Kiné, un professionnel du soin comme un autre sauf… pour la Sécu ?
Comme de nombreux professionnels du soin, les Kinésithérapeutes sont en phase d’échange intense avec la Caisse Nationale d’Assurance Maladie afin de revaloriser la rémunération de leurs actes du quotidien. A ce stade, face à un pouvoir d’achat en chute libre, cette négociation patine depuis le début de l’année 2022. Certes des avancées sont sur la table, mais le compte n’y est pas. Entretien avec un Kiné du Valenciennois pour nous expliquer les problématiques de sa profession.
Kiné : « Il y a toujours eu un manque de reconnaissance de notre métier par la Sécurité Sociale »
En exercice dans le Valenciennois depuis 2010, un professionnel Masseur-Kinésithérapeute pose l’équation sur la table : « Notre acte principal, celui représentant 60 % de notre travail quotidien, est rémunéré à 16,13 € brut. Aujourd’hui, nous réalisons 2 voire 3 actes de ce type par heure. Il n’y a eu aucune valorisation depuis 2012 ».
Evidemment, la hausse tous azimuts des coûts du quotidien percute de plein fouet les professionnels du soin. « J’ai des collègues locataires d’un cabinet qui sont en situation financière délicate pour payer leur facture énergétique, certains vont cesser leur activité. Il faut arrêter de présenter le Kiné roulant dans une voiture de luxe… avec une villa à Deauville. Bien sûr, comme dans toute profession il y a eu des abus, mais aujourd’hui, nous avons une génération de Kiné avec une autre approche du métier », souligne-t-il.
« L’objectif est de privilégier la qualité à la quantité d’actes par heure »
A ce stade des négociations, les 3 syndicats, représentant 20% des professionnels, ont fait avancé les revendications. « Nous sommes passés à une enveloppe de 180 millions d’euros, en janvier 2022, à 525 millions d’euros. Cet acte du quotidien serait revalorisé à 18,06 euros bruts. Compte tenu de l’inflation, nous souhaitons obtenir 20 euros bruts. L’objectif est de privilégier la qualité à la quantité d’actes par heure », poursuit le professionnel.
Dans un courrier envoyé à Béatrice Descamps, la député de la 21ème circonscription, le professionnel expose la réalité de la profession : « Dans ce but d’amélioration de la qualité de soins, notre profession se spécialise, se technicise, se dote de matériels et de plateaux techniques onéreux parfois, et se forme. Ceci devient de plus en plus difficile et compliqué, au regard de nos moyens : le revenu brut horaire moyen d’un kinésithérapeute est de 35 à 40 euros selon le type de soins, avec au final des revenus nets de 42 000 euros (Moyenne retrouvée sur Entreprise.gouv.fr) soit 3500 euros mais pour un travail hebdo de 45 heures avec un bagage de bac +4 ou 5 (18 euros net horaire) et sans repos payés, sans couverture sociale en AT, etc. De plus ces chiffres ne représentent pas complètement la réalité vue que depuis nos charges n’ont fait qu’augmenter ».
« Le Kiné est utile dans l’amélioration de l’état de santé du patient »
Regarder autour de soi fait partie également de cette équation subtile entre juste rémunération et intérêt général d’un service remboursé par la collectivité publique. « En Europe, notre profession est quasi la moins rémunérée, derrière La Belgique, l’Allemagne, l’Italie le Luxembourg, la Suisse, et l’Angleterre (malgré un système de soins publics moins généreux qu’en France) », précise le professionnel.
Ceci sous-tend un jugement de valeur aux yeux de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, le Kiné serait moins important que le médecin généraliste, l’infirmier, voire les spécialistes toutes disciplines confondues. « Pourtant, nous participons au bien être, le Kiné est utile dans l’amélioration de l’état de santé du patient. Par exemple, dans le cas d’une HAD (Hospitalisation à Domicile), nous faisons économiser des coûts d’hospitalisation (entre 1500 et 2000 euros la nuit). Ensuite, nous réalisons un travail essentiel dans le maintien à domicile d’un patient sans omettre que nous pouvons également diagnostiquer des pathologies. De fait, nous pouvons établir un diagnostic, soigner, et guérir ! », commente le professionnel.
Clairement, l’objet de ce propos n’est pas de mettre en concurrence les professionnels du soin, de ne pas mettre en opposition les compétences respectives médicales, mais de mettre en exergue que chaque intervenant participe au bien être du patient. Force est de constater que le Kiné n’est pas considéré au même niveau qu’un autre intervenant du soin par la CNAM. « Il y a toujours eu un manque de reconnaissance de notre métier par la Sécurité Sociale. D’ailleurs, cela se traduit par la revalorisation dans toutes les professions médicales, infirmiers, podologue, sage-femme, médecins généraliste, chirurgien dentiste, etc., mais pas les Kinés ! Certes, il y a eu des améliorations comme le premier rendez-vous bilan, payé 23.01 € brut, et d’autres à la marge. Ces résultats alors que nous sommes intégrés à part entière, comme les autres, à la médecine de ville », ajoute-t-il.
Une avancée en 2023 ?
Les choses ne sont pas encore figées à travers un accord final, car un ultime round budgétaire est possible avec le Budget modificatif de la Sécurité Sociale en début d’année 2023 où une enveloppe supérieure pourrait être intégrée ! Trois syndicats consultent leur membres, voire ouvre la consultation à tous les professionnels, même sans syndicat, pour collecter le plus d’avis sur cette proposition de la CNAM. Actuellement, la moyenne est d’un Kiné pour 1 000 habitants avec des différences évidentes suivant la densité de population. A ce titre, le Valenciennois se situe dans une zone intermédiaire (voir carte du zonage de l’ARS)
La profession est clairement en émoi à l’heure où la Covid laisse des traces chez les patients. « Nous devons gérer beaucoup de personnes dans l’angoisse en dehors même de leur pathologie », conclut-il… comme un signe d’une collégialité du soin, touts corps confondu, dont chaque membre est un maillon essentiel du bien-être final du patient. La santé publique, efficiente et efficace, ne doit pas aboutir à une discrimination professionnelle actuelle à ce stade !
Daniel Carlier