Midi-Partage, la solidarité d’utilité publique !
Au sein d’un arrondissement particulièrement concerné par la précarité, les outils de solidarité sont indispensables. C’est pourquoi, nous avons rencontré Jean-François Devillers, le Président de l’association Midi-Partage, et François Bultez, son Directeur dont la main tendue sociale au quotidien est ô combien précieuse (des bénévoles au repas et la coiffeuse au service des personnes en accueil de jour).
(Jean-François Devillers et François Bultez)
Midi-Partage… mieux la solidarité !
Sur les fonts baptismaux en 1995, l’association Midi-Partage a connu plusieurs emplacements sur Valenciennes, notamment au Quai des Mines. Son objet initial, comme mantra, est l’accueil inconditionnel pour un repas chaud le midi. « Chacun vient chez lui et prend ce dont il a besoin. On ne pose pas de questions, pas de formulaires, pas de dossiers. Je m’appelle Bob, je viens manger, car j’ai faim ! », commente Jean-François Devillers. Ensuite, un climat de confiance est également indispensable au fil de temps afin que ces personnes s’ouvrent aux autres et expliquent leur parcours de vie… « personne ne parle le ventre vide. Un bon repas peut susciter l’échange », ajoute le Président.
Soyons clair, sur l’échelle de la protection sociale, vous avez les CCAS, le Secours Populaire, les Resto du Coeur, la Banque Alimentaire…, mais ces structures sont « déjà pour ceux qui peuvent cuisiner ou manger à l’intérieur. Chez Midi-Partage, ce sont des SDF en majorité », précise le Président de l’association. Cette structure est ouverte tous les jours sauf le samedi, car « le dimanche, rien n’est ouvert en accueil de jour et le site Abbé Pierre est ouvert le samedi », précise Jean-François Devillers.
Et la petite musique du trop d’assistanat en France est balayée lorsque vous avez (encore) une frange de la population à la rue, sans droits sociaux le plus souvent et à l’écart de tout. On a écouté les associations caritatives sur la montée en puissance des bénéficiaires compte tenu de l’inflation…, mais pas là, car « il y a une inertie solidaire depuis notre ouverture », ajoute-t-il comme si notre corpus social génère son matelas de pauvreté absolue ! Par contre, le public change pour le Directeur, François Bultez : « Nous accueillons de plus en plus de jeunes, de femmes, et on observe moins de grands marginaux (dits clochards dans l’ancien temps) irréductibles qui n’iront jamais dans un hébergement, un foyer la nuit ».
Le Bien-Manger comme fil rouge
Tout évolue même la solidarité. Pendant de nombreuses années, Midi-Partage se contentait de nourrir les personnes accueillies, puis suite au déménagement en 2015, cette ancienne église désaffectée du Faubourg de Cambrai n’a permis que la fourniture de sandwich. En 2020, depuis la rénovation/extension, une cuisine, une salle de repas, des espaces de convivialité et administratif changent la physionomie du service. « Nous travaillons uniquement avec des produits frais, cuisinés ou transformés chez nous. De plus, nous proposons maintenant un petit-déjeuner, mais nous voulons surtout, avec Sylvain en cuisine, proposer le Bien-Manger, agir sur la santé également, sans oublier d’éviter le gaspillage de la nourriture », indique François Bultez.
Ensuite, de nouveaux services sont proposés aujourd’hui à travers un accueil de jour où le bénéficiaire peut accéder à une douche, sanitaire, laverie, coiffeur, les besoins premiers « et nous les aidons pour remplir leur dossier d’accès aux droits sociaux. A ce titre, une convention avec la CPAM, signée en 2016, permet d’accélérer l’accès à la CMU pour ces nouveaux ayants droit », précise le Directeur.
On l’a compris, la doxa n’est plus seulement, même si cela reste énorme, l’accueil inconditionnel pour un repas chaud. « Nous sommes agréés par l’Etat pour une domiciliation du courrier pour 700 personnes. Il est parfois plus facile pour ce public de venir chez nous. Néanmoins, on observe des règles, créneau pour la récupération du courrier, accès à certains services, horaires pour les repas… », indique François Bultez. « Si nous arrivons quelques fois à ramener une personne accueillie chez nous dans le circuit, emploi/logement…, c’est une grande satisfaction même si le phénomène est rare », déclare Jean-François Devillers.
« On fait le job », Jean-François Devillers
Le Président de l’association ne cache pas la collaboration étroite avec l’Etat de proximité, soutien financier majeur : « D’ailleurs, le nouveau Sous-Préfet, Guillaume Quenet, vient très prochainement chez nous ». Il rappelle également son utilité publique « On fait le job ! ».
Avec 13 salariés permanents, Midi-Partage veut tisser des liens de partage, de confiance, entre les bénéficiaires. « On mange avec eux, on les aide dans leurs démarches administratives, on joue aux cartes, on échange, on lit le journal…, on accompagne », décrit François Bultez. La contrepartie espérée est « qu’une personne chez nous prévienne si un traitement contre une addiction est en cours ou un changement de situation personnelle… ! ».
Pour bien comprendre le public visiteur régulier ou d’un jour, ce dernier peut venir du Grand Hainaut, Cambrai, Maubeuge, Douai, car le SIAO/ le 115 (10 rue Jean Bonmarché à Valenciennes) oriente tous les appels et il peut l’envoyer chez Midi-Partage. « Certains viennent un jour ou quelques fois, et nous ne les revoyons plus jamais », commente le Directeur.
Deux nouveaux projets… solidaires !
La solidarité n’exclut pas les idées de progrès pour mieux faire. Dans cette optique, un camion-cuisine est envisagé sur le périmètre du public cible. En effet, dans le cadre d’un appel à projet de l’Etat pour la mise en oeuvre d’un « Tiers-Lieu alimentaire », Midi-Partage a répondu à cette demande de l’Etat. « L’idée est de fournir à des personnes en hébergement d’urgence un moyen de se faire à manger en faisant la cuisine avec des produits frais. Nous irions donc au contact de ces publics », précise le Directeur. Parfois, on est dithyrambique sur un imbroglio administratif à la française, mais en l’espèce il faut avouer que l’idée est brillante.
Ensuite, autre vent nouveau dans les voiles de Midi-Partage, le projet d’une mise en musique d’ateliers de transformations alimentaire pourrait se faire jour. Là, nous sommes sur le volet des produits alimentaires utilisés par Midi-Partage. « Depuis l’origine, on bénéficie des invendus chez Carrefour Aulnoy-les-Valenciennes et d’autres structures. L’idée est de transformer les dons alimentaires. Par exemple, découper une pièce de 5Kg de viande en morceaux, filmer ces derniers, etc., et de même pour des légumes en grande quantité. Nous ferions cette transformation chez nous et nous pourrions livrer, en sus de nos besoins propres, aux autres structures caritatives du Valenciennois », indique François Bultez.
Voilà, l’esprit solidaire ne s’invente pas. On peut même l’illustrer à travers la réaction au moment du confinement 1. « J’ai posé la question aux salariés. On ferme ou pas ? » La réponse fut sans hésitations… « Qui va s’occuper d’eux ? ». Midi-Partage a donc préparé des repas à emporter, 300 environ, durant cette période inédite dans notre histoire partagée en acceptant un marché au dessus de ses capacités. Un défi que l’association a surmonté grâce aux cuisines de plusieurs municipalités. En fait, rien n’arrête la bonne volonté !
« La fraternité n’est qu’une idée humaine, la solidarité est une idée universelle », Victor Hugo.
Daniel Carlier