A Feignies, l’agglo du Maubeugeois soutient un collectif d’agriculteurs/méthaniseurs
C’est une première dans les Hauts-de-France et peut-être au delà, car un projet de construction majuscule d’une unité de méthanisation est sorti de terre, après un parcours du combattant, grâce au soutien institutionnel. Le gaz vert prend de fait un nouveau tournant dans une région extrêmement impliquée dans le développement d’une filière énergétique « verte ». L’inauguration officielle, le 14 juin dernier, de la SAME (Sambre Agriculture Méthanisation Environnement) a gravé dans le marbre ce moment important vers une approche publique/privée du développement de la méthanisation en France (Vue de drone/DR GRDF).
Luc Dessars, Pdt de la SAME : « Nous nous sommes trouvés »
Du côté de Feignies, une société privée avec comme projet la création d’unités de méthanisation, regroupant 17 agriculteurs, prend corps avec une collectivité territoriale au capital. C’est une première en France. Nous ne parlons pas d’hier, mais d’avant hier, car ce dossier a émergé en 2012 pour la première fois. « Un brin de folie, une part d’inconscience », avoue Luc Dessars, le président de la SAME, agriculteur de son état, car l’idée était un peu folle à l’époque.
Pour autant, l’émergence de l’utilisation des déchets organiques afin de produire une énergie n’est pas nouvelle. D’ailleurs, elle a même traversé les siècles avant qu’une fabrication très artisanale ne franchisse une étape décisive ; celle où la production d’une énergie décarbonée, le biogaz, arrive à s’imposer comme une solution au mix énergétique français. Toutefois, les premiers de cordée d’un projet de méthanisation ont pâti d’une sidération administrative, d’une frilosité bancaire d’où l’excellente intuition de la CAMVS (Communauté d’Agglomération Maubeuge Val de Sambre) dès 2012. De manière concomitante, des acteurs régionaux s’unissent pour soutenir cette filière pleine d’avenir, le CORBI est né en 2014. Ce collectif organise tous les deux ans une manifestation où la méthanisation est mise en lumière, mais aussi les avancées, les aspérités, les innovations sans oublier la participation des jeunes des lycées agricoles des Hauts de France.
Le montage financier et administratif s’est concrétisé, en janvier 2019, avec un coût à la clé de 12 millions d’euros. L’Europe participe à hauteur de 2 millions d’euros, l’ADEME (Etat) pour 1 million d’euros, puis par prêtes bancaires (4 banques), apports personnels des 17 actionnaires agriculteurs et la CAMVS actionnaire. Bien évidemment, la signature de la CAMVS (composée de 43 communes) a favorisé la lecture du Business Plan par les organismes financiers. De même, l’entreprise GRDF pour l’injection dans le réseau gaz et la Chambre d’Agriculture accompagnent la SAME. Enfin, le volet économique est rempli à travers l’achat de ce gaz vert par ENGIE.
« Nous nous sommes trouvés. Nous répondons totalement à un projet REV3 (coopération région et CCI). Je remercie la CAMVS pour sa confiance accordée sans oublier le vote à l’unanimité de la commune de Feignies », commente Luc Dessars.
Les partenaires
Clairement, l’émotion était palpable dans le discours du visage de la SAME, car cette réussite vient de loin. « Vous avez osé, vous êtes passé à l’acte. Aujourd’hui, nous devons accélérer la décarbonation ; le gaz vert fait partie du mix énergétique français », déclare Didier Cousin, Directeur Territorial Hauts de France chez GRDF.
Ensuite, Didier Cousin rappelle que cette installation est, certes la 94ème dans la région des Hauts, mais la seule avec une agglo comme actionnaire.
Pour sa part, Bernard Baudoux, président de la CAMVS, se félicite de « cet accompagnement. Ce projet de gaz vert, c’est l’écologie de l’espérance ». Le Vice-Président REV3, Frédéric Motte, soutient cette dynamique, initiée par Philippe Vasseur et Daniel Percheron, dans une « région leader en biométhane injecté ».
Le site in vivo
Après un cycle de chauffe assez long, car le béton doit monter en température afin qu’il ne cède pas, ce méthaniseur agricole produit actuellement 320Nm3/h de gaz vert, soit la consommation de 4 900 logements récents ou 130 bus circulants au gaz vert. En un chiffre, celui en phase avec les objectifs de la France en 2050, la réduction des émissions de gaz à effet de serre équivaut à 5 600 tonnes équivalent CO2.
Bien sûr, les agriculteurs ne se font pas concurrence entre eux. « On gère nos propres productions », précise un agriculteur. Le plus impressionnant durant la visite est la technicité du process, les mesures multiples afin de sécuriser la production d’une énergie verte, c’est une industrie de pointe indéniablement. A l’heure où nous avons vu nos agriculteurs exprimé leur souffrance en début d’année 2024, il ne faut laisser de côté aucune piste pour une meilleure rémunération de ces professionnels et de la même manière la production d’une énergie verte stockable, non délocalisable, tout à fait complémentaire à l’électricité, et autres énergies alternatives.
Il est à espérer que ce dossier fasse des émules, car la conduite d’un projet de méthanisation demeure complexe en terme de financement, acceptabilité, et faisabilité. Dans ce cadre, la signature d’un EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) constitue un atout pour toutes les initiatives en la matière.
Daniel Carlier