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(Valenciennes) L’AVAD, des salariés en grève contre un accord social, non-agréé 10 ans plus tôt !

C’est une histoire à perdre son latin social tant les tenants et les aboutissants de cette improbable réalité sont ahurissants. En effet, une syndicaliste (CGT) au gré d’une information en Droit social à découvert, grâce à son avocat, que l’association AVAD (Service d’Aide à la Personne) appliquait un accord social (décembre 2013) invalidé par le Ministère des Affaires sociales en avril 2015. C’est pourquoi, ce vendredi 10 mai, une vingtaine de salariés déclenchaient un mouvement de grève jusqu’au retrait de cet accord… (Manifestation des salariés devant le siège de l’AVAD, rue de Mons à Valenciennes).

Anne-Sergine Legay (Délégué CGT du CSE) : « La Direction de l’AVAD était au courant de cette absence d’agrément, mais n’a pas prévenu les salariés ! »

Depuis le 01 octobre 2021, la gouvernance a changé au sein de cette association, subventionnée par le Conseil départemental du Nord en principal, acteur de la reprise du service (SAD) supprimée par la ville de Valenciennes, et depuis dans une situation financière préoccupante « Nous sommes allés devant le Tribunal judiciaire pour déposer le bilan en janvier 2024 au cours d’une séance extraordinaire, mais Elisabeth Borne (1ère Ministre à l’époque) a débloqué 100 millions d’euros au niveau national, dont 2 millions pour le Conseil département du Nord. Ce dernier a versé sa plus grosse subvention chez nous, soit 500 000 euros, afin de nous permettre de poursuivre notre activité », explique Jean-Marie Copin, le Président actuel de l’association AVAD.

Voilà le contexte financier associatif dans un conflit purement lié au Droit du Travail, car l’impossible est devenu réalité. En effet, un accord social est intervenu de décembre 2013, mais « nous le contestons compte tenu du taux de participation inférieur à 50%. De plus, il devait s’appliquer à l’ensemble des catégories sociaux-professionnelles ce qui n’est pas le cas  », explique Anne-Sergine Legay, syndicaliste CGT, trésorier au CSE. Rappelons tout de même que certains salariés de l’AVAD dépendent directement d’un financement de l’ARS (Agence Régionale de Santé), rien n’est simple dans la galaxie des financements du service et/ou du soin à la personne.

Toute chose étant égale par ailleurs, la Direction a appliqué depuis cette date ledit accord social et demandé logiquement au Ministère des affaires sociales sa validation. Clairement, nous parlons d’une démarche administrative sur le temps long, puisque la réponse est intervenue par Décret en avril 2015…, mais la réponse fut négative comme le justifie cette copie-écran du Décret ci-dessous (Accord V). 

Fort de cette réponse, la logique la plus élémentaire eut été d’informer les salariés concernés et de se remettre autour de la table dès mai 2015. Le constat est visiblement différent, puisque le syndicat CGT, à la suite d’une recherche d’informations à découvert en février 2024, grâce à un homme de Droit, que cette invalidation n’a pas été communiquée aux salariés : « La Direction de l’AVAD était au courant de cette absence d’agrément, mais n’a pas prévenu les salariés ! C’est pourquoi, nous exigeons le retrait immédiat de cet accord », constate Anne-Sergine Legay.

En réponse, le Président de l’AVAD met en exergue que « l’association n’a pas reçu une interdiction d’appliquer cet accord. Ensuite, je ne peux pas le supprimer avec un claquement de doigt ».

« Cela fait deux mois que nous attendons », Anne-Sergine Legay

Concrètement, la doléance porte sur des pertes d’heures sur les compteurs lors de la prise de congés payés, sur la majoration des heures supplémentaires, sur les amplitudes horaires, sur la récupération… Certes, les demandes sociales sont assez techniques, mais le Droit du travail en France est particulièrement complexe.

Depuis cette prise de connaissance, le syndicat CGT demande une réunion avec la Direction. « Cela fait deux mois que nous attendons. On nous balade », indique Anne-Sergine Legay. Echange de mails, présence d’un avocat pour chacune des parties prenantes, le Président propose en live une réunion « le 23 mai prochain ». 

Menace de procédures aux Prud’Hommes

En parallèle d’une tentative de négociation, une vingtaine de dossiers seraient en cours auprès du Tribunal des Prud’hommes, à titre individuel. Emile Vandeville, secrétaire général de la CGT de l’union locale de Valenciennes, conseille vivement au Président « une suspension immédiate de l’accord social et on se remet autour de la table. Vous allez perdre chaque dossier au Tribunal des Prod’Hommes », lui lance-t-il. Presque sur un ton fataliste, Jean-Marie Copin répond que « la justice prudhommale tranchera », car visiblement il ne voit pas comment se sortir de cet imbroglio.

Grève dure

La menace est réelle, outre une grève illimitée d’une vingtaine de salariés, mais « d’autres vont s’agréger à ce mouvement », commente Anne-Sergine Legay ; certaines salariées indiquent que dorénavant « nous ne ferons plus d’heures supplémentaires, plus de dimanches et jours fériés. Malheureusement, ce sont les personnes âgées qui vont pâtir de cette situation », crie une autre gréviste. 

D’évidence, le conflit social, dans un contexte financier compliqué pour l’AVAD, est parti vers un temps conflictuel très dur. « Moi, mon souci est d’assurer les salaires chaque début du mois », conclut Jean-Marie Copin, mais cette réalité budgétaire n’interfère pas dans le respect du Droit social stricto sensu pour une catégorie socioprofessionnelle en première ligne il y a peu, et toujours au fond de la classe en terme de revenu décent, malgré une hausse de 17% peu avant la Présidentielle 2022.

Daniel Carlier

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