Le cinéma à Valenciennes, souvenir de Jean-Mineur, Valenciennois, visionnaire !
A quelques jours du Festival 2 Valenciennes, cette publication veut rendre hommage à un fils de Valenciennes, bien connu des cinéphiles : Jean-Mineur. Chemin faisant, voici un entretien avec Fabrice Carlier, commissaire de l’exposition « Jean Mineur un Valenciennois dans le 20ème siècle » présentée à l’Hôtel de Ville de Valenciennes, il y a presque 15 ans déjà.
Après un ouvrage consacré à « Jean Mineur, la publicité passion« , Fabrice Carlier avait supervisé une exposition au sein de l’Hôtel de Ville de Valenciennes, retour sur un entretien avec un passionné des médias et du 7ème art (Couverture fin d’article). Justement, les amoureux de la toile seront gâtés avec le 12ème » Festival 2 Valenciennes » du 23 au 28 septembre 2022. Le visage choisi pour l’affiche de ce temps fort du cinéma sur le Valenciennois n’est pas anodin. En effet, il s’agit du regretté Patrick Dewaere, un comédien surdoué, parti trop vite, nous laissant quelques pépites comme « Les Valseuses » et « Mille milliards de Dollars ».
Daniel Carlier: Monsieur Carlier, peut-on dire que Jean Mineur était un visionnaire ?
Fabrice Carlier : Tout à fait ! C’était un valenciennois visionnaire en ce sens qu’il a vu les choses avant les autres. C’était un valenciennois : sa famille était établie à Valenciennes depuis quatre siècles, lui y est né et y a vécu durant 34 ans. C’était un visionnaire car il a cru que le cinéma pouvait être un facteur de développement de la réclame, comme s’appelait la publicité dans les années 20.
C’était un homme de défi qui a osé croire au développement de la réclame dans une époque qui lui était totalement hostile. Les mentalités étaient tout à fait différentes : un bon produit se vendait par lui-même et si l’on faisait de la réclame pour vendre un article, s’est qu’il n’était pas bon. Dans un monde de cinéma muet, noir et blanc et marginal, Jean-Mineur avait l’intime conviction que le cinéma pouvait devenir une rampe de lancement pour la réclame. Il s’est battu pour ses idées avec le résultat que nous connaissons.
Daniel Carlier : Ce ne fut pas facile ?
Fabrice Carlier : Non, il lui fallait convaincre les exploitants de salles de cinéma et les clients que le cinéma pouvait servir la réclame et la réclame, le cinéma. Il a donc sillonné la région uniquement muni de ses convictions et de son grand pouvoir de séduction.
C’est un exploitant de la région qui lui a offert la possibilité de diffuser une première réclame tournée et montée par ses soins. Petit à petit, ses réclames se vendaient. En 1930, il arrive même à s’offrir une jolie maison avenue du Général Horne à Valenciennes. Mais tout n’est pas gagné. Le PDG du groupe Havas essaye de le racheter. Jean-Mineur doit encore innover pour survivre.
Daniel Carlier : Que fait-il ?
Fabrice Carlier : Il utilisait plusieurs supports de réclame (les murs peints, la radio, la presse écrite…), il décide de se recentrer sur le cinéma. En 1938, il quitte Valenciennes pour Paris où il achète un bâtiment sur les Champs Elysées. Il a alors une nouvelle idée de génie : « plus mon numéro de téléphone sera simple, plus j’aurai d’appels » se dit-il. Le serveur téléphonique du quartier se trouvant dans la rue Balzac, le numéro commencera par ce nom. A force de le solliciter, il obtient le numéro 0001 et voilà le très célèbre Balzac 0001 né ! Il a alors l’idée du mineur (son nom de famille) et c’est Lucien Jonas (actuellement exposé au Musée des Beaux-Arts de Valenciennes) qui lui offre la première version en 1934. Cette version sera présente dans l’exposition à l’Hôtel de Ville.
Daniel Carlier : Et pendant la guerre ?
Fabrice Carlier : Les affaires déclinent du fait du manque de fréquentation des salles de cinéma et puis surtout, Jean-Mineur est fait prisonnier avant de s’évader. Il a tourné pendant cette période une cinquantaine de documentaires. En fin 1945, il a réalisé « Ici Londres, ici Paris » une reconstitution des discours de Radio Londres jouée par les vrais intervenants. Nous en avons aussi des photos ici et un DVD existe. Après la guerre, Jean Mineur a développé encore son idée selon laquelle « Mon support va m’aider, je vais aider mon support ».
Et voilà l’empire Jean Mineur en marche. Quant au mineur de Jonas, jugé trop triste à la fin de la guerre, il a été relooké par Albert Champeaux en 1948. Mais en allant au cinéma la fois prochaine et en regardant le jeune galibot surfer sur la vague du cinéma, c’est la version améliorée de 1952 que vous admirerez. Oui ! Jean Mineur était un Valenciennois ! Oui ! Il était visionnaire.
Daniel Carlier