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Josiane Dodre, une histoire sans fin… administrative !

Nous pourrions croire à un raté administratif, une erreur sur la personne, mais non Josiane Dodre dot passer devant le Tribunal du Commerce de Valenciennes le 02 juillet 2021 pour un défaut de déclaration des bénéficiaires dune société (loi Sapin 2, 09/11/2016) disparue depuis le 20 sème siècle. Entretien avec Mme Dodre, 89 ans, une citoyenne perdue face à la machine administrative.

Josiane Dodre : « Je n’ai plus aucun document sur cette entreprise disparue »

Ce cas d’école est indissociable de l’histoire de la faïencerie sur la commune de Saint-Amand-les-Eaux.  En effet, l’art de la faïence à traversé les siècles au sein de la cité thermale, mais avec les aléas de l’économie. Début des années 83/84, l’entreprise spécialisée est sur le point de disparaître via un dépôt de bilan. « Nous avons été jusque 500 salariés sur ce site. L’entreprise avait plusieurs site en France », précise Josiane. Fleur au fusil, courage dans les coeurs, un groupe de salariés, 38, dont Josiane Dodre reprend cette entreprise sous le nom « Société Nouvelle Faiencerie de Saint-Amand ».

Dans l’esprit que le Droit a encadré aujourd’hui sous l’appellation de SCOOP, ce groupe de salariés reprend le flambeau, une gageure ! 

« Difficulté à ouvrir un compte bancaire », Josiane Dodre

Il est important de situer cette reprise d’entreprise, 1981, élection de François Mitterand, début des années 1980…fin d’Usinor sur le Valenciennois, mais « nous avons réussi à reprendre une activité (en 1984 visuel photo). Pour le reste, tout fut compliqué même ouvrir un compte bancaire. Personne n’était payé, tout le monde touchait le chômage, nous étions de fait tous bénévoles pour relancer cette entreprise. Nous avions un seul salarié, le commercial ! », explique-t-elle.

« ONL venu jouer dans la cour d’usine », Josiane Dodre

Elle tient à préciser avec fierté que les ventes des premiers mois « ont permis de racheter une nouvelle machine, plus moderne, plus rapide pour la fabrication de nos commandes. Au début tout le monde a joué le jeu, les communes commandaient, les entreprises, etc. ». A tel le point que cette histoire humaine a touché le grand public.

« L’Orchestre National de Lille est venu avec M. Casadesus joué dans la cour de l’entreprise », raconte Josiane. D’autres personnalités ont pris fait et cause pour cette idée que rien n’est jamais perdu, sauf que la réalité économique a vite emporté cette idée généreuse.

« Je n’ai plus aucun document sur cette entreprise disparue »,Josiane Dodre

Au bout de deux années, l’activité doit cesser, car à un moment donné ce travail bénévole n’a pu se convertir à travers l’embauche des 38 salariés. C’était le corollaire indissociable de cette aventure. Bien sûr, cela se passe mal, l’entreprise est occupée et Josiane Dodre est passée devant le TGI de Valenciennes, et condamnée pour occupation illégale. « Je tiens à souligner que je n’ai eu aucune peine. Par contre, ces deux années m’ont plongé dans une profonde dépression nerveuse qui dura plusieurs mois. Aujourd’hui, je n’ai plus aucun document relatifs à cette entreprise. Je suis complètement perdue. Je n’ai plus de souvenirs sur les dates précises, les documents signés, etc.», indique-t-elle. Bref, le temps a fait son oeuvre pour effacer cette aventure qui n’est pas un échec, jamais le goût d’entreprendre ne doit être jugée comme tel !

Toujours est-il que défaut de radiation a été constaté. A un moment donné, la gérante, un comptable, etc. n’a pas effectué la démarche de radiation de l’entreprise. Donc, techniquement, elle existe toujours et Mme Dodre est sanctionnable au titre du non respect de la loi Sapin 2 (novembre 2016) pour non déclaration des bénéficiaires obligatoire avant le 01 avril 2018 (art L561-2-2 et suivants). Evidemment, cette loi a toute sa vertu dans la lutte contre le blanchiment d’argent…, là n’est pas le sujet.

Comme chaque jour, les magistrats jugent en pleine conscience et indépendance la lettre et l’esprit de la loi. Certes, elle n’est pas respectée, mais diable cette situation presque incongrue aujourd’hui tant la norme administrative est étoffée, démarrait sur l’idée de poursuivre une activité en touchant une indemnité de chômage… à titre bénévole. Au XXIème siècle, les techniciens de l’Etat rivalisent tous les jours d’innovation pour trouver le meilleur chemin vers l’emploi. Cette méthode fut et est encore explorée pour accompagner la reprise d’une activité. L’initiative de base était incroyablement positive, certes pas assez encadrée, mais en 2021 au moment où la sortie sanitaire doit s’accompagner d’une reprise économique impérieuse, il faut un élan, des emplois à pourvoir, des entreprises à sauver, un sens pour de l’entreprenariat, tout y était en 1984 dans l’esprit !

Est-il possible qu’en 2021, une justiciable de 89 ans soit condamnée pour un défaut administratif 35 ans plus tard… ? En terme responsabilité du chef de l’entreprise, envoie-t-on tous les hommes qui n’ont pas déclaré leur conjoint collaborateur durant des décennies au XXème siècle, notamment pendant les 30 glorieuses, car c’était NORMAL, avec des situations financières problématiques aujourd’hui (le mot est faible) pour des milliers de veuves !!!

Courrier d’Alain Bocquet au Garde des Sceaux (document à consulter).

Daniel Carlier

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