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Des Bleus en silence aux Turbulentes 2022

Temps fort de cette édition des Turbulentes 2022, le spectacle de danse « Bleu silence » est incontestablement un focus artistique très abouti sur les violences conjugales. Une performance sur une thématique complexe à faire vivre artistiquement, un challenge compliqué, mais réussi, par la compagnie Vendaval.

A ce stade, tout va bien Mme la Marquise…rouée de coups !

Sur le parking du Boulon, la compagnie Vendaval distille, par deux fois, son spectacle durant cette édition des arts de la Rue 2022. C’est une création en résidence au sein du Boulon, mais ces artistes n’ont pas pu trouver une date pour une première sur le site du CNAR (Centre National des Arts de la Rue) de Vieux-Condé avant ce retour des Turbulentes. « C’est notre 3ème représentation. Enfin, nous pouvons présenter ce spectacle au Boulon », commente avec joie Carmela Acuyo, la directrice artistique, à la fin de l’envoi.

Remontons les pendules sur ce parking du Boulon où dans l’attente des artistes, l’emblématique Calixe fait patienter les curieux incrédules, les avertis sur ce sujet sensible des violences sexistes et sexuelles, les fans des Turbulentes, tout ce petit monde attend le sourire aux lèvres un événement retrouvé si pénalisé pendant la Covid.

La scénographie est à la fois dépouillée et riche en symboles, un espace artistique entouré par de la vaisselle cassée, des échelles de chantier, des chaises également pléthoriques complétant un décor en plein air intriguant. Enfin, les artistes arrivent vêtus d’un habit rouge vif, une couleur sang comme un 1er avertissement pour la suite de cette performance artistique.

Le spectacle commence avec une cantatrice marchant le long d’assiettes brisées, de verres fracassés, comme le signe d’un premier éclat avant la violence physique. Les premiers mots sont amoureux, car chaque violence conjugale démarre par une histoire d’amour. Les premières scènes insistent sur cette dimension charnelle et amoureuse.

Puis, chemin faisant, les disputes s’enchaînent avec une intensité à mesurer sur l’échelle de la violence des mots et des coups. Les artistes marquent avec brio cette escalade vers une intimité violente.

Des noms perdus dans une multitude

Au fil de cette performance, les artistes deviennent plus angoissants, les traits des visages se durcissent, les expressions corporelles changent, les mouvements deviennent saccadés, les mots tourmentés aussi prennent leur part comme un moment qui nous échappe.

Puis, chaque artiste décline son identité, chacun d’entre eux explique les coups reçus, ses bleus que rien ne justifie. Compte tenu de la multiplicité de ces vies quotidiennes, les voix de ces histoires violentes se superposent au point que l’on n’entend plus distinctement un vécu traumatique en particulier, c’est habile, c’est une réalité de notre société depuis l’histoire des rapports humains.

La scène suivante est fondamentale puisqu’elle met en perspective les mêmes victimes trouvant pour chaque bleu une excuse, un masque sur leur douleur, un moment de déni, parfois plus simple que de supporter d’autres coups, d’autres reprochent, d’autres dégradations physiques et morales.

« Bleu silence » est un hommage aux victimes, ces survivantes de l’enfer, celles qui ont eu le courage de parler, celles qui le feront demain, celles qui peut-être n’y arriveront jamais… !

A la fin de cette performance dansée, la voix de la cantatrice déchire à nouveau les nuages, réchauffe nos yeux écarquillés, glace notre sentiment ébaubi d’admiration, elle boucle ce silence si parlant ! Enfin, après ce spectacle, un représentant de la commune s’exprime sur la lutte dans le Pays de Condé contre les violences intrafamiliales. Sur ce sujet comme tant d’autres, le lien entre l’art, l’action associative, et la volonté politique est indispensable afin d’éradiquer ces violences, de réduire le fléau des féminicides, un pacte de vie signé trop souvent avec de l’encre couleur de sang !

Daniel Carlier

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