L’EHPAD le Halage à Bruay(Korian) aux prud’hommes
La tempête de l’affaire Orpea a remis sur le devant de la scène la prise en charge, au sein des établissements dédiés, des personnes âgées. C’est pourquoi, le recours au Conseil des prud’hommes de Myriam Cousin et Karine Vermeulen contre le Groupe Korian, ce lundi 23 mai, est imprégné d’une situation nationale trop souvent étouffée, trop souvent ignorée, mais contre laquelle le deuxième poids lourd dans le métier, Korian, se défend avec pugnacité.
Comme dans toutes les procédures juridiques, le déroulé d’un événement peut s’interpréter d’une différente manière dans un dossier suivant son angle de vue. A titre d’exemple, Karine Vermeulen, psychologue à temps partiel au sein de l’EHPAD le Halage sur Bruay-sur-l’Escaut, commente un fait constitutif de ce dossier. « Chaque jour, durant la période COVID, nous devions réaliser un test PCR (pas obligatoire à l’époque). Le mardi, la personne en charge de ce test me demande de faire le test à 15H30, en non au début de mon service, je lui suggère de le faire au début de ma prise de service jeudi prochain, ne travaillant pas le mercredi, car je finissais à 16H30 et j’avais de plus une violente migraine. Compte tenu de l’heure, la personne en charge m’indique qu’il n’y a pas de problème. Jeudi matin, avant ma prise de poste, je reçois une lettre en AR pour m’informer de ma mise à pied », indique Karine Vermeulen. Sur ce fait précis, l’avocate du Groupe Korian met en exergue « la mise en danger des résidents de l’EHPAD par Karine Vermeulen » car elle n’aurait pas respecté les mesures sanitaires indispensables à l’exercice de sa fonction. Chacun fera sa lecture objective.
Karine Vermeulen est une psychologue avec un contrat de travail, à temps partiel de 10,20 heures au sein de cet EHPAD, et psychologue libérale par ailleurs, elle a été mise à pied par la Direction du Groupe Korian. Aujourd’hui, elle est en arrêt maladie, mais ne touche aucune rémunération. Pour sa part, Myriam Cousin, infirmière coordonatrice, a été licenciée. Certains paramètres sont communs « le harcèlement moral, voire la discrimination syndicale. Deux cadres dont le déroulement de carrière est exceptionnel. Ensuite, elles ont vécu la pandémie dans un EHPAD où 15 résidents sont décédés et 50% des personnes contaminés à la Covid », souligne l’avocat… avec en filigrane un message clair, tout ne se passait pas bien au sein de cet établissement médicalisé pour personnes âgées. Dans la lignée de ce dysfonctionnement présumé, Karine Vermeulen est devenue RPX (Le représentant de proximité), désignation contestée devant les tribunaux par le Groupe Korian, mais déboutée par les magistrats validant le statut de RPX de ladite salariée.
Pour sa part, l’avocate du Groupe Korian souligne que les relations avec la Directrice de l’établissement, en fonction depuis 2012, étaient de qualité : « Aucune de ses deux personnes n’avaient exprimé un reproche vis à vis de la direction jusqu’en 2019. Ensuite, ce fut une véritable campagne de dénigrement contre la Directrice de l’établissement ».
Autre fait dans ce dossier complexe, ces deux personnes ont participé à des manifestations les 25 mai et 17 juin 2020 « deux mouvements nationaux », commente l’avocate du Groupe Korian. L’avocat des salariées répond en brandissant des articles de La Voix du Nord « relatant des dysfonctionnements dans la gestion de cet EHPAD à Bruay-sur-l’Escaut. Nous parlons bien de problématiques locales dans cet établissement pour personnes âgées ». De plus, l’avocat pointe du doigt la politique maison « d’écartée des cadres qui osent parler ! ».
Cette psychologue aguerrie a signé en 2007 un contrat à temps partiel de 10,20 heures avec le Groupe Korian. Toutefois, les obligations légales ont été modifiées à posteriori. En effet, la loi en 2014 oblige tout contrat partiel à 24 heures minimum sans omettre la convention collective instaurant 16 heures minimum. « Le Groupe Korian met en avant des arguties juridiques afin de refuser cette modification contractuelle », commente son avocat. « Mme Vermeulen a refusé un contrat de 30 heures », répond l’avocate du Groupe Korian.
De son coté, Myriam Cousin, infirmière coordinatrice, a été licenciée par le Groupe Korian. « Nous contestons ce licenciement et la nullité de la procédure, et je précise que malgré la confirmation par la Cour de Cassation des plafonds de licenciement (réforme droit du travail), la nullité de la procédure n’engage pas les magistrats à respecter ce barème », précise l’avocat.
Pour sa part, l’avocate du Groupe Korian souligne que l’intéressée veut se faire de l’argent « et qu’elle pourrait trouver une offre d’emploi compte tenu de sa profession ». Elle suggère également que « Mme Cousin a été incapable d’organiser durant six semaines le fonctionnement de cet EHPAD ».
« C’est fou, on inverse complètement les rôles. La Directrice s’est mise en arrêt maladie compte tenu de son incapacité à gérer cette crise Covid au sein de son établissement, et maintenant on vient nous dire qu’elle s’est arrêtée parce que nous aurions mener une campagne de dénigrement », commente Myriam Cousin.
Les demandes devant le Conseil des Prud’hommes de Myriam Cousin et Karine Vermeulen s’élèvent à 58 757 euros pour Karine Vermeulen et 73 200 euros pour Myriam Cousin. Le rendu de ce jugement sera prononcé le 14 novembre 2022.
Daniel Carlier