Célébrer le corps, une exposition d’Elodie Derache au Centre d’Art Ronzier
Le mardi 14 janvier, le centre d’art de l’Université Polytechnique Haut-de-France, a redémarré sa saison avec le vernissage de l’exposition « En premier, ne pas nuire » de la plasticienne et céramiste Elodie Derache, des ateliers Fructôse à Dunkerque. Certaines oeuvres ont été spécifiquement crées pour le centre d’art et on été dévoilées en avant première.
Élodie Derache crée des sculptures et installations qu’elle modèle comme des corps ou des entités vivantes dont elle prend soin, relie et protège. Elle travaille avec des matériaux filaires et céramiques principalement. D’ailleurs, elle a commencé sa carrière artistique par des petites pièces mêlant céramique et crochet ou tricot.
L’anatomie et l’univers médical sont aujourd’hui ses sources d’inspiration, de réflexion et de questionnements. Le fonctionnement de nos corps et ce qui se trame en nous habitent pleinement sa pratique. Elle est attirée par ce que la société juge et rejette : le monstrueux, dégoûtant, difforme, … ce qui fait peur.
Ses processus de construction, de transformation et de modifications sont plus importants que le résultat final. Relier ce qui est disjoint constitue la trame de ses explorations. Pour se relier à soi, et aux autres.
Ce titre énigmatique, « En premier, ne pas nuire » est le premier principe de prudence appris aux étudiants en médecine. Pourtant l’origine de cette locution est incertaine. Elle ne se trouve pas dans le serment d’Hippocrate de façon explicite mais le passage qui pourrait s’en rapprocher est: « Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m’abstiendrais de tout mal et de toute injustice. »
Il est question dans cette exposition, de corps, de fragments de corps… en tout cas, de formes qui font appel à la chair. Le vernissage a été l’occasion pour Elodie de nous présenter une rencontre, un trait d’union entre son travail d’avant et celui qu’elle élabore aujourd’hui.
Une performance de Cheese.nan.Goldwyn a en effet ponctuée la soirée. C’est le fruit d’une rencontre entre deux êtres sensibles. Quand Elodie l’a rencontré, elle lui a confié son rêve d’habiller une drag-queen. Mais plus qu’une parure, c’est la création d’un être, la métaphore du travail d’Elodie. De l’intérieur du corps, à l’extérieur. Le projet était lancé. C’est donc là qu’à commencé l’élaboration d’une scénographie.
Cette performance était un écho à la re-naissance d’Elodie qui a opéré un virage dans sa pratique. Un être étrange qui sort d’un cocon, un aspect effrayant mais une attitude douce à l’encontre des spectateurs, ébahis par cet être de chair, à la fois attirant et repoussant. Une robe d’entrailles textile, une parure qui ne peut que nous rappeler La robe de Chair de Janna Sterbak. Un appel à célébrer le vivant, tout le vivant, à regarder au delà des normes. A voir la beauté ailleurs que dans ce qu’on nous dis l’être.
Elodie veut révéler l’intérieur du corps et le magnifier. Son travail a énormément évolué en quelques années. Si elle s’intéresse toujours au corps, c’est moins dans une dimension ornementale et décorative. Son vocabulaire de formes est organique et si il y a quelques années, elle s’attachait à des gestes autour du fil, aujourd’hui elle est plus dans l’expérimentation, elle sort du cadre. Béton, laine de mouton brute, latex, sang, toile de jute… des matériaux plus impurs, des finitions moins ouvragées.
Mais pourquoi célébrer l’intérieur du corps ?
Son point de départ est le constat général d’une société et de la perception du corps morcelé que se soit du point de vue social, médical ou politique. Elle rejoue sans cesse avec les idées de fractures et séparation. Comment refait-on du lien entre ses éléments ?Comment soigne-t-on ces éléments morcelés ? Comment soigne-t-on tout court aujourd’hui ? Le fil, élément originel constitue la matrice de ses créations organiques aux allures viscérales, il représente les réseaux et les connexions qui peuplent notre corps.
Ce corps éventré est avant tout chez Elodie une volonté de rapprocher le corps et l’esprit, de ne plus avoir peur de la perception corporelle. Un exposition venant des entrailles pour une ode à la vie ?
L’exposition est visible au centre d’Art de l’UPHF, Boulevard Henri Harpignies à Valenciennes, du mercredi au samedi de 11h à 17h-entrée gratuite jusqu’au 15 février 2025. Contact: service.culturel@uphf.fr
Jane Huvelle