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Jordan Bardella (RN) fait 31,37% et pousse Emmanuel Macron à la dissolution de l’Assemblée nationale

C’est un épisode de la vie politique unique sous la 5ème république où le Président de la République, suite à un scrutin européen, renverse la table. Il fait le choix d’une nouvelle élection législative à haut risque pour la majorité présidentielle, les partis de la Droite républicaine et pour toutes les formations de la Gauche écologique. De fait, avec 31,36%, le Rassemblement National, emmenée par Jordan Bardella, dynamite le paysage politique avec une conséquence directe, un premier tour le 30 juin et un second tour le 07 juillet 2024 pour cette nouvelle élection législative. C’est un voyage en terre politique inconnue sous la 5ème République, une sortie de crise politique sans précédent.

Les états-majors de toutes les formations politiques vont somatiser longtemps le résultat final de ce scrutin des européennes 2024. Beaucoup plus que le score, c’est la campagne Selfie/TikTok de Jordan Bardella qui interpelle vraiment. En effet, peu de débats mano à mano compte tenu des sondages très favorables, des thématiques peu maîtrisées même sur l’immigration et la sécurité, quelques punchline ici et là, un récurrent « c’est faux » même quand la vérité est sous ses yeux, un mythique « je n’ai pas besoin de la lire (la loi), monsieur » avant de voter contre, et sur la ligne d’arrivée un écrasement des autres listes concurrentes et une dissolution à la clé. C’est dire à quel point est le niveau d’exaspération dans notre société !

La bonne nouvelle de cette élection européenne est la belle participation pour ce type de scrutin. En effet, les données en 2019, avec 50,12%, étaient déjà satisfaisantes, mais le chiffre de 51,50% en 2024 est positif pour la vitalité de notre démocratie. Cela prouve aussi que ce rendez-vous européen dépassait largement son cadre habituel, un point sur lequel toutes les têtes de listes étaient en phase ; incontestablement cette échéance électorale était la plus importante depuis 1979 et la première élection européenne avec Simone Veil comme Présidente du tout nouveau partement européen. Sur 720 députés européens en 2024, contre 705 en 2019, la France envoie 81 députés à Strasbourg et Bruxelles, contre 79 députés en 2019, car le nombre d’eurodéputés est calculé par rapport au poids de la population dans l’Union Européenne.

L’échec pour la majorité présidentielle est incontestable, limite inexcusable, un déchirement total à gauche sera-t-il la conséquence directe de cette déroute, la disparition à moyen terme du parti « Les Républicains » est sur la table aussi, et le total des scores de l’extrême droite, environ 40%, s’annonce fatal pour le paysage politique tel que nous le connaissions avant ce 09 juin 2024. Voilà quelques constats factuels que les partis politiques vont devoir analyser. A mi-chemin d’un mandat présidentiel inédit*, la situation est aussi claire que le célèbre « Fog londonien » comme si les électrices et les électeurs français étaient sujets à une anomie profonde. 

Rentrons dans le détail de ces scores provisoires

Rassemblement National (Jordan Bardella) : 31,37%

Ce score est un tsunami politique et provoque des mouvements de plaques tectoniques dans la sphère politique française. La progression du score du Rassemblement National est aussi lunaire, 23,33% en 2019, que la baisse de la majorité présidentielle. Le rendez-vous est donné à l’extrême droite face à son destin politique dans 40 jours !

Renaissance (Valérie Hayer) : 14,60 %

Renaissance achève cette campagne européenne difficile en sauvant une deuxième place stratégique, mais réalise deux fois moins que le RN. Le parti présidentiel perd dix points par rapport à 2019 (22,42%), car ces deux formations étaient au coude à coude et avaient obtenu le même nombre de députés. Là, c’est la douche froide et le Président de la République a respecté la logique des institutions françaises.

Place Publique (Raphaël Glucksmann) : 13,83 %

C’est la percée inattendue, Raphaël Glucksmann fait plus du double qu’en 2019 (6,2%) même si ces dernières semaines faisaient entrevoir une potentielle deuxième place devant la majorité présidentielle. Par contre, cette dissolution plonge les 4 formations de gauche à réfléchir à très court terme, la NUPES ou un nouvel espace politique… de gauche !

La France Insoumise (Manon Aubry) : 9,89%

Elle réalise une fin de campagne en pleine dynamique, fait mieux qu’en 2019 ( 6,31%), mais cela ne cache pas la claque politique de finir derrière Place Publique, c’est une humiliation bien dissimulée pour le leader de la France Insoumise. Toutefois, l’égo surdimensionné du leader de LFI va certainement déboucher une fois de plus sur une dictée politique à tous ses élèves dissipés à gauche ; les autres formations de gauche vont-ils l’entendre ?

Les Républicains (Francois-Xavier Belamy) : 7,25%

Le problème de la candidature de Francois-Xavier Belamy est qu’au final, personne ne savait si le parti « Les Républicains » était pour ou contre l’Europe ! Une non réponse que les électrices et les électeurs ont tranché dans les urnes même si son score est proche du résultat en 2019 (8,48%). De toute évidence, le parti LR redoutait, tout en faux-semblant, cette dissolution compte tenu d’une potentielle claque politique. Cet ancien parti de gouvernement va-t-il quasi disparaître début juillet ?

Les Ecologistes (Marie Toussaint) : 5,50%

L’écologie politique ne sert plus l’écologie tout court depuis un bon moment. Après un excellent 13,48% en 2019, c’est une journée de deuil pour les « Verts » en France. L’impact sera nucléaire, sans mauvais jeu de mots, car leur candidature nationale solo pour toute prochaine élection paraît impossible au soir du 09 juin 2024. Les divisions au sein de cette formation politique vont plus encore éclater au grand jour.

Reconquête (Marion Marechal) : 5,47%

Marion Marechal jouait sa vie (politique) à travers ce scrutin européen. En dessous de 5%, pas de députés, la traversée du désert eut été très très longue, mais un siège à Bruxelles pourrait lui permettre de se détacher lentement d’Eric Zemmour, voire de se rapprocher du RN pour cette législative. 

Enfin en prospective, le véritable Bing-Bang politique pour 2027 n’est pas le ticket Marine Le Pen/Jordan Bardella, mais Jordan Bardella/Marion Marechal, et la perdante chronique de l’extrême droite, Marine Le Pen, renvoyée à un poste dorée, en cas d’élection de ce duo de moins 70 ans à eux deux en 2027 !!! A ceux qui pensaient que la jeunesse, seule, n’est pas suffisante… le résultat de ce scrutin du 09 juin est un démenti cinglant !

Le PCF (Léon Deffontaines) : 2,36%

Presque sans surprise compte tenu des épisodes précédents européens pour cette formation politique, car la seule ambition du PCF à cette élection européenne était simplement une non participation à une candidature unique à gauche. En effet, l’inimitié entre Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon est une réalité. Certes, le seuil des 5% n’était pas un objectif sérieux, mais la déception de ne pas atteindre les 3%*, comme en 2019 (2,49 %), constitue un coup dur pour ce parti politique La recomposition à gauche sera animée dans la perspective de cette législative à très court terme. 

Liste des Ruraux et Chasseurs (Jean Lassalle) : 2,36%

Là également, la puissante Fédération des chasseurs peut être un faiseur de roi dans une présidentielle, son appui est extrêmement important pour une candidature large. Le choix de Jean Lassalle, comme tête de liste, relève plus de l’aspect médiatique que d’une ligne politique de sa part. Concrètement, une candidature témoignage pour dire… nous existons ! 

Le parti animaliste (Hélène Thouy) : 2,01 %

Ce score, même faible, n’est surtout pas à balayer d’un revers de main, car la cause animale monte en flèche dans les cases à cocher pour un candidat ou une candidate idéal(e). Chaque prétendant aux plus hautes fonctions le sait !

Les Patriotes (Florian Philippot) : 1%

Cette candidature était clairement inscrite dans le choix du Frexit, son résultat est à ajouter tout de même au total de l’extrême droite dans sa globalité. Le lien personnel de Florian Philippot avec Marine Le Pen n’a jamais été rompu totalement. Son score était de 0,65 % en 2019.

Retrouvez tous les résultats au sein de l’Union européenne sur https://results.elections.europa.eu

Daniel Carlier

* compte tenu d’un programme économique un minimum soutenable sur la durée, faut de quoi, un virage politique sera obligatoire par la Présidence. Pierre Mauroy a fait les frais, en 1983, d’une expérience économique insoutenable et il ne fut plus jamais en haut de l’affiche.

* compte tenu qu’Emmanuel Macron est le 1er président réélu depuis le quinquennat issu d’une réforme constitutionnelle en 2008.

*  cap pour le remboursement des frais de campagne

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