Quel est l’avenir concret du patrimoine minier ?
Cette question pourrait sembler superfétatoire au regard d’une inscription au patrimoine mondial, ô combien méritée, pour l’ensemble du Bassin minier sur le Nord Pas-de-Calais. Pour autant, la réalité de terrain concernant le coût d’entretien d’un élément remarquable, voire sa réhabilitation stricto sensu, conjuguée à l’appropriation par la population de ce capital mémoriel pose question sur les moyens financiers et humains nécessaires. Notre corpus sociétal sera-t-il à la hauteur de cet enjeu crucial pour notre territoire ? Tel était le fil rouge de l’interview de Cathy Apourceau-Poly, réélue le 17 décembre dernier présidente de l’association « Mission Bassin Minier » pour 6 ans.
(Visuel de la Fosse Mathilde à Denain, site en grand danger/DR Mission Bassin Minier sur tous les visuels)
Cathy Apourceau-Poly : « On doit jongler en permanence »
L’association Mission Bassin Minier fut mise sur les fonts baptismaux en décembre 1998. Sous l’impulsion de Jean-François Caron, le travail au long cours fut récompensé à travers l’inscription du Bassin minier au Patrimoine mondial de l’Unesco le 1er juillet 2012. Un honneur pour les 89 communes, et 353 éléments remarquables composant cette mosaïque de notre identité, mais surtout un défi à plusieurs étages. Ce début d’année 2021 renforce un peu plus cette complexité de terrain à nul autre pareil.
« Ce n’est pas simple en ce moment. Toutes nos activités liées à l’attractivité de notre patrimoine minier furent gelées en 2020, mais nous restons positifs. Je parle des événements culturels à l’instar des bals du patrimoine mondial ou sportifs comme le Trail des Pyramides noires. Là, nous regardons vers 2021, car nombre de manifestations sont en plein air ce qui nous laisse plus de latitude », commente la Présidente de la MBM, et sénatrice.
Le chantier de la signalétique
Faute de rencontre avec le public, d’autres actions étaient fléchées par l’association. » Nous avons poursuivi le déploiement des totems sur chaque site comme sur la Cité des Electriciens à Bruay la Buissiere, mais également la signalétique dans les communes qui composent les 7 EPCI (Agglo) membres de notre association. C’est un vaste chantier ! » , précise la présidente.
Cette action met en lumière les partenaires indispensables comme la région Hauts-de-France tout comme les collectivités locales. « J’espère que cette situation sanitaire va s’arranger, car le coût sanitaire et économique constitue un problème énorme pour les EPCI. Elles doivent faire, notamment, face à une baisse des ressources lorsqu’une entreprise disparaît… », commente Cathy Apourceau-Poly.
L’appropriation par l’attractivité
Après la digestion naturelle de l’inscription au Patrimoine Mondial, sa mise en lumière, le faire savoir en terme de communication, l’heure est à l’indispensable appropriation collective des sites naturels comme les bâtis de notre paysage minier. « Nous travaillons beaucoup avec les offices de tourisme sur l’attractivité de nos territoires miniers, le sport nature à travers des manifestations sportives, mais également les modes doux d’un parc à l’autre. D’ailleurs, cette réflexion s’organise avec la « Chaîne des Parcs » comme pour les terrils », précise la présidente.
Ensuite, il s’avère incontournable qu’une activité économique vienne se greffer sur ces sites remarquables. « Ces sites ne suffisent pas à eux-mêmes. Il faut inciter à visiter, et à y rester plusieurs jours dans ce Bassin minier. A ce titre, un hôtel vient de s’ouvrir devant le Louvre-Lens, mais il faut de la restauration, des circuits, mais également des gîtes dans des anciens logements miniers. Nous commençons à oeuvrer dans ce sens », commente la Présidente.
Le fameux moyen séjour si cher aux professionnels du tourisme est clairement la cible visée.
« 20 000 logements minier à rénover », Cathy Apourceau-Poly
Dans les missions de la MBM, l’habitat du cercle familial des mineurs revêt une importance fondamentale. Sur les deux départements, les logements miniers sont au nombre de 60 000, mais il y a urgence concernant 20 000 logements miniers à rénover dont l’immense majorité appartiennent au bailleur « Maisons et Cités » (ex SOGINORPA). « Bien sûr, nous ne sommes pas le financeur, mais nous sommes dans le tour de table. A ce titre, nous identifions pour le bailleur les sites et les besoins spécifiques. Outre les logements, vous avez également l’espace public environnant et les lieux de vie à charge des acteurs publics », explique Cathy Apourceau-Poly.
Cet appendice nous permet de rappeler que, sur un budget global d’environ 1,7 millions d’euros, la Région des Hauts-de-France finance l’association « Mission Bassin Minier » à hauteur de 47%, 23 % les 7 EPCI, 16% les 2 départements, et 14% l’Etat.
« Des sites en danger », Cathy Apourceau-Poly
Presque un corollaire à l’investissement public, l’avenir de certains sites répertoriés dans les éléments classés au Patrimoine mondial sont en grand péril. Pour mieux comprendre, il est important d’analyser la situation sur le terrain. Si l’arc du Bassin minier se situe sur deux départements, une différence notable est à prendre en compte. En effet, le département du Nord recense environ 570 communes pour 2,5 millions d’habitants, tandis que le Pas-de-Calais est composé de 891 communes pour 1,5 millions d’habitants. « Le Pas-de-Calais est le département de France avec le plus de communes, et par suite beaucoup de très petites communes avec aucun moyen financier pour restaurer, ou entretenir, un site inscrit au Patrimoine mondial », commente Cathy Apourceau-Poly.
« Nous avons donc des sites miniers remarquables en grand danger. C’est un problème pour les municipalités. Compte tenu de la qualité de Patrimoine mondial, les collectivités locales ne peuvent pas toucher sans notre validation au bâti ou au site naturel. D’ailleurs, un site dégradé sur une commune peut-être un handicap. Cela donne également une image négative d’ensemble du Bassin minier… Il faut avouer que durant cette période de crise sanitaire et économique, ce n’est pas la priorité absolue. C’est pourquoi, je reste souple, il faut rénover et ne pas perdre l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco. On doit jongler en permanence ! », conclut la Présidente de la Mission Bassin minier.
Daniel Carlier