Election européenne 2024, un suffrage politique (enfin) de premier plan !
On ne va pas se cacher derrière son petit doigt, l’élection européenne ne fait pas battre le coeur des électrices et des électeurs français depuis des lustres, un peu comme une parenthèse démocratique pour initiés dont le résultat n’aurait quasi aucune traduction politique dans les urnes pour la Présidentielle ou les Législatives. Pour autant, tout pourrait changer en juin 2024, avec un décorum inédit, car l’issue de ce scrutin direct sur 1 tour pourrait repeindre le tableau politique en France pour les prochaines années. Gare aux vaincus !
Européenne 2024 : Recherche légitimité démocratique désespérément !
Deux angles saillants posent cette élection européenne, le dimanche 09 juin en France et du 06 au 09 juin dans l’Union européenne, comme aucune autre auparavant. Tout d’abord, deux guerres sont en cours et quelle que soit l’issue de ces deux conflits majeurs, l’impact sera incontournable dans les urnes à bien des égards. En effet, l’Union européenne est impliquée dans ces deux conflits armés en tant qu’institution, mais également à travers le positionnement de ses 27 membres, Etat par Etat. Cet impact direct de cette organisation internationale, unique au monde compte tenu du nombre de pays impliqués et de l’imbrication de cette institution dans les droits nationaux, bien au delà des 56 pays du Commonwealth, ouvre une réflexion nouvelle pour tous les partis sur l’ensemble de l’arc politique que nous connaissons à ce stade.
Etat des lieux de la décomposition politique française
A l’extrême droite, après un échec cinglant à la Présidentielle comme aux Législatives 2022, Reconquête a frappé fort avec sa tête de liste, Marion Maréchal, une nièce de Marine Le Pen. Son score sera instructif, pour Eric Zemmour, et notamment pour la suite de ce parti politique né à l’occasion de l’élection présidentielle 2022. L’autre parti de l’extrême droite, ou droite radicale, le Rassemblement National dont le jeu politique, en mode silence durant la réforme des Retraites, est d’asséner des coups de griffes très ponctuellement, avec parcimonie, mais de préférence à La France insoumise et Renaissance. Le RN surfe sur une popularité concrète dans tous les sondages d’opinion. Bien sûr, cette élection européenne est une porte ouverte pour commenter la politique d’immigration de l’U.E, mais aussi le rôle de celle-ci dans deux guerres, potentiellement mondiales. Oui, de nombreux électeurs, électrices, penseront à travers un bulletin de vote au positionnement de Bruxelles (Commission européenne) et de Strasbourg (Parlement européen) sur ces conflits si loin, si proche. Tout semble permis au RN à travers leur tentative de banalisation lorsque Jordan Bardella, le Président du Rassemblement National, en couple avec une autre nièce de Marie Le Pen, indique sans hésitations… « je ne crois pas que Jean Marie Le Pen était antisémite » . Plus la ficelle est grosse…, mais cela démontre le niveau de confiance de ce parti politique. Toutefois, il n’est pas possible d’exclure un coup de billard à 3 bandes. Face à des articles élogieux de la presse nationale à l’endroit du nouveau Président du R.N, la candidate putative a-t-elle piloté cette sortie de route marquante afin de freiner toutes les velléités en la matière à Jordan Bardella ? La politique entre amis est déjà stupéfiante, mais en famille souvent déchirante !
Pour sa part, Nicolas Dupont-Aignan est un peu en quête d’un poste de député européen, en lieu et place de son mandat de député acquis en juin 2022. Est-ce l’élection de trop, car un jour il faut savoir partir ce qu’à su faire François Bayrou, dont les meilleurs observateurs politiques attendaient une nouvelle candidature à la Présidentielle en 2017, à travers un soutien gagnant au candidat Emmanuel Macron.
Bien sûr, le parti politique « Les Républicains » joue très très gros durant cette joute européenne. A tel point que la débâcle du mois de mai 2019, avec 8,48% et la ligne politique de François Xavier-Bélamy, semblerait si douce. Les Républicains signerait peut-être de suite si ce score leur était promis. Un demi-naufrage n’altèrerait pas leurs chances aux futures échéances nationales, mais une catastrophe en mode Titanic acterait la scission du parti le plus expérimenté au Gouvernement. Bref, les querelles incessantes de personnes, les ambitions personnelles, et des lignes politiques divergentes, démontrent qu’il n’y aucun capitaine dans le bateau, aucun ou aucune leader. C’est affligeant compte tenu de leur expérience politique. On a presque du mal à trouver des explications tangibles, une logique autre que personnelle dans la conduite de ce parti politique au plus haut niveau, comme un message itératif lancé par des chefs de coteries sous la 4ème République.
Concernant l’UDI, où ce qu’il est en reste, sa pesée était si faible durant la Présidentielle 2022 que ce parti politique ne pouvait se présenter seul, au risque d’un score à La Cheminade, et cette indigence s’est vérifiée aux Législatives 2022 avec 5 députés encore présents au sein de l’Assemblée nationale, une Bérésina. Certes, la rancune est tenace et le fondateur de l’UDI, Jean-Louis Borloo, aurait participé en amont à la création du Groupe politique indépendant LIOT dont le rôle durant la Réforme des Retraites n’a échappé à personne. Pour l’anecdote, le nouveau pourfendeur de cette réforme, Charles de Courson, a un passé politique et des positionnements publics aux antipodes de ses interventions sur le sujet, sa croustillante intervention en 2017 sur l’indemnité des élus est éclairant https://www.marianne.net/politique/charles-de-courson-veut-augmenter-les-deputes-pour-leur-assurer-un-niveau-de-vie-decent Tout est permis en politique et la lumière médiatique amène tout un chacun à réviser ses convictions… ! Dans le Valenciennois, Valérie Létard a bien tenu la maison UDI au Sénat et son départ de la Chambre haute en septembre dernier concomitant avec 3 listes UDI (même partielle) en concurrence signifie un peu plus la déliquescence de ce parti politique. L’UDI ne pèse plus rien au niveau national, certes avec une vague nostalgie dans le Valenciennois et les soubresauts d’un bon carnet d’adresses. En clair, au niveau des Européennes, la parole de l’UDI est équivalente à un encéphalogramme plat !
Concernant la majorité présidentielle, cette élection européenne est pernicieuse, car elle pourrait être la dernière avec une majorité unie, Renaissance, Horizons, et le Modem. Comme un symbole de cette politique nomade, Laurent Degallaix, maire de Valenciennes, soutien d’Emmanuel Macron de la 1ère heure en 2016, recalé par 3 fois aux portes du Gouvernement, surtout le 1er, est le référent Hauts-de-France du Parti « Horizons » fondé par Edouard Philippe. Pour autant, il n’a pas soutenu aux dernières élections sénatoriales, le candidat officieux de ce parti politique, Franck Dhersin, pour être président du comité d’honneur de Danny Wattebled avec des illustres collègues comme le Président du Conseil départemental et le Président de la MEL. Bref, son amitié avec le Ministre de l’Intérieur, le Valenciennois Gérald Darmanin, lui permet encore de jouer sur plusieurs tableaux, à travers des candidats aux ambitions affichées pour la Présidentielle 2027. Concrètement, pour la majorité présidentielle, la deuxième place au coude à coude avec le Rassemblement National, comme en 2019, serait un scénario presque rêvé tant les autres hypothèses auraient le goût d’une fin anticipée de ce trio politique. En l’espèce, le rôle de l’U.E et ses politiques portées sur le développement durable, notamment sur le volet de l’énergie, l’immigration, mais également sur la souveraineté industrielle et agricole européenne seront des thématiques pesantes. Bien sûr, on exclut déjà une victoire largement en tête de la majorité présidentielle, ce ne serait même plus de la politique fiction… !
La NUPES et ses 4 composantes est quasi un roman politique à elle seule. Toutefois, pour comprendre le chemin incertain de ce contrat, il faut savoir d’où il vient. Revenons en 2016 avec l’émergence d’un nouveau mouvement politique, la France Insoumise. Sa campagne de terrain avec ses relais, que nous voyons au grand jour maintenant, étaient déjà là pour porter la parole de Jean-Luc Mélenchon. Autour d’une campagne ébouriffante, le leader de LFI a réalisé un score fulgurant à la Présidentielle 2017 pour un jeune parti politique. Toutefois, la traduction dans les urnes législatives a existé, mais n’était au niveau de ce chamboule-tout à gauche. Néanmoins, tout était sur la table pour fédérer l’ensemble de la gauche écologique politique, voire la phagocyter avec subtilité. Presque simple sauf quand les égos s’en mêlent, Jean-Luc Mélenchon a cru être le Messi de la gauche radicale, lui qui vilipende la 5ème République, il incarne le pouvoir vertical comme le roi Soleil en son temps. Durant 4 ans et demi, au lieu de fédérer autour de sa lumière, il a voulu éteindre toutes les identités politiques et il s’est étonné en 2022 de ne pas rassembler sur son nom une seule candidature à gauche. Cette nouvelle défaite, malgré un score impressionnant et Utile, est 100% inhérent à la personnalité de Jean-Luc Mélenchon. Comme Emmanuel Macron durant le 1er mandat où il a oublié les corps intermédiaires et les relais de proximité, Jean-Luc Mélenchon a voulu gommer toute trace de gauche autre que la sienne. Décidément, pourquoi les glaces ne parlent-elles pas lorsqu’un candidat se rase le matin ?
Voilà l’Etat des lieux à la fin du second tour 2022, puis un éclair de génie comme il est coutumier pousse JLM à proposer un nouveau front commun, la NUPES, un contrat électoral sur une base commune politique. Le P.S, le PCF, EELV (bientôt Les Ecologistes), Génération S, et bien sûr La France Insoumise ont signé cette feuille de route électorale propulsant une opposition de gauche pléthorique à l’Assemblée nationale. Oui, la NUPES est l’alpha et l’Omega d’une majorité relative, car même la percée du Rassemblement National n’aurait pu empêcher l’émiettement de l’électorat de gauche et par suite de nombreux autres députés de la majorité présidentielle rassemblée (Renaissance, Le Modem, et Horizons). C’est un fait politique indéniable.
Pour autant, le comportement des députés de La France Insoumise durant cette 1ère année de mandature (2022/2027), l’affaire Adrien Quattenens et le déchirement provoqué au sein des sections locales, le choix de l’obstruction totale durant l’étude la Réforme des Retraites, et enfin la Guerre en Ukraine et plus encore les déclarations de Jean-Luc Mélenchon, très éloignée de l’antisionisme, ont découpé en mille morceaux les affinités construites au fil des mois.
De son côté, le Parti socialiste a signé à l’arraché un accord politique pour les Européennes, malgré un conflit interne de ligne politique majeur. Après celui des Sénatoriales, pour sauver des postes, le choix de partir, conforment à ses convictions européennes, sous sa bannière propre constitue un désaveu cinglant pour La France Insoumise. De même, le parti écologique EELV, en quête d’une radicalité écologique acceptable, a choisi la même stratégie, tout comme le Parti communiste dans une phase existentielle, de partir en solo avec comme seul argument « sur 1 tour, scrutin de liste… ».
Evidemment, le résultat du dimanche 09 juin sera déterminant. En effet, il y aura plusieurs grilles de lecture des scores politiques. Tout d’abord, le résultat de La France Insoumise sera scruté, 6,3% en 2019 avec 6 sièges contre 13 pour EELV, 6 sièges pour le P.S et Place Publique, et 0 siège pour le PCF. De toute évidence, si LFI baisse et se situe plus bas qu’en 2019, voire en dessous des 5%, la claque politique aura des répercussions sur des alliances futures. Toute recherche d’un viatique ultérieur des formations de gauche sera aussi inutile que déplaisant. Ensuite, le score des autres formations de la gauche écologique sera lui aussi analysé avec la même sévérité et pertinence sur le choix d’un cavalier seul politique.
C’est pourquoi, pour la 1ère fois depuis l’existence de cette élection européenne, nous pouvons affirmer que son issue sera suivie d’ici la fin 2024 par une recomposition politique à gauche, soit une NUPES renforcée et nouvelle, soit une nouvelle alliance sans les fans de Jean-Luc Mélenchon à gauche, soit encore un redécoupage de la gauche à travers la naissance d’autres mouvements politiques.
Vers une autre chose…politique !
Oui, la recomposition politique globale française arrivera au galop courant 2024 avec cette indicible odeur d’une révolution de palais. Emmanuel Macron a voulu éviter un éclatement politique aux législatives 2017 en ne présentant pas une liste « En Marche » dans toutes les circonscriptions de France. Il a eu bien tort et il a payé le prix politique aux législatives 2022.
Quel sera le visage de la droite d’ici une année, car les velléités commenceront à poindre, le bal des candidats s’appuiera sur le résultat de cette élection européenne comme l’argument d’un renouveau nécessaire, d’une nouvelle voix politique, de l’incarnation d’une ambition personnelle, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez, Edouard Philippe, Gérald Darmanin, quant on pense que François Fillon avait un boulevard pour la Présidentielle 2017, on peut être assuré que les peaux de banane vont pleuvoir entre les protagonistes. Les autres partis n’ont pas à s’inquiéter, ils se dévorent entre eux, sauf si l’incroyable idée d’une alliance de personnalités politiques était possible. Aurélien Pradié détruit déjà cette idée dans l’oeuf à ce stade.
A l’extrême droite, l’évolution des différents partis est à suivre, et surtout les ambitions personnelles, car Marine Le Pen est challengée dans sa propre famille au sens privé du terme. Tout va bien pour l’instant, dès lors que la vue des marches du Palais de l’Elysée est encore trop lointaine, mais d’ici 18 mois… !
Enfin, la NUPES évoquée plus haut ne pourra plus fonctionner comme un accord sur un coin de table derrière un leader charismatique. Quelle sera la nouvelle idée à gauche ou de gauche, tout tient dans cette nuance sémantique avec, là également, une sonorité écologique incontournable, mais à géométrie variable pou certains ! Attention tout de même, n’oublions jamais que l’élection présidentielle 2017 a débouché sur un résultat au 1er tour avec deux mouvements politiques, emmenés par leurs leaders Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, nés en 2016… « En Marche » en 1ère place, 24,01%, et La France Insoumise en 4ème avec 19,58 %.
Pour coller à la tradition de la citation banale, un homme de science disait : « Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu’il a été créé », c’est presque un programme politique en une phrase, décidément génial cet Albert Einstein.
Daniel Carlier