L’absence de majorité absolue est-elle un handicap insurmontable à l’Assemblée nationale ?
Chaque coucher de soleil qui passe est une énigme pour le jour suivant, car la constitution d’un Gouvernement durant ce mois d’août 2024 est compliquée voire surréaliste, certes un classique pour de nombreux pays européens, mais la France n’est pas (encore) formatée pour ce schéma parlementaire pourtant réclamé à cor et à cri par le paysage politique tricolore. En clair, on veut plus de parlementarisme, mais toujours avec une majorité absolue au cas où… C’est quasi infantilisant pour les Françaises et les Français, et votants, durant ces deux tours de cette législative 2024, car eux veulent que des élus politiques s’accordent sur une politique commune, acceptable, soutenable, juste, et effective pour le plus grand nombre. A ce stade, pas de majorité parlementaire suffisante en vue… !
(Visuel Fondation du doute/dessinateur BEN/ à Blois)
Trois blocs politiques irréconciliables
Il est urgent d’attendre pour le Rassemblement National
Tout d’abord, le bloc de l’extrême droite a écrasé les Européennes et le 1er tour de la législative 2024 même si la déception était aussi dans la corbeille du vainqueur. En effet, le Rassemblement National, comme son allié Eric Ciotti, ont du mal à se remettre de ce suicide collectif à 15 jours de l’échéance cruciale. Binationaux, pas d’impôts moins de 30 ans et retraite, sans parler de la pléthorique liste de candidats pris en flagrance de racisme décomplexé, le RN s’est torpillé tout seul et a favorisé un front républicain efficace.
Toutefois, le grand gagnant du 1er tour des législatives empoche le pactole du financement public des partis politiques, 1,61 euros par voix chaque année (et près de 11 millions d’électeurs) et 37 000 euros annuel par député. Au global, le montant par an pour le RN s’approche des 20 millions d’euros, une coquette somme indispensable afin de préparer une campagne présidentielle hors norme. C’est pourquoi, le Rassemblement National n’a aucun intérêt à pousser au chaos institutionnel, ne pas voter une motion de censure, et laisser les choses en l’état jusqu’en 2027, ou au pire durant 12 mois. Les premières déclarations du RN sur une absence de validation d’une motion de censure…« sous conditions » vont dans ce sens.
La gauche en quête d’une nouvelle boussole politique
Après un résultat limpide à l’issue du second tour de cette législative improbable, trois blocs politiques sont minoritaires. Deux solutions, soit vous avez une lecture parlementaire, en mode 4ème République, avec les prémices d’une longue tractation entre les différentes forces politiques françaises. Rien n’est offusquant en la matière sauf à penser que 23 pays de l’U.E sont atteints d’une débilité profonde en terme de démocratie. Que nenni, la maturité n’est visiblement pas la première qualité de l’arc politique français, toute formation confondue.
Ensuite, autre logique sous la 5ème République, une lecture simple est indiscutablement argumentée, mais ne tenant par compte de l’arithmétique au sein de l’Assemblée nationale. Dans cette optique, le Nouveau Front Populaire avait une fenêtre de tir unique. Résultat le dimanche 07 juillet 2024, proposition d’une ou d’un premier ministre lundi dans la matinée, discussion d’un gouvernement dans la journée, le NFP aurait plié le « Game » en 24 heures. Malheureusement, les atermoiements, les palabres incessants, les jeux de pouvoir ont conduit le NFP a tergiversé durant plus de 10 jours, insupportable. Des millions d’électrices et d’électeurs de gauche ont été plongés dans un coma démocratique insoutenable. Bref, le résultat est que cette occasion manquée donne une opportunité au Président de la République de continuer son jeu du morcellement du paysage politique.
Au sein du NFP, le Parti socialiste est en fusion totale et proche de l’implosion interne, Carole Delga, Présidente de la région Occitanie, pourrait être la bouée de sauvetage d’un Gouvernement d’ouverture le plus large possible. Pour les autres partis du NFP, sauver la face avec une crise politique, quitte au chaos institutionnel, voire au Shutdown à l’américaine, apparaît être la seule solution politique. Trop loin de l’intérêt général des Français, trop proche de l’assiette au beurre comme disent les anciens !
Le bloc central minoritaire minoritaire minoritaire
La comptabilité demeure implacable et têtue. En effet, 99 députés pour Ensemble pour la république, 31 pour Horizons (avec apparentés), 36 pour le Modem (avec apparenté), voire dans le meilleur des cas 18 sur 21 chez LIOT ne font que 184 députés. Soyons généreux, 5 non inscrits pourraient rallier ce Bloc central en compagnie des 47 députés de la Droite républicaine( https://www.va-infos.fr/2024/07/19/les-groupes-parlementaires-officiels-a-lassemblee-nationale/)
Tout cela ne fait que 231 voix pour 289 voix indispensables pour une majorité absolue. Evidemment, Emmanuel Macron compte sur une partie des députés socialistes, plutôt en délicatesse avec Jean-Luc Mélenchon, sans compter un François Hollande jouant les troublions avec un arrière goût de revanche après son humiliant retrait de la Présidentielle 2017.
Pour autant, comment trouver une majorité absolue, car l’équation est insoluble, mais il faudra d’une manière ou d’une autre nommer une ou un Premier ministre, voire un gouvernement technique avec un budget à l’identique de celui de 2024 pour 2025. Un Gouvernement pourra-t-il exercer avec une majorité relative encore plus maigre que durant la précédente législature, toute la question repose sur cette aptitude à concevoir des compromis parlementaires ou pas !
In fine, la seule certitude est l’échec Absolu de cette dissolution, fruit d’une confiance en soi inconsidérée d’un Président de la République, certes élu deux fois, mais ne mesurant pas l’attente du peuple au sens le plus noble et le plus large du terme, loin loin de ces clivages politiques irréconciliables.
Daniel Carlier