(Elections U.E) La peur du vide politique après…
A quelques jours de l’élection européenne, du 06 au 09 juin, les 38 listes présentes sur la ligne de départ participent à une élection dans un contexte inédit en France. En effet, le Président de la République française est le premier chef d’Etat réélu (en 2022) depuis l’adoption du quinquennat dans la 5ème république et ne pouvant pas se représenter conformément à la réforme constitutionnelle en 2008. Par ricochet, le résultat du dimanche 09 juin en France entremêle plus encore le résultat de l’élection Européenne et celui de la prochaine présidentielle en 2027.
On pouvait déjà supputer que l’atmosphère de cette élection européenne serait électrique compte tenu d’une Guerre en Europe, mais le conflit au Moyen-Orient percutant la classe politique de plein fouet, avec ce mardi 28 mai un drapeau palestinien brandit au sein de l’Assemblée nationale par un député de La France Insoumise, et une montée en puissance des partis nationalistes partout en Europe, font de ce scrutin européen un tournant dans la vie politique française.
D’un côté de l’échiquier, vous avez un paysage éclaté de la gauche où les 4 formations de la NUPES sont partis en solo. Le score de chacune des formations, déjà au dessus de 5%, seuil permettant l’élection de députés, est vitale, voire plus cruel celui de 3% pour les remboursements des frais de campagne. Ensuite, l’écart entre Raphaël Glucksmann (PS) et Manon Aubry (LFI) aura beaucoup plus d’impact sur la vie politique à gauche qu’une deuxième position derrière Jordan Bardella (RN). La NUPES 2, avec ou sans Jean-Luc Mélenchon, sera le prochain débat des mois à venir.
A droite, la survie du parti Les Républicains ne tient plus qu’à un fil, l’existence de ce mouvement politique tient (encore) à l’existence de 61 députés (avec les apparentés) à l’Assemblée nationale et aux nombreux sénateurs au suffrage indirect. Ainsi, une dissolution en 2024 de l’Assemblée nationale projetterait, un peu comme l’UDI, ce parti historique de gouvernement dans les limbes, car la claque politique à une nouvelle législative anticipée serait inéluctable. Sur le prochain vote du 09 juin, le 8,48% en 2019 pour la tête de liste François- Xavier Bellamy était qualifié de « cuisant échec » par tous les éditorialistes politiques, la même tête de liste signerait de suite pour un 7,5% le 09 juin en soirée, un parti à la dérive !
A l’extrême droite, vous avez plusieurs formations dont Marion Marechal, pour Reconquête, jouant une carte politique majeure, pour ce nouveau parti, mais surtout pour son retour personnel en politique. Le seuil de 5% est une barre de quasi survie existentielle pour la nièce de Marine Le Pen.
Toujours dans la famille, Jordan Bardella, l’époux de la fille d’une soeur de Marine Le Pen, histoire de famille…, caracole en tête même en affichant son détachement, voire son incompétence, sur les questions européennes, seules quelques sujets nationaux de premier plan suffisent à le propulser en haut des sondages. Il surfe sur une exaspération générale des suites d’une crise économique, post covid, d’une Guerre en Ukraine avec son impact sur l’énergie, et d’une inflation grossissant les rangs de la précarité. Son résultat ne se mesurera pas par son score, mais par l’écart avec la majorité présidentielle au coude à coude en 2019, mais visiblement très distancée dans ce scrutin européen en 2024. Après, la famille de l’extrême droite va-t-elle se déchirer face au choix d’une stratégie jusqu’en 2027, car avec Jordan Bardella, Marion Marechal, et Marine Le Pen, vous avez trois versions de l’extrême droite… irréconciliables sur de nombreux sujets politiques, économiques, sociétaux, sociaux, ou en terme de politique étrangère. En cela, cette élection européenne est un formidable écran de fumée qui va s’estomper avec le retour aux affaires internes.
Pour la majorité présidentielle, la claque annoncée va devoir se digérer, après la parenthèse olympique, d’une manière ou d’une autre. Nouveau gouvernement, à droite toute afin de capter un électorat d’une droite républicaine en perdition, voire d’un centre cherchant sa boussole, malgré un François Bayrou toujours dans l’attente du prochain scrutin, voire d’un Edouard Philippe dans l’antichambre… Le « et en même temps » à la fois de gauche et de droite est un échec pratique, sympathique virtuellement, faute d’une concertation de fond partagée après l’élection présidentielle. Plus encore, la volonté d’une éviction des corps intermédiaires pour aller plus vite constitue sans doute l’erreur des deux quinquennats d’Emmanuel Macron, car in fine la machine à réformes s’est enrayée à défaut de relais pour porter les messages !
Oui, clairement, on ne voit même pas les contours d’une ligne politique crédible et solide avec la majorité présidentielle actuelle, ni au sein d’une gauche déchirée dans ses combats internes et externes, encore moins avec l’extrême droite dont le nationalisme plongera encore un peu plus notre corpus sociétal dans le vide sidéral. Le pire est que nous ne parlons même plus d’une droite républicaine comme une éventualité politique ! Bref, le vide politique le jour d’après…
Ce n’est pas une raison pour s’abstenir, votre vote demeure essentiel dans une démocratie, car la participation massive lance encore un message au monde entier, et plus particulièrement aux autocraties et dictatures. Il est simple, nos démocraties sont encore très vivaces, malgré toutes leurs vicissitudes.
Daniel Carlier