Territoire

(Affaire Brouillet) Le procès de l’absence de probité ou pas ?

9H30 durant le procès de Bernard Brouillet, Frédéric Dherbecourt, et Réginald Lepoutre, cette audience du mardi 14 décembre 2017 fera date dans l’histoire de ce TGI de Valenciennes. Le champ d’infractions couvert par cette audience concernait : la prise illégale d’intérêts, le délit de favoritisme, et le détournement de fonds publics.

(Crédit photo/La voix du Nord)

Ce dossier dantesque par la durée de l’enquête préliminaire, presque 4 ans, se traduisait également par un volume papier pour lequel un petit chariot fut nécessaire pour déposer le tout dans la salle d’audience, 9 tomes, pour 16 500 pages environ.

Jusqu’au bout cette affaire fut surprenante, sur la forme, et sur le fond. Avant de dérouler chronologiquement, prévention par prévention, cette journée inénarrable, arrêtons-nous sur la partie civile, le syndicat du SIAV en l’occurrence, présidée par Véronique Dupire depuis les dernières élections en 2014.

Pourquoi ? Tout simplement la prestation de l’avocat parisien fut le seul point d’accord entre le Procureur de la République, Jean-Philippe Vicentini, et les avocats, Maître De Abreu pour Bernard Brouillet, et Maitre Delpanque pour Frédéric Dherbecourt.

Durant l’intégralité des débats, la partie civile n’a posé aucune question, pas la moindre intervention « ce n’est pas mon rôle », s’est-elle fendue dans sa plaidoirie. Et depuis quand la partie civile n’est pas en droit de poser une question, d’éclairer un peu plus le débat sur tel ou tel point du dossier, de s’alarmer de la bonne gestion des deniers public ou pas, on se pince ! Ensuite, la partie civile s’est contentée de soutenir un seul message « ce n’est pas le procès de la nouvelle gouvernance contre l’ancienne, de la nouvelle présidente contre l’ancien etc. » un verbiage inodore, transparent, pour ne pas dire indigent faisant dire au Procureur de la République «  je ne sais pas pourquoi la partie civile était là, sauf pour dire qu’elle ne veut aucun mal à Bernard Brouillet ! ». Maître De Abreu ajoute, pour sa part : « Ou on se tait, ou on dénonce, et on y va. L’attitude de la partie civile pose question ? » Le SIAV n’a réclamé aucune sanction financière à l’encontre de Bernard Brouillet, même pas l’euro symbolique… !

Cette vacuité oratoire est dévastatrice pour l’image du monde politique. Le silence pouvait se justifier, mais plus difficilement quand on sait qu’un fonctionnaire fut mobilisé, du SIAV ou d’ailleurs peut-être ???,  pendant des semaines pour faire de la spéléologie administrative dans les archives de ce syndicat d’assainissement afin « de fournir 1 tome de document », souligne l’avocat  de Bernard Brouillet. Ce n’est pas rien et tout cela pour se constituer partie civile, comme c’était son droit, et achever cette procédure par botter en touche… Comme la nature a horreur du vide, elle laisse place a plusieurs questions. Pourquoi le SIAV s’est-il constitué partie civile à l’époque ? Avec en question sous-jacente, fut-il influencé par une personne physique ou morale extérieure ? Enfin, pourquoi le choix d’une plaidoirie en mode confédération helvétique en décembre 2017 ? Le meilleur est dans le commentaire liminaire de l’avocat du SIAV «  je m’étonne également d’avoir reçu une enquête si volumineuse n’ayant pas fait l’objet d’une information judiciaire ! », extraordinaire puisque ces propos vont dans le sens des arguments de la défense demandant la nullité comme exposé ci-dessous. On l’a bien compris, la partie civile(SIAV) a vu de la lumière dans le TGI e 14 décembre 2017, et elle est entrée… pour faire quoi, mystère !

Sur la forme

Tout d’abord, Reginald Lepoutre poursuivit en correctionnel, pour « faux et usage de faux », n’était pas présent au TGI de Valenciennes, pour cause de maladie. Maître Babouri, son avocat, a demandé une disjonction du dossier. Cette audience, concernant Régional Lepoutre est reportée au 26 juin 2018 au grande Dame de Maître De Abreu, fort marri de ne point conduire une confrontation entre Bernard Brouillet et Reginald Lepoutre.

Ensuite, cette audience a démarré vers 9H avec une demande en nullité de la totalité de l’enquête préliminaire par Maître De Abreu. A la fin de son intervention, la présidente du tribunal, Marielle Pollet, suspend l’audience brusquement. Emoi dans l’assistance, après une interruption significative, elle revient et explique en toute transparence. « Nous avions un problème avec un assesseur ayant un lien avec une personne engagée dans ce dossier. J’ai donc dû changer la composition du tribunal, et nous devons reprendre l’audience depuis le début », souligne la présidente. Au moins, cet incident est sans suite, mais c’est une péripétie de plus dans la conduite de ce dossier tentaculaire.

Ensuite, sur la forme, Maître De Abreu a plaidé, une seconde fois, pour une requête en nullité. Il s’appuya sur le droit supra national, et droit positif, jurisprudence à l’appui, pour étayer son propos. Sur cette intervention, le procureur s’étonne de «  voir Maître De Abreu se féliciter, lui et son client, de pouvoir enfin s’expliquer devant la justice, et en même temps de demander la nullité de l’ensemble de la procédure ! ». 

Le propos de  Maître De Abreu s’est concentré sur un reproche précis. « Ce dossier me déplaît. je suis un avocat en colère. Pourquoi une enquête préliminaire aussi longue, aussi technique, aussi complexe, en fait ingérable, n’a-t-elle pas fait l’objet d’une information judiciaire permettant à la défense d’accéder au dossier plus tôt ? Là, mon client a été entendu sous le régime de la garde à vue, le 16 mars 2016, pour une clôture de l’instruction le 23 mars 2016, puis le 20 avril 2016 (pour l’autre volet de la procédure) pour un rapport bouclé 4 jours plus tard. Débrouillez-vous (depuis juin 2017) avec l’équivalent de 16 500 pages », s’étonne-t-il. il poursuit : « Il n’y a pas eu de procédure contradictoire, alors que l’enquête préliminaire a débuté en septembre 2013. Au regard de la Cour européenne des Droits de l’Homme et de deux jurisprudences , il n’y a pas eu égalité des armes », ajoute Maître De Abreu.

Pou sa part, le procureur renvoie la balle…, et souligne  » la bonne gestion du dossier par mon prédécesseur pour cette enquête au laser permettant de circonscrire ce qui était des affabulations, ce qui était prescrit, et ce qui pouvait être poursuivi en justice. Sans cette méthode, nous serions dans un dossier traité devant la justice dans une dizaine d’années…La violence des mots ne fait pas tout dans un procès ! « .

Cette requête est portée au fond, et sera retenue, ou pas, dans le délibéré final.

Sur le fond

La présidente du TGI de Valenciennes rappelle qui sont les sources de cette procédure de citation à comparaitre pour M. Bernard Brouillet, concernant 8 préventions, M. Frédéric Dherbecourt, concernant 3 préventions, et M. Reginald Lepoutre, 1 prévention.

« La première source émane de M. Habib El Khalfet, ancien attaché parlementaire de Jean-Louis Borloo. Ce dernier a adressé un courrier dès février 2013 au Procureur de la République, puis au Procureur général dès septembre 2013 », explique la présidente du Tribunal. Dans ces courriers, il couche sur le papier toute une série d’allégations « face auxquelles, vous (Bernard Brouillet) répondez par un courrier du 22 avril 2014 apportant des justifications sur différents points », précise la magistrate…En clair, cette longue liste est réduite drastiquement suite au dit courrier envoyé par l’ancien président du SIAV. Le procureur qualifie certains dires « d’affabulations de M. Habib El Khalfet ». Pour sa part, Maître De Abreu égratigne la qualité de la source « la fictivité du poste de M.Habib El Khalfet, s’il y avait un emploi fictif à Valenciennes, c’était celui là. A l’époque, on a évoqué un relais local ».

La deuxième source, provient de la nouvelle présidente du SIAV, Véronique Dupire.  » Son analyse de la situation du SIAV la fait douter sur le bien fondé des décisions prises antérieurement «  , précise la présidente du tribunal. Sur la partie civile, tout a été dit plus haut !!

Enfin, dernière source et pas des moindres, l’ancien Sous-Préfet de Valenciennes, Franck-Olivier Lachaud, à travers un courrier, conformément à l’article 40 du code pénal, dénonce des irrégularités dans le choix de la nouvelle (double) DSP. Sur l’Etat de proximité, Maître De Abreu précise : « Le Sous-Préfet exerce le contrôle de légalité, s’il constate des irrégularités, il saisit le tribunal administratif, c’est son rôle, pas le champ pénal ! ».

A l’issue de ce filtre par le Procureur de la République, évoqué ci-dessus, le TGI de Valenciennes est saisi de 8 préventions (ex chefs d’accusations). Les préventions sont abordées dans l’ordre de passage de cette journée du 14 décembre sans considération de la gravité, ou pas, de l’infraction.

Prévention 1 : Prise illégale d’intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l’administration ou la surveillance (du 27 juin 2013 au 30 juin 2014).

L’infraction présumée en question est l’attribution d’une des deux DSP (Délégation de Service Public) pour la collecte des eaux usées et propres, en l’occurence, à l’entreprise Malaquin. Alors, que dans la filiale de cette société, Hainaut Maintenance, Clément Brouillet, fils de Bernard Brouillet, a signé un contrat d’apprentissage dès octobre 2012 jusque juillet 2014.

Jerome Leman, élu au SIAV de 2008 à 2014, indique dans son audition «  que Bernard Brouillet voulait se débarrasser d’Eau et Force. De plus, nous savions que son fils travaillait dans l’entreprise, ce n’était pas neutre ».

Pour sa défense, l’ancien président du SIAV indique «  je n’ai pas pensé une seconde que mon fils, bénéficiaire d’un contrat d’alternance, au sein de cette entreprise, sans aucune influence sur la décision finale, pouvait interférer dans ce dossier ». Il ajoute d’ailleurs «   il n’a pas pu passer son BTS pour des problèmes de santé. A la fin de ce contrat d’apprentissage, il est resté au mois d’août, et c’est tout  » .

La présidente du Tribunal de Grande Instance de Valenciennes demande à Bernard Brouillet si ce contrat d’apprentissage ne constitue pas « un service demandé à l’entreprise ? ».

Jean-Philippe Vicentini, le procureur de Valenciennes, évalue globalement cette audience : « Elle marque la fin du système Brouillet ». Il précise : « Ce n’est pas le procès de votre fils. Peu importe qu’il n’est aucune influence sur la décision finale. La prise illégale d’intérêts est constituée ! ».

Pour Maître  De Abreu «ce dossier a d’abord une dimension politique visant la mise en cause de la probité de mon client ». Sur cette première prévention, il rappelle un fait avéré « son fils, au titre d’un contrat d’apprentissage, ne fait pas partie des effectifs ». Il pousse le raisonnement plus loin « vous ne pouvez plus choisir une entreprise pour une DSP, par exemple le tramway,  car votre fils prend le tramway comme moyen de transport. Vous arrêtez la notion d’intérêt à quel niveau ? ».

Prévention 2 : Atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics (du 27 juin 2013 au 30 juin 2014)

Cette infraction présumée est l’autre volet pénal de l’attribution du marché (DSP) à l’entreprise Malaquin. Cette fois, après la prise illégale d’intérêts, elle pointe du doigt un délit de favoritisme mis en oeuvre par Bernard Brouillet au bénéfice de cette entreprise, compte tenu du contrat d’apprentissage de son fils au sein de la dite entreprise. Les argumentaires de part et d’autre sont  identiques. La présidente du TGI demande à l’ancien président du SIAV : « A aucun moment, vous n’avez eu l’impression de faire une faveur à cette entreprise ? ».

Sur ce point, Bernard Brouillet rappelle avec constance durant toute cette journée : «  Ce n’est pas Bernard Brouillet qui décidait tout seul, mais la commission d’appel d’offres. Cette dernière a retenu à l’unanimité la DSP-Collecte des eaux usées et propres- en faveur de l’entreprise Malaquin le 02 janvier 2014. Cette décision fut confirmée par le comité syndical le 30 janvier 2014 ».

Le Procureur de la République souligne un point central « vous avez présidé toutes les réunions, les commissions, le comité syndical durant la validation de ces deux DSP. Pourtant, pour des subventions au Pôle SYNEO, vous saviez vous retirer du vote ! ». Pour rappel, la structure Pôle Syneo, à caractère environnemental, avait été fondée par Guy Bustin, Dominique Riquet et Bernard Brouillet.

Prévention 3 : Atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics (du 27 juin 2013 au 30 juin 2014)

Cette fois, l’infraction présumée se concentre sur l’autre attribution de marché. En effet, si la collecte des eaux propres et usées a été confiée à l’entreprise Malaquin, Eau et Force fut choisie pour le traitement des eaux propres et usées.

En l’occurence, il est reprochée également un délit de favoritisme, mais cette fois en faveur de l’entreprise Eau et Force. Cette dernière était le délégataire en cours depuis 1993. En effet, Jean-Louis Borloo avait signé avec Eau et Force une DSP de 20 ans. En aparté, cette durée de contrat est complètement désuète en 2017. En clair, cette démarche est nouvelle pour l’immense majorité des élus du SIAV en 2014.

Ce délit de favoritisme serait caractérisé car un nouveau critère est apparu dans le rapport de synthèse, alors qu’il ne figurait pas dans le cahier des charges initial. Un témoin, cité par la défense, corrobore les propos de Bernard Brouillet. Tout d’abord, il confirme la collégialité de la décision en commission d’appel d’offres, confirmée en comité syndical. Ensuite, Richard Pruvot, le témoin, précise « que nous avons voulu assurer la fin de vie de la station d’épuration à travers la poursuite de l’exploitation avec le délégataire actuel ». Cette déclaration évoque également le projet OVAL, station à énergie positive, devant se substituer à la station d’épuration existante.

Elément factuel avancé par Bernard Brouillet, et son avocat, la fameuse technicité d’un cahier des charges de DSP, des courriers techniques etc. « Les élus sont en place pour le vouloir. Ils sont dans l’incapacité de rédiger un tel document technique. J’ai toujours fait confiance aux services techniques. De plus, nous nous appuyions sur une AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage), SP 200, un expert indépendant, pour le conseil, la rédaction des documents techniques etc. ».

« Bernard Brouillet nous faire croire qu’il est un singe, qui n’a rien écrit, qui n’a rien vu, mais qui a signé. Vous arrivez au bout du système », lance dans son réquisitoire le Procureur de la République.

Sur cette prévention, l’autre point complexe soulevé par le parquet est l’annonce anticipée de cette information, avant le vote du comité syndical le 30 janvier, du choix de la commission d’appel d’offres à travers un courrier à tous les élus du SIAV. Ensuite, une erreur administrative a été effectuée, et reconnue, par le service des marchés avec une publication technique dans la Voix du Nord et le Moniteur avant le vote du comité syndical du SIAV.

Prévention 4 : Prise illégale d’intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l’administration ou la surveillance (du 04 avril 2011 au 8 juillet 2011).

Cette fois, l’affaire concerne l’achat de mobilier pour un local supplémentaire au siège du SIAV. Ces nouveaux bureaux étaient situés, Place Jehan Froissart, car « il ne fallait pas mélanger le quotidien du SIAV, et le dossier préparatoire des deux DSP », indique Bernard Brouillet. 

Toutefois, le marché était constitué d’un seul bloc, mobilier de bureau + cuisine équipée. Ce lot fut attribué à l’entreprise Ediburo, sur Boulogne-sur-Mer, où travaillait Aurélie Baudochon, née Brouillet, Ce marché de 37 149 € HT a été remporté par Ediburo, au 1er semestre 2011. «  Les services, Mme Gourland, comme Mme Creach, vous ont prévenu du danger compte tenu de la présence de votre fille dans l’entreprise attributaire. D’ailleurs, vous auriez dû diviser les lots. De cette manière, il est configuré pour que seule Ediburo réponde. Parfois, un oeil neuf sur un dossier est intéressant. Ici d’évidence, le président dit, on fait !  », commente le procureur dans son réquisitoire.

Maître De Abreu insiste sur un aspect d’entreprises « tous les professionnels rompus à répondre aux appels d’offres ont une série de sous-traitants pour un volet du marché hors de leur compétence ».

Prévention 5 : Prise illégale d’intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l’administration ou la surveillance (du 02 janvier 2014 au 17 décembre 2014).

Cette fois, le litige repose sur un marché informatique. Un lot remporté par l’entreprise AKAO informatique le 02 janvier 2014. D’autre part, cette entreprise AKAO va , avec comme gérant Abdellali Halitim, prendre un sous-traitant «  et pas un co-traitant », clame Maître De Abreu.

En effet, la nouvelle donne est que le sous-traitant, l’entreprise ASET informatique, va embaucher après la signature du marché la fille de Bernard Brouillet, Aurélie Baudauchon, au titre de commercial, mais également afin de réaliser une mission de scan des documents du SIAV. « Mon client n’avait absolument pas connaissance que l’entreprise AKAO prendrait un sous-traitant », précise l’avocat de Bernard Brouillet.

L’ancien président du SIAV répète à plusieurs reprises «  que ce n’était pas un dossier stratégique, notamment un marché pour un lot informatique. Je faisais toute confiance dans les services ».

« Tout était permis jusqu’à l’embauche de la fille de Bernard Brouillet évoluant dans les locaux du SIAV. On aurait pu croire à un accident dans le 1er dossier,  Sur l’ensemble des sujets, c’est la concomitance qui fait l’infraction, son fils, sa fille… », indique le procureur dans son réquisitoire.

Le sous-traitant, dont le dirigeant est Patrick Lethien, était également le patron de l’entreprise Tambour Battant, ex Futur Porche, le prestataire de qualité reconnu et sollicité depuis des lustres par la ville de Valenciennes, Valenciennes Métropole, et bien sûr le SIAV.

En l’espèce, un autre justiciable intervient dans ce dossier, Frédéric Dherbecourt, salarié au SIAV depuis 18 ans. Il est reproché à ce dernier une complicité dans la prise illégale d’intérêts.  Pour autant sa ligne de défense repose sur une simple transmission du C.V d’Aurélie Baudauchon à l’entreprise Aset Informatique, un «  rôle de postier, d’intermédiaire, entre Bernard Brouillet et Patrick Lethien. Cette opération a été réalisée par mail », déclare Maître Delplanque, l’avocat de Frédéric Dherbecourt.

«  Il sait qu’il remet le C.V de la fille de Bernard Brouillet, il y a complicité. Il était de sa responsabilité de dire non », assène le procureur. «  La complicité n’est pas établie, c’est un dol spécial. Il est important que la personne apprécie le geste au moment de l’acte », répond Maître Delplanque.

La présidente du tribunal hausse le ton, pousse dans les cordes Frédéric Dherbecourt sur la portée de son geste. Le salarié du SIAV reconnaît cette transmission à la demande du patron. «  C’est un travail de scan de documents, de petite mains, pas une mission que dix personnes au monde peuvent remplir. D’autres citoyens auraient pu bénéficier de cet emploi ! ».

Le procureur enfonce le clou sur ce point : « Vous changez de discours M. Dherbecourt, car durant votre audition, vous soulignez que si la loi était strictement appliquée… Bernard Brouillet pourrait être poursuivi pour prise illégale d’intérêts ».

Pour sa part, Patrick Lethien exprime dans son audition que la remise de ce C.V était, sans équivoque, destinée à une embauche rapide. « Patrick Lethien, Myriam Créach, Emmanuel Gourland sont-ils tous des menteurs ?  Tout le monde ment selon vous, alors qu’il n’ont aucune raison de le faire »,  commente le Procureur de la République !

Prévention 6 : Tentative de soustraction, détournement ou destruction de biens d’un dépôt public par le dépositaire ou par un de ses subordonnées.

Cette fois, il y a une autre personne saisie par la justice, c’est Reginald Lepoutre, ancien attaché parlementaire de Jean-Louis Borloo, ancien médiateur de la République.

Dans ce dossier, la fille de Bernard Brouillet est de nouveau présente. En effet, Réginald Lepoutre aurait réalisé une prestation de conseil au bénéfice d’Aurélie Baudochon afin de l’assister durant la liquidation judiciaire de son entreprise en décembre 2010. Onze mois plus tard, Réginald Lepoutre aurait réclamé sa facture pour un montant de 8 864 € !

Pour solder cette créance supposée, Bernard Brouillet propose de racheter du mobilier dans les bureaux Place Jean Froissart. « Les professionnels du service des marchés du SIAV vous ont averti M. Brouiilet. C’est un prestataire de service, avec TVA, et vous rachetez des meubles d’occasion de facto sans TVA. Néanmoins, vous avez présenté au receveur cette facture. Heureusement, le responsable fut vigilant et a refusé le paiement de celle-ci au bénéfice de Régional Lepoutre », indique le Procureur de la République. En clair, pour le ministère public, il y a un détournement de fonds publics caractérisé, ou tentative compte tenu que le règlement de cette facture ne sait jamais réalisé.

Maître De Abreu a marqué son étonnement sur «  le montant de la prestation. 8 800 € pour un accompagnement dans une liquidation judiciaire, où votre dossier est bouclé en 10 minutes. Je veux bien faire ce travail tous les lundis matin au TC de Valenciennes, et me reposer le reste de la semaine… ».

La confrontation entre les parties n’a pas eu lieu, car l’audience consacrée au dossier de Réginald Lepoutre est repoussée au 26 juin 2018. Le tribunal est saisi pour une prévention de faux et usage de faux à l’encontre de Reginald Lepoutre.

Prévention 7 : Tentative de soustraction, détournement ou destruction de biens d’un dépôt public par le dépositaire ou par un de ses subordonnées (du 14 juillet 2012 au 15 juillet 2013).

En espèce, il est reproché au Président du SIAV, Bernard Brouilet, et à Frédéric Dherbecourt, pour complicité, la dépense de 2 200 € en deux jours au meeting aérien de Prouvy. Cette dernière était destinée à la prise en charge de repas pour les pilotes participants au meeting.

Pour ce sujet, Hervé Delplanque souligne l’aspect d’une « gestion de la cité dans le choix de soutenir financièrement une manifestation ». Quelque part, ces institutionnels seraient dans leur rôle en participant aux grandes manifestations du territoire. « Ce n’est pas dans l’objet du SIAV un meeting aérien  », soutient le Procureur de la République.

Maître  De Abreu rappelle « la grande qualité de ce meeting aérien, la plus grande manifestation annuelle du territoire avec près de 40 000 spectateurs venant admirer la patrouille de France ».

Depuis son origine, les institutionnels répondent favorablement à une participation à cet événement majuscule organisé par la famille Deprez père et fils. Disons que pour le volet pratique, si vous voulez rencontrer un politique, un chef d’entreprise important… par un heureux hasard, vous avez trois événements dans l’année, les deux cérémonies de voeux des deux communautés d’agglomérations et le meeting aérien du 14 juillet, et sa kyrielle de sponsors.

Cette manifestation n’est pas la seule vorace en subventions publiques, le festival de cinéma de Valenciennes, notamment sa précédente organisation, les Mongolfiades, etc. Néanmoins, le commentaire du procureur de la république sur la pertinence de ce type de partenariat répond tout de même à une vérité en 2017. L’argent public est rare. Doit-il partir dans des manifestations hors cadre régalien d’intervention de l’institution publique ?

L’ancien président du SIAV a lourdement insisté « sur sa politique de communication vers le public. L’objectif était le raccordement du plus grand nombre au tout à l’égout ».

Bernard Brouillet est suspecté dans cette prévention de détournement d’argent public, et Frédéric Dherbecourt de complicité.

Prévention 8 : Tentative de soustraction, détournement ou destruction de biens d’un dépôt public par le dépositaire ou par un de ses subordonnées (du 29 mai 2013 au 30 août 2013).

Même profil de litige avec, cette fois, un soupçon de détournement évalué à 2 565 € pour une subvention accordée en faveur du Jubilé Savidan. «  Je rappelle que le budget du SIAV était de 30 à 35 millions d’euros », souligne MaîtreDe Abreu. Ensuite, il pointe du doigt la continuité de la pratique «  au SIAV où Véronique Dupire poursuit un partenariat avec le VAFC, douze places en VIP. Pour sa part, mon client avait acheté 30 places pour des enfants ».  On ne compte plus les achats de place de foot par des anciens Conseillers généraux, Valenciennes Métropole, des communes etc., une institution locale, pour des montants parfois vertigineux !

En tout état de cause, on peut supposer que ce même procès n’aurait pas eu lieu 15 ans en arrière ! Et en même temps, François Fillon serait président de la République si le curseur du citoyen français n’avait pas modifié notre donne sociétale en 2017 ! L’exigence de transparence est totale, la probité est devenue un passeport pour la crédibilité de la parole politique. Ce procès pousse-t-il trop loin, ou pas, le devoir de probité, la réponse est prévue le 13 mars prochain.

Le Procureur de la République a requis 18 mois de prison avec sursis pour Bernard Brouillet, et 5 ans d’interdiction d’une fonction en lien avec les activités du dossier, mais également 4 mois de prison avec sursis pour Frédéric Dherbecourt.

Maître De Abreu a demandé une relaxe totale sur les 8 préventions concernant Bernard Brouilet

Maitre Delplanque a demandé une relaxe totale sur les 3 préventions concernant Frédéric Dherbecourt.

Daniel Carlier

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