L’oeil dans le rétro avec Henri Harpignies, un coloriste de génie !
Voici un coup de projecteur sur un artiste local disparu au XIXème siècle, car tout le monde connaît le nom du boulevard “Harpignies”, incontournable, et pourtant peu de personnes savent qui était cette célébrité ! Valenciennois, Henri Harpignies naquit le 24 juillet 1819, au numéro 3 de ce qui est aujourd’hui la rue des Capucins à Valenciennes. A cet effet, une exposition majuscule sur la peinture au XIXème siècle est à découvrir au Musée d’Orsay à Paris (dans cette édition).
Passionné par le dessin
Son enfance, Henri Harpignies la passe entre Valenciennes et Famars, où son père possède une fabrique de sucre. Les camarades de jeu d’Harpiignies se nomment Abel de Pujol, Gustave Crauck… Dès son plus jeune âge, Henri se passionne pour le dessin. Crayons en main que lui offrent les commis de son père, il reproduit les œuvres qui passent à sa portée.
C’est ainsi qu’il décalquera une lithographie représentant un grand chien. L’un de ses premiers souvenirs d’artiste, demeuré vivace au point de figurer dans ses mémoires bien des années plus tard. À 11 ans, il entre au collège de Valenciennes, où son père souhaite lui voir suivre des études classiques. Mais Henri n’a que peu de disposition pour ces disciplines, préférant de loin le dessin et la géographie, où son goût pour la reproduction et le coloriage de cartes lui permet d’exceller. M. Harpignies père lui concède toutefois des études de dessin et de musique, autre discipline dans laquelle le jeune Henri excellera rapidement, au point de devenir un soliste exemplaire, sur bon nombre d’instruments. Le premier maître de dessin d’Henri sera Henri Baisier, premier prix de peinture aux Académies en 1818.
Sorti de ces matières artistiques, il demeure un élève médiocre, comme il le reconnaîtra lui-même dans ses mémoires. « Vers 1830, j’entrais au collège où je ne fis pas grand chose de bon. » Dès ses études terminées, Henri est confié à un ami de la famille Harpignies, le docteur Lachèze et entreprend un voyage de neuf mois en France. Un périple qui le marquera du goût des beaux paysages. « Ce voyage dura neuf mois. Il m’en resta une grande impression. Le souvenir des Pyrénées surpassait tout. Bref, cette excursion m’imprima le goût des Arts et de la peinture », écrit-il au début de son journal. Henri Harpignies a 17 ans quand son père l’invite à marcher sur ses traces et à devenir un industriel. Il le fait entrer dans son entreprise, lui confie la rédaction de courrier, la gestion des commandes, etc. Henri s’acquitte de cette tâche pour laquelle il n’éprouve pas grand intérêt, mais qui lui laisse suffisamment de temps pour s’adonner au dessin. Il faudra cependant attendre dix ans pour que M. Harpignies réalise que la vocation de son fils est ailleurs. Pour la seconde fois, Henri est confié aux bons soins du docteur Lachèze, qui cette fois introduit son protégé auprès du professeur Achard, peintre dont l’atelier est situé rue du Marais-Saint-Germain à Paris.
Passage par la Villa Médicis
Achard accepte de devenir le maître d’Henri Harpignies et de l’initier à sa méthode. Une méthode basée sur la persévérance, comme en témoigne cette anecdote qui marqua à tout jamais la carrière d’artiste d’Harpignies. Henri travaillait à deux toiles représentant un motif à deux moments de la journée, le matin et le soir. Il avait passé trois mois sur ces toiles, dont l’une lui causait quelque souci. Sur l’étude du matin, un arbre à l’improbable perspective refusait de se laisser capturer. Lassé, Henri décida de faire disparaître l’arbre gênant en peignant le ciel par-dessus et alla présenter la toile à son maître. Constatant la supercherie, le professeur fut sans pitié pour son élève : « Vous dîtes que vous voulez devenir un artiste et vous reculez devant une difficulté (…) Allez faire votre arbre ou retournez chez votre père. » Inutile de préciser que le jeune disciple ne se le fit pas dire deux fois…
La révolution de 1848 renvoie Harpignies dans sa famille, à Valenciennes. Puis, Henri gagne Bruxelles, où se trouve alors le professeur Achard, avant de rejoindre le docteur Lachèze en Allemagne, à Baden Baden. En 1851, Henri Harpignies part pour l’Italie, où il séjourne à Rome, puis à Naples. À Rome, l’artiste se lance dans des études d’ethnographie et d’archéologie. Par le biais d’une recommandation auprès du directeur de l’Académie de France M. Allard, Harpignies intègre la Villa Médicis où les pensionnaires les plus prestigieux lui font bon accueil.De son côté, Henri est séduit par les paysages italiens, au point de dénoncer ce qu’il appelle « de mares à cochons et de canotiers réalistes intransigeants, peintres des bords de la Marne et de l’Oise et autres sujets rebattus« .
La nature, inépuisable inspiration
Pour lui, les poncifs du réalisme de l’époque ne tiennent pas la distance face aux sublimes paysages de la vallée d’Égérie… Rappelé par son père, Henri achève la mort dans l’âme son premier séjour italien. Il n’y reviendra que douze ans plus tard ! De retour à Paris, à l’automne 1852, après un bref passage à Famars, Harpignies emménage au faubourg Saint-Germain, un quartier qu’il ne quittera plus avant trente ans. C’est dans ce contexte parisien qu’il réalise le « Chemin creux » qui lui ouvrira les portes du Salon des artistes français en 1853. Harpignies est réputé pour être un excellent aquarelliste. Une technique qui sert merveilleusement ses représentations de son thème préféré : la nature. Une nature à laquelle il voue une véritable passion, ainsi que l’illustrent ses « conseils aux jeunes paysagistes » « Examinez la nature sous tous ses effets et aimez-la comme une jolie maîtresse et surtout ne lui faites jamais d’infidélité (…) La nature est une maîtresse adorable à qui il faut toujours faire la cour. Si vous lui faites des infidélités, elle ne vous le pardonne jamais .»
Sa fidélité, son attachement à la nature, Harpignies l’exprimera lui-même de la plus belle des manières : « Vous est-il jamais arrivé de pleurer devant un beau spectacle de la nature. Moi, ça m’est arrivé un jour, en 1864, à la Piccola Marina à Sorrent. » Désireux de retrouver les paysages de campagne qui l’inspirent tant, Harpignies fait l’acquisition d’une résidence de campagne à Saint-Privé, dans l’Yonne. Jusqu’à sa mort, en 1916, l’artiste se partagera donc entre le château de « La Trémellerie » et son atelier parisien, lequel lui permettra de rester en contact avec les salons parisiens où on le rencontrera très régulièrement. Car Harpignies est un peintre d’une rare productivité, comme le prouve la vaste collection d’aquarelles, lavis et autres dessins laissée par l’artiste et que l’on retrouve dans les musées et au fil de certaines collections privées. Aujourd’hui, bon nombre des oeuvres d’Henri Harpignies figurent dans différents musées étrangers d’Angleterre, de Belgique, de Russie, des Etats-Unis… et de France, au Louvre bien sûr, à Douai, à Lille et fort heureusement au Musée des Beaux-Arts de Valenciennes, peut-être à sa réouverture en septembre 2026…
Du même siècle, le Musée d’Orsay à Paris propose une exposition unique, encore visible jusqu’au 14 juillet 2024, sur la période de l’impressionnisme avec des oeuvres des plus grands en la matière. Technique dénigrée à l’époque, elle est pourtant le témoin d’un siècle flamboyant au niveau artistique https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/expositions/paris-1874-inventer-limpressionnisme.
Daniel Carlier