Territoire

Responsabilité environnementale (administrative) de TEREOS engagée… !

Après un point de situation en juillet dernier sur l’affaire de la pollution de l’Escaut par l’entreprise betteravière TEREOS, le Préfet de la région des Hauts-de-France a organisé une conférence de presse à l’issue d’un comité de pilotage très attendu par les différents parties.

Michel Lalande : « J’engage une action en Responsabilité environnementale administrative contre l’entreprise Téréos »

Dans la nuit du 09 au 10 avril 2020, une digue de l’entreprise TEREOS a rompu occasionnant une pollution dans l’espace environnant, mais surtout une pollution organique massive dans le fleuve de l’Escaut. « Je rappelle que cet épisode est intervenu durant le 1er confinement et le week-end de Pâques, nous n’avons pas eu les retours habituels sur un type d’événement que nous savons traiter par ailleurs », entame Michel Lalande (https://www.va-infos.fr/2020/07/02/michel-lalande-nous-parlons-dune-pollution-dramatique-pour-lescaut/ et https://www.va-infos.fr/2020/05/02/tereos-seuls-les-poissons-morts-ont-tout-compris-1-3/)

La faune et la flore ont payé le prix fort en aval de la dite digue en France et en Belgique. Sans surprise, une kyrielle de plaintes est tombée venant de Belgique, mais également en provenance des associations, voire organismes en France. A cette heure, une enquête judiciaire a été ouverte par le Ministère public de Cambrai, mais également par l’OFB (Office Français de la Biodiversité).

« Un comité de pilotage inédit », Michel Lalande

D’entrée de conférence, le Préfet de région constate « un dommage important pour la population piscicole, c’est pourquoi, j’engage la responsabilité environnementale, comme le prévoit l’article L160-1 du Code de l’environnement. A l’issue de cette procédure, je rendrai mes décisions, et les mesures contraignantes pour TEREOS afin de réparer les préjudices subis par la faune et la flore ».

L’article en question : « L’article L. 160-1 du Code de l’environnement indique que « le présent titre définit les conditions dans lesquelles sont prévenus ou réparés, en application du principe pollueur-payeur et à un coût raisonnable pour la société, les dommages causés à l’environnement par l’activité d’un exploitant ».

Face à un front uni contre les agissements de TEREOS, le Préfet Michel Lalande a organisé « un comité de pilotage inédit avec tous les parties concernées, l’entreprise TEREOS, les services de l’Etat, les organismes indépendants, et les associations environnementales, mais également de pêcheurs. Je ne pense pas que nous trouvions d’exemples équivalents ».

« Un effondrement de l’éco-système vivant », Emilie Ledein

Emilie Ledein, Directrice adjointe de l’OFB Hauts-de-France

Concernant les dommages directs, l’observation de l’Office Français de Biodiversité des Hauts-de-France est implacable. « Nous avons effectué des pêches électriques sur notre site de Fresnes-sur-Escaut. En mai, nous avons récolté 13 poissons contre 140 en moyenne, et une en octobre avec 40 poissons contre 140 en moyenne. Cela correspond à un effondrement de l’éco-système vivant, soit -70 % de la biomasse piscicole, et 46% de réduction dans la diversité des espèces », commente Emilie Ledein, la directrice adjointe de l’OFB des Hauts de France. Le chiffrage mortifère de la population piscicole s’’évalue à 8 tonnes de poissons morts en France, et 4 à 4,5 tonnes en Belgique.

Elle poursuit son propos sur l’inquiétante persistance d’un phénomène « de déséquilibre du milieu. Les espèces endogènes se réduisent et des espèces exogènes très résistantes dans un milieu dégradé, le Gobie à tache noires et l’écrevisse américaine, prolifèrent actuellement ».

Les solutions ne sont évidentes pour réduire le « Gobie à tache noires, il peut devenir carnassier avec les oeufs des autres espèces. Nous allons agir sur le milieu du fleuve de l’Escaut et des rivières, une diversification de l’habitat, la qualité des berges, etc. En France, il n’y a pas eu d’expérience de tentative de destruction directe d’une espèce invasive », poursuit Emilie Ledein, directrice adjointe de l’OFB hauts-dFrance, et ex responsable au sein de VNF (Voies Navigables de France).

Le Préfet conforte ce constat « nous ne comprenons pas (encore) pourquoi le milieu naturel ne revient pas à l’état initial ». La nature reprend ses droits, mais pas toujours visiblement !

« Impact durable, mais pas rémanent », Olivier Nourrain

Michel Lalande, Préfet des Hauts-de-France

Pour le Directeur régional de la DDTM, Olivier Nourrain, cette pollution aura incontestablement « un impact durable sur l’écologie, mais pas rémanent. Il n’y aura pas de séquelles au long cours. Par contre, à ce stade, nous sommes très loin de la restauration écologique ».

La résultante d’un coût significatif pour cette réparation écologique est évident. « Cette procédure en responsabilité environnementale n’est pas engagée pour que le contribuable paye », tance Michel Lalande.

A ce titre, Emile Ledein affirme « il n’y a aucun danger pour les pêcheurs ».

« Des écarts entre les analyses », Catherine Bardy

Durant ce comité de pilotage, l’entreprise TEREOS a présenté les expertises en la matière. « On observe des écarts entre les analyses des laboratoires, notamment sur les prélèvements avec une pêche électrique en août sur le site de Maing », indique Catherine Bardy, directrice adjointe de la DREAL. On rappelle que dans le cadre de ses obligations, notamment au titre d’un site classé ( 1500 sites classés dans le Nord), TEREOS a financé les expertises.

Ensuite, le directeur de la DREAL, Laurent Tapadinhas, rappelle « les mesures d’urgence prises par TEREOS afin d’éviter le même type d’accident. TEREOS doit réaliser des travaux sur ses bassins, neuf sont fermés actuellement ».  Toujours est-il que le confortement de la dite digue n’était pas une réalité, cet oubli entraîne la responsabilité environnementale administrative engagée par Michel Lalande.

Deux enquêtes judiciaires…

Sur le volet pénal où le Préfet du Nord précise avec force « que j’agis sur le volet administratif qui ne présage en rien de l’issue de l’enquête judiciaire du Ministère public. Pour ma part, je prendrai mon arrêté en juin prochain basé sur une procédure inattaquable, respectant le contradictoire, et en observation de toutes les expertises ».

Pour autant, le Ministère public de Cambrai a engagé un volet pénal de cette pollution organique à grande échelle. Point intéressant, l’OFB des Hauts-de-France « engage sa propre enquête judiciaire. Nous achevons nos auditions. Le Ministère public n’a pas souhaité nous associer à son enquête judiciaire, ce qui est parfois le cas ! », commente Emile Ledein.

La porosité entre la responsabilité environnementale (administrative) sera-t-elle consubstantielle de la sanction pénale dans les deux enquêtes judiciaires ? Telle est la question de Droit où va-t-on nous rejouer la chanson bien connue du « responsable, mais pas coupable ! ».

Valentransition en attente

L’association Valentransition, présente à ce comité de pilotage, est satisfaite sur plusieurs points : l’engagement par le Préfet de la responsabilité environnementale de TEREOS, le fameux pollueur-payeur. Ensuite, une commission transfrontalière d’experts devrait mettre en lumière l’impact écologique final, mais surtout les solutions pour recouvrer un espace naturel normal. Enfin, la transparence des travaux constitue un élément de base pour progresser vers un consensus… sur la responsabilité administrative.

Ce prochain semestre sera très révélateur sur les suites écologiques de cette pollution organique qui n’est pas le fruit du hasard, ni d’une temporalité malchanceuse, wait and see !

Daniel Carlier

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