Mars 2016, une poubelle est incendiée devant une épicerie roumaine dans le centre de la ville de Denain, et voilà qu’un feuilleton judiciaire et médiatique commence dans des proportions insoupçonnables au regard de la réalité des faits. Six ans après, la justice tranche en faveur de Yohan Senez, ex directeur de cabinet d’Anne-Lise Dufour à la mairie de Denain, à travers un « non lieu pour pour insuffisance des charges ». Retour sur une histoire judiciaire singulière… !
Yohan Senez : « Je veux répondre aux bruits médiatiques et politiques (6 ans après) »
En compagnie de son avocat, maître Pianezza, Yohan Senez, ex directeur de cabinet d’Anne-Lise Dufour à Denain, aujourd’hui Président du club de Basket Denain Voltaire depuis 3 ans, a voulu communiquer sur une décision de justice très favorable à son endroit.
Ce dossier atypique est à restituer dans un contexte jouant à plein dans son évolution médiatique et peut-être judiciaire « l’un nourrissant l’autre et inversement », commente Yohan Senez. En effet, à cette époque Denain est victime « d’un réseau de mafieux achetant à bas prix des maisons dans le centre-ville (dégradé) afin de les louer à des Roms venus en nombre sur la commune », ajoute-t-il. Effectivement, cette migration massive de Roms faisait grand bruit durant cette période. Elle a pu s’endiguer grâce à une Task Force mise en place entre le Parquet de Valenciennes, la Police nationale, la CPAM, la CAF, les impôts, etc. afin de traquer les fraudeurs aux aides sociales. Evidemment, l’ex Directeur de Cabinet était inquiet de cette situation extraordinaire sur la commune comme tant d’autres !
Ensuite, la concomitance avec une montée du Front National et l’élection future, en juin 2017, de Sébastien Chenu a participé à ce sentiment judiciaire électrique. D’ailleurs, l’emballement médiatique est quasi immédiat où le média national, le JDD, sans doute le plus imprégné par la politique dans le paysage de la presse nationale, évoque un mode « Baron noir à Denain sans jamais m’avoir interviewé », précise Yohan Senez. Un autre reportage fera grosse impression, en l’occurrence une émission Sept à Huit sur TF1.
Pour autant, Yohan Senez insiste sur le fait que ce n’est pas le Front National qui a le plus critiqué cette affaire, mais « Sabine Hebbar très rapidement dans ce dossier, et ensuite Ludovic Tonneau dans une autre temporalité », assène-t-il. En clair, à la clôture de dossier, tout recours purgé, car « cet arrêt de la Chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Douai date du 25 février 2022, nous avons entendu tous les délais de recours avant de communiquer. Nous aurions pu communiquer la semaine dernière, mail il ne m’apparaissait pas opportun de le faire avant le second tour de la Présidentielle », explique Yohan Senez. « C’est maintenant une décision judiciaire définitive et claire », ajoute Maître Pianezza.
« un contrôle judiciaire avec des obligations ahurissantes », Maître Pianezza
En effet, avant cette fin espérée par Yohan Senez, le dossier fut pour le moins tortueux. Nous partons dans la nuit du 20 au 21 mars 2016 où un incendie de poubelle, volontaire, dont les flammes viennent noircir l’épicerie roumaine attenante débouche sur une enquête serrée par les autorités de Police. Résultat, une personne mis en examen pour incendie volontaire, une autre pour complicité d’incendie volontaire, et Yohan Senez accusé de commanditer cet incendie volontaire à caractère xénophobe… trois mois après. « Un incendie de poubelle est de l’ordre d’un tribunal correctionnel, son caractère xénophobe implique un acte criminel et le passage aux assisses », souligne Maître Pianezza.
Cet avocat pénaliste, inscrit au Barreau de Lille, est intervenu après une première procédure où Yohan Senez fut mis en examen avec « un contrôle judiciaire avec des obligations ahurissantes où M. Senez ne pouvait plus se rendre sur Denain…, quasi une mort professionnelle ». Ce contrôle judiciaire a été revu à la baisse après un recours, Maître Pianezza juge également une modalité d’intervention disproportionnée « il n’était pas utile de procéder à une interpellation, menottes aux poignets, une garde à vue (48h) dans les locaux de Police sur Lille… »
Pour autant, l’intéressé rappelle avec force que cette accusation reposait uniquement sur un témoignage d’un élu où ce dernier s’est « rétracté à plusieurs reprises », précise l’avocat. Moins connue, la mise en examen est d’abord un acte technique et ouvre des droits à la défense dont celui d’accéder à son dossier. « C’est ainsi que nous avons pu prendre connaissance des propos du témoin clé où il indique clairement à la SRPJ de Lille que je n’avais jamais demandé à incendier cette poubelle devant cette épicerie roumaine », indique Yohan Senez.
« 6 ans dans ce type de dossier, c’est une éternité ! », Maître Pianezza
Bien sûr, la Covid a plombé les dossiers dans les ressorts judiciaires de France, mais pour autant ce dossier fut particulièrement long. En effet, sachant que les actes de procédures ne furent pas légions, outre l’enquête par la police judiciaire avec les investigations requises, mais avec une confrontation entre le témoin clé et Yohan Senez le 28 novembre 2018 « où mon accusateur répète à plusieurs reprises que je n’ai pas commandité cet incendie volontaire », indique Yohan Senez. « A la sortie de cette confrontation, mon client et moi, nous pensions à une décision de non lieu compte tenu que le seul élément à charge (le témoignage) n’existait plus », commente Maître Pianezza. Dans la foulée, l’avis de la fin d’instruction intervient le 18 décembre 2018.
Ensuite, un événement judiciaire vient, en plus, freiner cette procédure avec la demande de dépaysement du dossier « demandé par le Procureur de la République de Valenciennes en juillet 2019. Pourquoi cette demande de dépaysement ? », commente Maître Pianezza, alors que l’ensemble de l’instruction a été réalisée sur le ressort de Valenciennes. « On peut évaluer à huit mois de plus en terme de délai dans ce dossier », ajoute Yohan Senez.
Puis, le coup de massue le 22 juin 2021 où une ordonnance de mise en accusation sous l’égide d’un nouveau juge d’instruction « reprenant le dossier papier instruit par son prédécesseur », précise l’avocat, mais aboutissant « à une mise en accusation » débouchant sur un procès aux assisses « contre laquelle nous avons fait appel très rapidement », ajoute Maître Pianezza.
Enfin, une audience en appel le 07 décembre 2021 et un arrêt de 50 pages rendu le 25 février 2022… « Je veux souligner le travail sérieux de la Chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Douai. Elle constate un contexte, une inquiétude de mon client sur le sujet des Roms, mais conclut à un non lieu pour insuffisance de charges », poursuit Maître Pianezza. « 6 ans dans ce type de dossier, c’est une éternité ! », conclut-il.
« La réalité l’emporte sur le récit », Yohan Senez
Le Président du club de basket revient sur ses questions durant cette procédure au long cours : « A chaque fois, on a voulu justifier ces revirements du témoin ». Il acquiesce « oui, il y a eu des réveils plus difficiles que d’autres. En juin 2021, ce fut très difficile ».
Son avocat profite de cette porte d’humanité pour souligner « la solidité de M.Senez, toujours très attentif. Beaucoup auraient craqué dans ce type de situation. Je suis pénaliste et j’ai l’habitude de défendre des personnes plus habituées aux procédures judiciaires. En l’espèce, M. Senez est complètement en dehors de ce cadre. Là, cet appel à Douai était le dernier filtre avant un procès d’assisses, totalement ridicule face à l’encombrement des tribunaux avec des affaires plus sensibles », déclare Maître Pianezza.
Yohan Senez n’oublie pas le comportement des acteurs et actrices politiques au moment où vous êtes au fond du trou. « Je tiens à remercier Anne-Lise Dufour qui m’a fait confiance jusqu’au bout de son mandat (mars 2020), il n’était pas évident pour un édile de la maintenir compte tenu du chef d’accusation. Ensuite, je remercie également Laurent Degallaix, pas ami politique en 2016, pour m’avoir invité à un repas Place d’Armes pour être vu, un geste que j’ai apprécié. Enfin, je remercie le club de Denain Voltaire où un Conseil d’administration m’a élu comme Président à un moment où ce n’était pas évident », commente Yohan Senez.
« Ce sera ma seule communication sur cette fin de procédure, mais je tenais à répondre aux bruits médiatiques et politiques (6 ans après). Je n’ai aucune ambition politique à ce stade. Je travaille de nouveau avec Anne-Lise Dufour à travers le Syndicat des eaux du Denaisis dont elle est présidente. Le SIAD est en charge du dossier très important de ce réseau des eaux usées sur le site des Pierres Blanches », conclut Yohan Senez.
Presque sur un ton plastique, Yohan Senez rappelle que cette décision de justice colle « à mes propos depuis le début de ce dossier. Je n’ai jamais varié de déclaration. Ma conclusion dans cette faire est que la réalité remplace (enfin) le récit ». Tout ça pour ça même si deux personnes sont toujours sous le joug d’un procès à venir et à suivre.
Daniel Carlier