Dépolitisation/abstention, les conséquences des Affaires… (2/2)
L’autre table ronde de ces Assisses nationales de l’éthique publique locale (jeudi après-midi) évoquait la lenteur, la prudence, et les excès des décisions de justice à l’égard des élu.e.s, les procédures baillons comme bouclier…judiciaire sans oublier l’impact dévastateur des Affaires sur l’opinion publique ! Notre démocratie doit faire face à ses contradictions d’un Etat de Droit (visuel Jacques Trentesaux, Directeur de rédaction de Médiacités).
Luc Brunet : « 0, 319%, loin du tous pourris…, mais ! »
Pour mesurer l’ampleur du phénomène, les chiffres sont importants afin de souligner que les élu.e.s, trop stigmatisés, ne sont pas des bandits. A cette fin, l’observatoire SMACL (risques de la vie territoriale) donne des chiffres clairs : « L’ensemble des poursuites contre des élu.e.s ne représente que 0,319% en rapport du nombre d’élus. Nous sommes loin du tous pourris. Sur la période 2014/2020, 36,7% de probité, 28,7% sur l’honneur, 17,9% sur la dignité, plus loin derrière les violences involontaires volontaires, et bien sûr les violences sexistes et sexuelles », commente Luc Brunet du SMACL.
Pour autant, des Affaires emblématiques font des dégâts monstrueux dans l’opinion publique. L’ancien Président d’Anticor, Jean-Christophe Picard, souligne le « recours excessif des élu.e.s à la protection fonctionnelle, il y a clairement un abus lorsque la procédure à l’endroit d’un élu est liée à un délit personnel et pas une responsabilité pénale liée à sa charge. Les contribuables financent des procédures baillons, cette disposition est mal encadrée, trop confinés entre les élus d’une majorité d’une collectivité publique. Une Affaire comme celle du couple Balkany est dévastatrice dans l’opinion publique. Tout cela entraîne une dépolitisation et par suite une abstention même aux élections locales ».
Et dans le même registre, Jean-Christophe Picard met en exergue le mauvais oeil des procédures contre des élus : « Si vous voulez évoluer dans la magistrature, mieux vaut ne pas postuler au PNF (Parquet National Financier), car vous avez aujourd’hui 25 postes disponibles pour 18 occupés. Chaque magistrat sait que s’il veut une carrière brillante, il ne faut pas travailler au PNF ».
D’ailleurs, ce qui est symptomatique dans les décisions de justice est la prudence absolue dans « le choix d’une sanction d’inéligibilité. C’est très rare. Les juges rechignent à prendre de ce type de décision », ajoute Eric Landot, avocat au Barreau de Paris.
« Le maire est un monarque sans contre pouvoir », Jacques Trenteseaux
A cette table ronde très éclectique, le Directeur de la rédaction du média d’investigation Médiacités (https://www.mediacites.fr), Jacques Trentesaux, rappelle les dossiers que ce média a traité comme vis à vis d’élus de la commune d’Auby, voire le Président de la MEL, Eric Castelain dont la réélection comme Président de la communauté urbaine, malgré des procédures en cours incontestables, pose un véritable questionnement sur l’éthique de tout l’échiquier politique de la Métropole lilloise : « En France, le maire est un monarque sans contre pouvoir, sans équivalent en Europe ! ».
Pour autant, Eric Landot, avocat au Barreau de Paris, amène un autre sujet de réflexion. « La Prise illégale d’intérêt est le délit le plus large actuellement, il englobe énormément de comportements de certains élus. Malheureusement, ce qualificatif sanctionne plus souvent les imprudents, les maladroits que les malandrins trop expérimentés pour se faire prendre ».
Pour autant, Mathias Amilhat, Maître de Conférence à l’université de Toulouse, rappelle « qu’il est facile d’attribuer un marché public à une entreprise de son choix, il suffit d’adapter les critères ».
Voilà quelques pistes de réflexions sur des évolutions souhaitées, car notre santé démocratique passe par un filtrage sans faille des abus de nos élu.e.s, même rares !
Daniel Carlier