Sauvetage majuscule d’un patrimoine minier à Somain
Comme une sortie des frimas de l’hiver sur cette commune du Douaisis, un soleil radieux réchauffait l’assistance hétéroclite pour ce moment symbolique et au delà. En effet, le nouvel « Escape Sainte Barbe » a été inauguré ce samedi 15 mars 2025 en présence de nombreux élus, parlementaires, et habitants au coeur du quartier emblématique De Sessevalle sur la commune de Somain.

« Espace Saint-Barbe », premier de cordée !
Depuis l’inscription, le 30 juin 2012, du bassin minier sur la liste du patrimoine de l’UNESCO, le bâtimentaire associé est devenu constitutif d’un enjeu majeur sur tous les territoires concernés dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Parmi les 353 éléments inscrits sur cette feuille de route, 11 ont été répertoriés par l’association « Mission Bassin Minier » comme en péril imminent. Parmi ceux-ci, l’ancienne chapelle Sainte-Barbe, érigée en 1911 sous la tutelle du Diocèse de Cambrai*, a été transformée en « Espace Sainte Barbe » à vocation sociale au sein d’un QPV (Quartier Prioritaire Politique de la Ville) sur la commune de Somain.
Après une première pierre le 26 novembre 2022 et 18 mois de travaux, une nouvelle destination a permis une réhabilitation de cette ancienne chapelle « Sainte-Barbe », en résonance à la fosse De Sessevalle et un hommage mérité aux mineurs de fond. Aujourd’hui, le site est divisé en plusieurs espaces, une salle d’exposition, voire de réunions, une pour le coworking, et surtout un atelier chantier d’insertion « La Mère d’Oie », porté par la collectivité locale de Somain et piloté par le CCAS.
« Nous assurons le repassage, la couture et la broderie », Marie Cécile Lecoeuvre
« La Mère d’Oie » est un atelier chantier d’insertion pour les femmes éloignées de l’emploi. Il était basé plutôt dans le centre ville, mais la commune n’a pas raté l’occasion de le repositionner dans le quartier QPV, au coeur du moteur de l’action sociale. Installée dans ses nouveaux locaux depuis septembre 2024, cette structure accueille à ce stade « 14 femmes éloignées de l’emploi. Il n’y pas de profil type, parfois très jeune en sortie de décrochage scolaire ou à l’orée de la retraite. L’objectif est d’aller vers un emploi durable ou une solution pérenne pour la personne en insertion », commente Nathalie Dewolf, la responsable de la structure sur l’espace « Sainte-Barbe ».
Concrètement, le travail accompli sur cet atelier d’insertion se décline sur plusieurs axes. « Nous assurons le repassage, la couture et la broderie, voire également de la fabrication. Par contre, nous travaillons uniquement avec des particuliers », précise Marie Cécile Lecoeuvre, la conseillère en insertion du CCAS. Ce service de proximité de bon aloi est extrêmement utile pour la population, car les prix demandés sont aussi attractifs, mais surtout l’activité proprement dite est en chute libre partout en France, le travail des petites mains se perd. D’ailleurs, comme un symbole de cette lente perte d’intérêt, en octobre 2024 l’atelier historique (34 ans) « A quatre épingles » sur la ville de Valenciennes a cessé son activité au sein de l’association « La Pose », toujours active sur le le CHRS ( Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale).
« Nous avons sauvé ce joyau », Cathy Apourceau-Poly
Comme gestionnaire de l’inscription sur la liste des bâtiments Patrimoine mondial UNESCO, la Mission Bassin Minier joue un rôle central dans ce sauvetage au long cours. Toutefois, il ne faut pas se voiler la face, le bâtimentaire listé est parfois encombrant pour la commune. Cette dernière ne sait pas comment financer un nouveau projet, gérer une nouvelle destination en respectant les

contraintes architecturales strictes, c’est cornélien parfois. Cette liste comprend donc des sites où il n’y avait aucune lisibilité sur un avenir proche, ni sur l’intérêt des collectivités publiques sur le dossier, le vide sidéral ou l’attentisme coupable. Parfois, des éclaircies comme sur Fresnes-sur-Escaut où la réhabilitation/extension figurait dans le programme de la maire sortante. Promesse tenue, car le chantier sera bouclé fin 2025 sur le Pays de Condé https://www.va-infos.fr/2024/10/26/la-gare-de-fresnes-sur-escaut-le-prochain-tiers-lieu-entre-memoire-modernite/ « La gare de Fresnes-sur-Escaut ne figurait sur la liste des sites en péril, car justement il y avait un projet identifié », précise Virginie Lapierre, en charge de la communication de la Mission Bassin Minier.
Pour la présidente de l’association « Mission Bassin Minier », Cathy Apourceau-Poly, le moment est chargé de sens : « L’espace Sainte-Barbe ouvre le bal, car nous avons réussi à mobiliser tous les partenaires, Etat, Région, Département, Fondation du Patrimoine. Ensemble, nous avons sauvé ce joyau. Evidemment, nous savons parfaitement que ces bâtiments (en péril) sont évolutifs. Cette ouverture constitue donc une excellente nouvelle, et nous en attendons d’autres comme sur Loos-en- Gohelle. »
« Ce site entame une nouvelle vie », Julien Quennesson
Pour le maire de la commune, le moment est important et d’ailleurs partagé par une assistance pléthorique d’élus, départementaux, régionaux, et 4 sénateurs, Alexandre Basquin, sénateur du Nord, Patrick Kanner, sénateur du Nord, Joshua Hochart, sénateur du Nord, et bien sûr, la sénatrice du Pas-de-Calais et présidente de la MBM, sans oublier le Sous-Préfet du Douaisis.
« Aujourd’hui, cet espace est dédié à l’insertion sociale et professionnelle. Ce site entame une nouvelle vie comme un symbole de la protection sociale dans le bassin minier. Je remercie tous les partenaires pour leur soutien financier sur ce projet au sein d’un quartier QPV », déclare l’édile de la commune.
Concrètement, le financement se ventile comme suit : Une première phase géré par l’EPF (Établissement Public Foncier) Hauts de France pour le sauvetage du bâti et son désamiantage, voire démolition des parties trop dégradées pour 285 780 euros et un reste à charge de la ville de 73 985 euros. Dans un second temps, l’aménagement complet, un gros oeuvre réussi de l’espace « Sainte-Barbe » pour 956 589 euros en provenance de l’Etat, la Région Hauts de France, le Département du Nord, et la Fondation du patrimoine avec un reste à charge de 212 393 euros pour cette commune de plus de 10 000 habitants dans le Bassin minier.
Pas seulement le Loto du Patrimoine…
Le représentant de la Fondation du Patrimoine tenait à rappeler à l’auditoire que la « Fondation du patrimoine » ne s’activait seulement une fois dans l’année pour le fameux « Loto du Patrimoine », très bien porté par l’inénarrable Stephane Bern.
En effet, le représentant de ladite Fondation souligne que cet organisme collecte tout au long de l’année, en l’occurrence 15 000 euros pour ce site, mais soutient aussi chaque année 7 projets en France. « Cela est possible grâce aux dons que nous recevons toute l’année. Ce soutien intervient dans le cadre d’une réhabilitation à caractère social, naturel, voire économique (comme la Briqueterie Chimot sur Marly aurait pu bénéficier) grâce aux dons que nous recevons toute l’année. Concrètement, nous avons donné 150 000 € sur ce projet éminemment social (donc 165 000 euros au total) », explique le représentant de la Fondation du Patrimoine.
« La Chapelle Sainte-Barbe, c’est notre histoire », Frédéric Delannoy
Pour le président de la toute nouvelle communauté d’agglomération du Coeur de l’Ostrevant, Frédéric Delannoy, le moment est particulier : « Mes grands parents vivaient dans ce quartier, je connais cette chapelle, je l’ai connu tout petit. La Chapelle Sainte-Barbe, c’est notre histoire ! »
Le président de l’EPCI en profite pour rappeler le second temps fort pour le bassin minier. En effet, après la reconnaissance en juin 2012 à l’UNESCO, en mars 2017 a été signé pour dix ans l’ERBM (Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier). « Nous avons rénovés (extérieur/intérieur) 1 300 logements », commente-t-il.
« La territorialisation juste », Caroline Lubrez
Pour sa part, Caroline Lubrez, la Conseillère régionale Hauts de France met en exergue le soutien de l’instance régionale sur les projets territoriaux, et notamment dans le périmètre UNESCO du Bassin minier. « Cette réhabilitation est bel exemple de la territorialisation juste. A ce titre, la PRADET (ancien outil régional pour l’aménagement des territoires) a versé 327 millions d’euros. Ensuite, je rappelle l’impact de l’ERBM, un dispositif unique en France. »
« Tout le monde a le droit au beau », Sous-Préfet du Douaisis
Enfin, l’Etat conclut comme de coutume cette cérémonie protocolaire. En propos liminaire, le représentant de l’Etat de proximité répond aux missiles verbaux et à l’indignation de tous les élus face aux prochaines fermetures de classes annoncées sur la commune (2 classes) : « Vous avez raison d’évoquer ce sujet, mais s’il y a bien des fermetures liées à la baisse de la démographie, nous avons aussi des ouvertures. Toutefois, dans les quartiers QPV, nous devons faire plus. »
Ensuite, il se félicite de cette rénovation lourde avec ses « briques et ses ouvertures en plein cintre. Tout le monde a le droit au beau. Cette rénovation doit rendre fier ses habitants, car ce patrimoine est une richesse », explique le Sous-Préfet du Douaisis.
Enfin, comme d’autres locuteurs, il rappelle que l’ERBM « a déjà réhabilité à neuf 23 000 logements miniers. Bien sûr, nous traitons également les dysfonctionnements. ». En tout état de cause, il reste 3 années pleines pour boucler ce dispositif d’Etat, le plus complet de l’histoire concernant le logement et les espaces publics du bassin minier, plus que l’ANRU ou sa version revisitée le NPNRU.
Nul doute que cette première de cordée pour « L’Espace Sainte-Barbe » devrait déclencher d’autres sauvetages de sites en péril imminent, car ce bassin minier le mérite tant.
Daniel Carlier
* donc après la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905