai 1927. L’aube commence à poindre mais le temps est couvert et l’on devine que le plafond restera bas toute la journée. A 5 heures passées de quelques minutes, et après plusieurs tentatives de décollage manquées, l’équipage décide de se séparer de tout le superflu. A l’initiative de Charles Nungesser, l’avion est donc vidé de ses banquettes et de tous les accessoires qui ne sont pas en relation directe avec la navigation. Dans la foulée, le PL8-Levasseur plein jusqu’à la gueule de quelque 3000 litres de carburant décolle de l’aérodrome du Bourget avec à son bord Charles Nungesser.
Direction les Etats-Unis, au terme d’une traversée de l’Atlantique sans escale. Pour Charles Nungesser, les 25 000 dollars promis par le milliardaire américain Orteig importent moins que le fait de relever un formidable défi. L’avion survole les falaises d’Etretat, met le cap sur les Etats-Unis et sort du champ de vision des observateurs. On ne le reverra jamais. Certains le disent perdu en mer. D’autres affirment aujourd’hui encore que « L’Oiseau Blanc » et son équipage ont bel et bien touché le sol américain, du côté du Maine. Le mystère qui entoure la disparition des deux aviateurs a contribué à faire entrer dans la légende un héros nommé Charles Nungesser.
Un esprit indépendant
De la vie de ce Valenciennois d’origine, on a surtout retenu cette tentative manquée de traversée de l’Atlantique qui se solda par la disparition corps et bien de deux hommes qui avaient choisi de relever l’un des plus grands défis de l’époque. C’est oublier un peu vite que Charles Nungesser, né à Paris le 15 mars 1892 de parents valenciennois, fut l’un des héros de la première guerre mondiale, où ses qualités d’âme et ses incroyables faits d’armes lui valurent bon nombre de décorations et l’admiration de ses pairs. Enfant déjà, cet élève de Notre-Dame, à Valenciennes, se distingue par sa vivacité d’esprit et par une intelligence telle qu’élève de 9°, et bien que de deux ans plus jeune que ses condisciples, il arbore déjà la croix d’honneur.
Son esprit d’indépendance lui occasionne régulièrement les désagréments que l’on imagine, lui attirant au passage les foudres maternelles, mais son charme naturel lui évite bien souvent les punitions. D’autant que, quoi que tête brûlée, Charles Nungesser n’en demeure pas moins très attaché à sa famille qu’il ménage autant que son tempérament fougueux lui permet. Charles Nungesser voue par ailleurs une admiration sans borne à un père qu’il a surnommé avec affection « le tsar ». Un père qui ne comprend pas toujours les motivations de son fils mais qui lui fait suffisamment confiance pour le laisser agir à sa guise. Comme en cette belle journée d’été 1907 où Charles, alors âgé de 15 ans, décide d’aller rejoindre un oncle… en Amérique du Sud ! Il vient alors de terminer ses études à l’Ecole des Arts et Métiers et c’est fort d’un brevet de mécanicien et d’électricien qu’il part à la recherche de son parent. Son séjour outre-Atlantique ne sera pas sans quelques déconvenues. A son arrivée à Rio de Janeiro, il découvre en effet que son oncle n’y vit plus. Il serait plus vraisemblablement installé du côté de Buenos Aires. Plus d’un aurait alors renoncé à son équipée et, se rendant à la raison, aurait rejoint sa famille du bon côté de l’océan. C’est mal connaître Charles Nungesser.
Pilote téméraire
Refusant de s’avouer vaincu, il met le cap pour Buenos Aires où une nouvelle déception l’attend. L’oncle n’habite plus à l’adresse indiquée et Charles, dont les économies touchent à leur fin, décide de trouver du travail, en Amérique du Sud toujours, où ses qualités de mécanicien lui ouvrent des portes. Deux années passent. D’un naturel sportif – Charles a entre autres pratiqué la course à pied, le football, le cyclisme et le motocyclisme, l’équitation, la boxe et la natation, une discipline qui lui valut d’ailleurs de remporter la traversée Ostende – Blankenberge – il s’initie à la compétition automobile. Mais c’est sa rencontre fortuite avec un compatriote féru d’aéronautique qui scellera à jamais le destin de Nungesser. Déjà très attiré par l’aviation, celui qui dès son plus jeune âge s’est juré d’être pilote peut enfin s’adonner à sa passion. C’est à ce moment-là, cinq années après son arrivée en Amérique du Sud, et alors qu’il ne s’y attend plus que Nungesser retrouve son oncle, de manière tout à fait fortuite. Il suit son parent jusqu’au pied de la Cordillère des Andes, royaume de la canne à sucre et y devient planteur. Mais l’infatigable Charles est une nouvelle fois gagné par la « bougeotte ». Lui que les limites de la France rendait claustrophobe revient en Europe, en Belgique d’abord puis en France. La guerre qui vient hélas d’y commencer lui vaudra ses lettres de noblesse… !
Nungesser, que son expérience sud-américaine a rompu au pilotage par tous les temps, devient pilote de chasse avec une aisance déconcertante. Après avoir obtenu son brevet militaire à l’école d’Avord, il rejoint l’escadrille de bombardement de Saint-Pol-sur-Mer. Nungesser, qui ne fait rien comme tout le monde, défiera régulièrement les autorités. Quand il ne s’embarque pas sans autorisation à bord d’un appareil flambant neuf qui ne lui était pas destiné pour aller abattre un avion allemand dans les lignes françaises (gage d’homologation d’une victoire), il se livre à de véritables acrobaties aériennes au cœur même des combats. C’est ainsi que, pris en chasse par trois avions allemands, il s’en sortit de la manière la plus audacieuse qui soit, en se plaçant « tout simplement » entre les trois chasseurs, leur interdisant ainsi de tirer, sous peine de s’abattre les uns les autres… Toujours enclin à la plaisanterie, Charles s’autorisa même, un jour, un looping à la victoire qui se solda par une mise à pied de huit jours au motif suivant : « L’adjudant Nungesser, escadrille n° 65, malgré la défense formelle répétée deux fois, a fait au cours d’un vol des excentricités au-dessus du plateau. » Après avoir provoqué le combat face à deux avions ennemis qui avaient trouvé refuge derrière leurs lignes et les avoir abattus en bonne et due forme, Nungesser vit ses jours de suspension levés et acquit son statut d’« as » de l’aviation.
Nungesser avait adopté dès ses premiers combats un blason reconnaissable entre tous : un cœur noir arborant une tête de mort, deux tibias croisés, deux flambeaux allumés et un cercueil. L’emblème, délibérément macabre, était là pour rappeler que chaque jour, le pilote défiait la mort. Quant à l’existence même du blason, elle se justifiait par le fait que Nungesser avait mis un point d’honneur « à combattre identifié d’homme à homme ». Le caractère intrépide du personnage lui fit frôler la mort tant au sol que dans les airs. Amateur de vitesse, Nungesser compta la moto parmi ses premières amours. Mais les freins de l’époque ne répondaient pas forcément aux exigences d’un pilote qui s’autorisa parfois des arrêts peu orthodoxes… dans des ballots de paille ! L’aviateur n’échappa évidemment pas aux accidents, comme en ce jour de janvier 1916 où son appareil, fraîchement sorti de l’usine, se mit en vrille trop près du sol pour que Nungesser pût redresser la situation. Victime de multiples fractures, Charles a également eu le menton littéralement empalé par le manche à balai de son avion.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, il survit à l’accident qui lui laisse cependant, outre une prothèse de type « gouttière intra-buccale », une légère cicatrice sur le menton, qui lui valut un jour de s’entendre dire par son père qu’il ne lui manquait plus que ça pour tourner la tête des filles. La convalescence de Charles Nungesser est comme on l’imagine de courte durée. Deux mois après l’accident, alors qu’il marche encore avec des béquilles, Nungesser reprend la voie des airs. Au sortir de la guerre, celui dont la tête avait dès 1917 été mise à prix 500 000 Marks par des Allemands désireux d’en finir avec leur plus redoutable adversaire, ne comptait pas moins de quarante-cinq victoires (quarante-cinq appareils ennemis abattus dans les lignes françaises) et un nombre impressionnant de décorations : croix de la Légion d’honneur, Médaille militaire, Croix de guerre, Military Cross, croix Léopold Ier, Croix de guerre belge avec palmes, Croix de guerre des USA, croix de Michel le Brave (Roumanie), croix de Karageorges (Serbie), Croix de guerre du Portugal, croix de Chevalier Danilo de Montenegro et Médaille de la bravoure (Monténégro). Il n’a alors que 26 ans.
Le 11 novembre 1918, il enregistre officiellement 45 avions ennemis, et 23 blessures. Ses compagnons d’armes lui en attribuent plus de 250… ! Le 21 juillet 1919, Charles Nungesser fait une entrée triomphale à Valenciennes, en liesse !
« L’Oiseau Blanc » ou l’ultime voyage
Le retour à la vie civile de ce héros militaire lui fut, sinon pénible, tout du moins déconcertante. Lui qui participa à la création du club d’aviation de Valenciennes, dont la descendance fleurit aujourd’hui encore sur l’aérodrome de Prouvy – Rouvignies, ne se retrouva jamais vraiment dans l’aviation civile. Il fallait à Charles Nungesser des défis à relever, des limites à dépasser. Sa rencontre avec François Coli et le prix Orteig, qui promettait 25 000 dollars à quiconque traverserait l’Atlantique sans escale, arrivèrent à point nommé. Bien plus que l’argent, l’importance du challenge galvanisait Nungesser qui s’empressa d’affréter un appareil. « L’Oiseau Blanc » arbore évidemment l’emblème de Nungesser.
Et parce qu’entre les 3000 litres de carburants nécessaires à la traversée et son matériel de bord l’appareil peine à décoller, Nungesser prend le parti de le débarrasser de ce qu’il juge superflu, des banquettes à la radio en passant par… le train d’atterrissage que le pilote larguera immédiatement après son départ ! Les cinq tonnes l’avion de Nungesser et Coli prennent enfin leur envol le dimanche 8 mai 1927. De part et d’autre de l’Atlantique, l’émotion est à son comble et tous les yeux sont tournés vers le ciel. Passées les falaises d’Etretat, « L’Oiseau Blanc » se soustrait à la vue des observateurs tandis qu’à New – York, on prend le relais. Hélas, l’aventure tourne court. Les deux pilotes, que le journal « La Presse » donne victorieux au soir du 9 mai, n’arriveront jamais à New – York. Désireux de rafler le « scoop », des journalistes mal informés annoncent à tort la victoire de Nungesser et Coli, allant même jusqu’à décrire avec force détails l’arrivée des deux héros. A Valenciennes, la liesse est de courte durée. Du côté de Boston, une escadrille a décollé par un épais brouillard : elle part à la recherche des deux aviateurs qui tardent à arriver. Et pour cause : « L’Oiseau Blanc », Nungesser et Coli ont disparu corps et biens. Ironie du sort, treize jours plus tard, l’aviateur américain Charles Lindbergh atterrira au Bourget le 21 mai 1927, réussissant là où son homologue français venait d’échouer si tragiquement.
Héros de son vivant, devenu légende à sa mort, Charles Nungesser n’est aujourd’hui présent qu’à travers une stèle devant l’ancien stade de football « Nungesser ». Cet ancien temple du foot s’est transformé grâce à un magnifique complexe aquatique communal ouvert au public depuis février 2020. Un clin d’oeil à la mémoire de ce héros d’un autre temps, l’âme de Charles Nungesser continue donc son voyage par delà cette effluence des eaux sur son « Oiseau Blanc » !
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