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Lucien Jonas, un artiste anzinois témoin de son temps

A l’occasion de la célébration du centenaire de la Coupole Lucien Jonas au sein du Musée des Beaux-Arts de Valenciennes, mais également de son décès le 20 septembre 1947, revenons sur la carrière artistique de Lucien Jonas, un peintre Anzinois imprégné au coeur par son territoire.

Lucien Jonas naît le 8 avril 1880 à Anzin, où son père Emile – originaire du Borinage belge – gère une distillerie d’essences de parfums. Dès son plus jeune âge, il s’avère si doué pour le dessin que sa mère encourage sa vocation naissante. En 1895, élève au Lycée de Valenciennes, il suit les « cours de midi » des Académies où il remporte ses premiers prix. Bachelier ès lettres en juin 1898, il suit alors à plein temps, six mois durant, les cours des Académies de Valenciennes sous la direction de Laynaud qui estime bientôt que son élève doit poursuivre ses études à Paris. L’année suivante, il entre donc à l’Ecole des Beaux-Arts, dans l’atelier de Léon Bonnat, et demeure 13 rue du Dragon. Il est admis « définitif » en 1900, reçu 3e sur 85.

En 1901, Léon Bonnat le nomme « massier » – trésorier et homme de confiance – de son atelier. Il lui fait en outre partager son admiration pour Delacroix, Ingres, Géricault et Goya, qui donneront plus tard à Lucien Jonas le goût des grandes compositions et des portraits. Dès 1902, Jonas travaille également dans l’atelier d’Albert Maignan, avec qui il noue une amitié sincère.

A la même époque, il rencontre Harpignies qui manifeste rapidement de l’affection pour celui qu’il considère comme son protégé. Il saura développer en lui son attrait pour la nature, et l’incitera à peindre « sur le motif ». A la mort de son père, le 2 octobre 1902, Lucien Jonas abandonne les Beaux-Arts pour retourner à Anzin, auprès de sa mère, aider à la gestion de la distillerie familiale qui sera ensuite reprise par son frère.

De retour à Paris en 1903, il s’installe au 3 de la rue Lecourbe, dans un atelier de plain-pied donnant sur une vaste cour et mis à sa disposition par un cousin architecte. Il en utilise la vaste terrasse pour peindre en plein air. En 1904, il profite de ses séjours à Anzin et des vastes entrepôts de la distillerie pour peindre de grandes compositions, inspirées par la vie qui l’entoure. Un drame de la mine (« Les Consolations ») lui vaudra la médaille d’argent au Salon de 1905.

Trois autres prix – les prix Chenavard, Trémont et Stillmann – viennent l’encourager un peu plus. Second Grand Prix de Rome le 21 juillet 1905, il se distingue d’autant plus qu’il n’y eut pas de premier Grand Prix, cette année là… Deux ans plus tard, exempt de premier essai au même concours, il est fait 2e logiste le 16 avril 1907. Il renonce cependant à donner suite : il vient en effet de se fiancer, et la Villa Médicis l’aurait contraint au célibat.

Il obtient la médaille d’or au Salon de 1907 mais se trouve hors concours avec sa composition « Les marguilliers ». Une bourse de voyage accordée par le Ministère des Beaux-Arts lui est attribuée, qui lui permet de voyager de musée en musée à travers l’Europe. Le 2 mai 1908, il épouse Suzanne Bedorez, qui deviendra véritablement sa source d’inspiration. Il s’installe à Paris, 238 boulevard Raspail, dans un atelier qui domine l’immeuble. Y naîtront Pierre, le 7 août 1909, et Solange, le 18 décembre 1910.

Les galeries alors en vogue – Bernheim, Petit, etc. – le révèlent au public parisien. Il devient un portraitiste recherché qui ne craint toutefois pas de présenter aux expositions de grandes compositions, huile ou fusain : « Le tyran » et « La parade » (1910), « La cavalcade des incas » (1913). Pour « La consultation », présentée au Salon de 1911, le Conseil Supérieur des Beaux-Arts lui décerne le Prix National.

Cette même année 1911, il séjourne à Menton, dans une villa voisine de celle d’Harpignies. L’année suivante, il rejoint son vieux maître dans sa propriété de l’Yvonne, à Saint-Privé. Puis, il poursuit ses recherches sur Velasquez, Rembrandt et Frans Hals à Berlin, Kassel e surtout Dresde ; il séjourne à Vienne et à Prague. En 1914, il expose du 24 avril au 30 mai, 248 œuvres à la galerie Allard, 20 rue des Capucines, à Paris. Un besoin d’espace toujours grandissant incite Jonas à acquérir une maison Porte Dauphine, dont le dernier étage sera consacré à ses ateliers. Son troisième enfant, Jacques, y naît le 4 juillet.

Mais la guerre arrive : Lucien Jonas est mobilisé en décembre 1914. Dès février 1915, il est agréé « peintre militaire attaché au musée de l’armée ». De mission en mission, il parcourt le front, de la Belgique aux Vosges, puis il lui sera plus spécialement demandé les portraits des chefs militaires, tels French (15 mars 1915), Pershing (14 août 1917, actuellement au Metropolitan Museum de New York), Foch, etc. Entre 700 à 800 panneaux à l’huile et près de 4 000 dessins seront ainsi reproduits en grand nombre dans l’illustration Les Annales, lectures pour tous, et dans les journaux alliés.

En 1919, fêtant son retour au calme et à la lumière de la vie civile, il se lance dans des scènes intimistes de plein air. Parallèlement, il reprend contact avec les mineurs et la métallurgie. Dès 1920, l’atelier de la rue Cothenet devient un lieu de rencontres : peintres, sculpteurs, acteurs, amis de toujours et grands chefs des armées (Weygrand, Fayolle, Lyautey…) s’y côtoient. Stravinsky y dirige l’interprétation de ses œuvres par le « Fonzaley Quartet » ; Lucien Jonas en fera une grande composition.

De 1921 à 1925, il crée avec enthousiasme. De grandes décorations lui sont demandées : pour la Maison des Centraux à Paris ; pour le Musée, le Théâtre et la Chambre de Commerce de Valenciennes. En 1922, afin de célébrer le tricentenaire de la naissance de Molière, le Théâtre français désire les portraits au fusain de tous les interprètes des Comédies, sociétaires ou pensionnaires.

De sa rencontre, en 1925, avec l’abbé Lemire, député et maire d’Hazebrouck, Jonas puisera une inspiration qu’il mettra ensuite en scène dans ses chemins de croix. En 1926, la santé de son épouse se dégrade. Le 28 décembre 1928, Suzanne décède. Lucien Jonas rompt alors définitivement avec la peinture intimiste. Il est promu Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur en 1929. L’année suivante, il se remarie avec Jeanne Tard.

Toujours fidèle au Salon des Artistes Français, il expose notamment des portraits : André Francois-Poncet (1930), Maurice Donnay (1931), le docteur Roux (Directeur de l’Institut Pasteur – 1932). Il réalise également des panneaux décoratifs pour les salles du Casino de Pougues-les -Eaux. C’est aussi à cette époque qu’il illustre plusieurs livres : Le Tartuffe de Molière (1929), L’Arlésienne de Daudet (1931), César Birotteau de Balzac (1933)…

A partir de 1932, il voyage à nouveau en Italie et séjourne en Savoie et à Nice. En 1933, il établit son premier contact avec la Banque de France : suivra la création d’une série de billets mis en circulation à partir de 1939. En 1935, il obtient la « médaille d’honneur de gravure » au Salon des Artistes Français et réalise vingt-deux toiles marouflées pour l’Hôtel de Ville d’Anzin. Il crée également les décorations du pavillon des charbonnages belges, pour l’Exposition Universelle de Bruxelles et décore trois autres pavillons dans le cadre de l’Exposition Universelle de Paris, en 1937. Durant l’hiver 1939, peintre des armées, il va de la ligne Maginot aux Ardennes, peignant et dessinant. En 1942, il réalise pour la Manufacture des Gobelins un important carton de tapisserie intitulé « Le travail pour la France » (exposé au Musée de l’Orangerie en 1943). Dans l’Eglise Espagnole de Paris, en 1943, il exécute et offre gracieusement dix-sept grandes compositions retraçant la vie de la Vierge. Elles sont inaugurées le 15 août 1944 par le révérend père Sertillanges, membres de l’Institut.

A l’automne 1944, il réalise les portraits des généraux Koenig et Larminat (Musée de l’ordre de la Libération) ainsi que celui du général de Lattre de Tassigny. Au salon des Artistes Français de 1945, il obtient la « médaille d’honneur de peinture » pour une fresque de quatorze mètres de longueur comportant cent vingt personnages : « Furor Teutonicus »

Mais en 1946, JONAS est très malade et épuisé. Victime d’une inflammation des yeux, il redoute la lumière. En août 1947, à la Flèche, après une crise particulièrement douloureuse, il peint ses dernières scènes de plein air dans le jardin de ses beaux-parents. Il retourne à Paris, où il décède le 20 septembre. Il est enterré à la Flèche (proche Le Mans), dans une tombe située, ainsi qu’il le désirait, auprès de celles des soldats du souvenir Français.

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