Xavier Bertrand en chemin vers le TER HDF privatisé à 100% ?
En Gare SNCF de Valenciennes, syndicats, candidat.e.s aux régionales, et élu.e.s étaient présents afin de contester les choix politiques du Président de la Région Hauts-de-France relatifs au réseau TER régional. Clairement, il dénonce, derrière une amorce de privatisation partielle, une volonté de transférer le déplacement ferré dans les Hauts-de-France au privé dans un futur pas si lointain !
Dominique Sens, délégué CGT Cheminot : « C’est une ouverture à la concurrence dogmatique »
Tout d’abord, il faut rappeler un carcan légal européen sur le transport ferroviaire. En deux phases, l’Europe a d’abord ouvert à la concurrence le fret ferroviaire et le transport voyageur à l’international, cette phase fut définitivement bouclée en 2004.
Ensuite, le trafic passager constitue l’énorme marché de l’Union européenne. Suite à la Directive européenne en 2016, l’Etat français a promulgué une loi à l’Assemblée nationale en juin 2018 autorisant l’ouverture à la concurrence du trafic passagers.
Dans les faits, les lignes non conventionnées comme les TGV sont ouvertes à la concurrence depuis fin 2020. Par contre, les lignes conventionnées (avec les régions ou autres) seront ouvertes à la concurrence au plus tard en 2023, donc le 01 janvier 2023 techniquement.
Fort de cette obligation pour le transport ferré régional, plusieurs pistes sont possibles pour les exécutifs régionaux.
Face à cette échéance, le choix du Conseil régional des Hauts-de-France fut limpide. En 2020, le Conseil régional a lancé un appel pour trois lots de lignes en 2020 représentant 20% de son réseau TER, l’Etoile de Saint-Pol-sur-Ternoise « poussée jusque Lille », précise Dominique Sens, mais également l’Etoile d’Amiens et la ligne Paris-Beauvais. Puis en mars 2021, 3 nouvelles lignes sont en mode ouverture à la concurrence, Paris à Calais, Cambrai à Lyon, et la future desserte Roissy-Picardie… !
Le problème n’est pas forcément cette ouverture à la concurrence tôt ou tard contraint par l’Europe, mais la méthode… très culottée, limite usage « Manipulation politique avec l’argent de citoyens »… indique un Communiqué de Presse distribué avant cette manifestation.
« 92 millions d’euros pour refaire une voie en concession… au privé », Dominique Sens
En effet, la Région des Hauts-de-France était plutôt Harpagon concernant la rénovation des infrastructures ferroviaires sauf que… ! La Région Hauts-de-France met 92 millions d’euros pour rénover une voie ferrée, commande 33 nouvelle rames, sur un axe désigné en ouverture à la concurrence. L’élue d’Armentières, ex Conseillère régionale, et candidate sur la liste d’Union de la Gauche, voit « 92 millions d’euros pour refaire une voie en concession… au privé. Il fait pour le privé ce qu’il ne voulait pas faire pour le public ! Après, ce sera très simple de comparer un niveau de service privé bien meilleur que le service public ! », assène Valérie Pringuet.
En effet, la méthode ne manque pas de sel. « Xavier Bertrand compare toujours le modèle Allemand, mais nous sommes très différents de l’Allemagne », commente Dominique Sens. En effet, pour les habitués de l’Outre-Rhin, le bus remplace dans de nombreux Landers le rail, c’est une autre culture que la notre. Pourtant, ce n’est pas la 1ère fois que des velléités s’exercent en la matière dans d’autres pays. « En Angleterre, ils ont privatisé le réseau ferroviaire avec les catastrophes que nous connaissons. La libéralisation amène de l’insécurité ferroviaire. Il y a d’autres choix pour les régions. C’est une ouverture à la concurrence dogmatique. Si Xavier Bertrand est réélu Président de la région, il entamera une privatisation complète de TER Hauts-de-France. D’ailleurs, ces services travaillent déjà avec des candidats privés ou semi-publics comme la DB (Deutche Ban) », poursuit Dominique Sens.
« Notre combat vaut pour les cheminots comme pour les usagers », Heloise Dhalluin
Des candidats n’hésitent pas à souligner une autre approche du transport public régional. « En Occitanie et en Bretagne, le choix d’une attribution à la SNCF a été faite avant la date (fatidique) de l’ouverture à la concurrence officielle », commente Sandrine Gombert, maire de Petite-Forêt et candidate sur la liste de Karima Delli.
Mais derrière cette décision, vous avez une logique politique assumée. « Nous serons dans une logique de rentabilité avec le maintien des lignes aux heures pleines et des bus pour les heures creuses », pointe Heloise Dhalluin, cheminote et présente sur la liste de Karima Delli. Elle ajoute que certains acquis sociaux des cheminots seront mis en péril « 15 mois après le transfert chez l’exploitant privé de la DSP. Notre combat vaut pour les cheminots comme pour les usagers », ajoute Heloise Dhalluin.
Bien sûr, cette nouvelle philosophie va écarter les communes isolées d’un moyen de transport partagé de qualité, car peu ou pas rentable. A ce titre, le Rapport « Mobilité et Accès à l’emploi » de février 2021 dans les Hauts-de-France est très éclairant sur la nécessite d’un liant mobilité/emploi. Ce document commence en note de synthèse par fournir un chiffre édifiant « en France, on peut attribuer entre 1 et 2,5 points de pourcentage de taux de chômage aux mauvais appariements géographiques », Cour des Comptes-Chambres Régionales & territoires des comptes (document à télécharger).
Remettre en cause ce choix politique
Sur cet item, nous avons déjà un recul concret. En effet, l’Europe a mis en concurrence le Fret ferroviaire au début du 21ème siècle. Le résultat fut une baisse drastique du Fret ferroviaire en France au point que l’Etat reprenne les choses en main avec la programmation de trois axes majeurs de Fret Ferroviaire. Concrètement, trois lignes vont être ouvertes entre Bayonne et Cherbourg, Sète et Calais et enfin le Perpignan-Rungis qui devrait être allongée entre Anvers et Barcelone. C’est le retour à la raison… !
Compte tenu que l’appel d’offres est prévu pour fin 2021 avec une mise en oeuvre fin 2023, les candidat.e.s n’hésitent pas une seconde « nous remettrons en cause ce processus de privatisation si Karima Delhi est élue à la Présidence de la Région Hauts-de-France. De plus, nous souhaitons un transport gratuit pour les moins de 26 ans sur l’ensemble de la région Hauts-de-France », indique Valérie Pringuet.
Christophe Vanhersecker, élu d’opposition sur Trith St -Léger et présent sur la liste de l’Union de la Gauche, se pose la question « Xavier Bertrand se rend-t-il compte que cette région est au coeur de l’industrie ferroviaire en France ? ».
Enfin, sur le plan de la sécurité, si précieux au candidat à la Présidentielle, Christine Laurent, ex élue ville de Valenciennes, militante du P.S, souligne « que pour une femme, voyager le soir en train sans aucune présence d’un agent de la SNCF est très insécuritaire. Il faut cesser cette déshumanisation du service public ferroviaire ». L’actualité du 18 mai suite à un incident de caténaire a permis de mesurer qu’en Gare de Lille… il n’y avait plus aucun agent d’accueil pour informer les usagers. Ça promet cette privatisation présumée !
La rentabilité d’un service au public comme une boussole chez Xavier Bertrand
La conclusion est assez limpide, car parfois on taxe les Politiques d’un manque de cohérence total. Par contre, concernant Xavier Bertrand, il reste dans sa ligne politique extrêmement cohérente, fidèle à ses petits cailloux posés depuis 10 ans. En effet, comme Ministre de la Santé, à travers sa vision d’un Hôpital public plus efficient (T2A), il a initié l’économie sur la santé publique avec le Centre Hospitalier de Valenciennes comme exemple. D’ailleurs, elle est symbolisée aujourd’hui par un besoin criant de lits de réanimation. Et on ne reparlera pas du changement de mode de gestion des stocks de masques auxquels les Gouvernements successifs ont contribué à la situation que l’on a connu en 2020. L’ancien Ministre de la Santé a beau devant une commission Sénatoriale mettre en exergue l’état des lieux en la matière à son départ, lorsque le lavabo est plein et que l’on retire le bouchon juste avant de partir… ! Au moins, cette vision politique globale amène à un résultat que nous connaissons dix ans après.
En l’espèce, le choix d’une privatisation dans les années futures du TER régional, voire dans les 13 régions, nous amènerait à un résultat simple dans dix ans. Moins de mobilité sur rail pour les usagers compte tenu de la hausse des tarifs, moins de lignes sur rail compte tenu du syndrome de la rentabilité, plus de précarité sociale faute de déplacement pour accéder à un emploi, moins de service public, moins de transition écologique… Tout cela est parfaitement cohérent, c’est un choix politique clair et bien en ligne de mire du Président de la Région des Hauts-de-France. Au moins, nous avons un candidat qui affiche ses ambitions, le rail rentable pour quelques uns, mais avec nos impôts, le reste pour les autres ! Avec un peu de recul, le plus inquiétant est le cruel manque d’imagination des politiques pour résoudre des dossiers, certes complexes, mais centraux pour une cohésion social d’ensemble…. ! Après la logique du banquier, la rentabilité de l’assureur… s’offre aux électrices et aux électeurs !
Daniel Carlier