Valenciennois

Quatre semaines pour sauver une vie de travail !

Ce samedi 28 novembre marque la réouverture de la grande majorité des commerces supposés « non essentiels ». Un temps où l’heure n’est plus au calcul, à l’incertitude du montant de l’aide publique, mais bel et bien celle d’accueillir leur clientèle. Vendredi 27 novembre en mairie de Condé-sur-l’Ecaut, des artisans étaient conviés afin d’échanger avec Laurent Rigaud, Président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat des Hauts-de-France, Béatrice Descamps, député de la 21ème circonscription, Philippe Guilbert de l’U2P, Julien Grosperrin en charge du commerce, et Grégory Lelong, maire de la commune.

Laurent Rigaud : « Tout le monde trouve normal que l’indépendant ne perçoive aucun revenu pendant des mois »

Au sein de la magnifique salle du Conseil municipal de Condé-sur-l’Escaut, 8 artisans étaient venus pour dialoguer. 3 artisans coiffeurs, 1 esthéticienne, 1 fleuriste, 1 boucher, et 2 pâtissiers avaient la même impatience de renouer avec le client dans les conditions sanitaires qu’ils respectent, ce n’est même pas le sujet.

« Pas de revenu, plus rien pour manger », un artisan

Un des principaux thème de la discussion fut les différentes mesures de soutien de l’Etat, voire d’autres collectivités publiques. « A chaque fois, l’indemnisation (très utile) va à l’entreprise. Une fois le loyer est payé, les charges fixes, il n’y a plus de revenu, plus rien pour manger. L’Etat (et les autres acteurs publics) pense à tout le monde, et c’est très bien  », s’étonne une exploitante d’un salon de coiffure. Bref, l’inconscient collectif, même au plus haut niveau, pense toujours que chaque euro dans la caisse enregistreuse passe dans la poche de l’indépendant, c’est tellement risible, presque à pleurer !

Le président de la CMA des Hauts-de-France acquiesce : « Tout le monde trouve normal que l’indépendant ne perçoive aucun revenu pendant des mois. Notre sujet est la sécurisation des revenus de l’indépendant. Il faut accompagner les artisans (et commerçants) en 2021 pendant au moins six mois. Le retour à l’activité sera dégradé encore pendant de long mois. Nous savons que 30% des indépendants seront en difficultés dès janvier 2021. Il faut tout faire pour éviter les séismes à répétition ».

Ensuite, un autre volet important à travers les dispositifs en place « il faut arrêter de mettre en place des dispositifs où 20%, les plus grosses structures, pourront monter un dossier. Croyez-vous que l’artisan se lève le matin en pensant quel est le dossier à monter pour se faire indemniser. Non, il a les mains dans la farine, sur la tête d’un client, dans ses produits etc., et il n’a pas les moyens de demander une prestation supplémentaire à son expert-comptable », ajoute Laurent Rigaud.

« La réouverture des commerces revêt un facteur psychologique », Béatrice Descamps

Pour la député du 21ème circonscription, le cheval de bataille de la réouverture des commerces est au coeur de son action à l’Assemblée nationale depuis des semaines : « C’est important financièrement, mais pas seulement. En effet, cette réouverture des commerces revêt un facteur psychologique, c’est un lien social important ».

Elle profite de l’occasion pour glisser une information : « Je veux souligner que les indépendants peuvent récupérer (potentiellement) une aide auprès de la CAF comme chef de famille ».

« Le PGE est une dette que l’artisan (et commerçant) ne pourra pas rembourser », Philippe Guilbert

Pour rebondir sur l’année 2021, le vent du boulet financier se profile à l’horizon quel que soit le vent de la reprise, la meilleure possible, car les échéances arrivent, report de crédit, report de charges sociales, loyer complet ou partiel pour certains, et bien sûr pour beaucoup le fameux PGE (Prêt Garanti par l’Etat).

Si incontestablement ce PGE fut à très court terme une initiative de premier ordre pour sauver massivement les emplois. Il s’avère que le cumul des reports affole les professionnels. « Rembourser le PGE, c’est comme si on demandait aux bénéficiaires du chômage partiel de rembourser leurs revenus perçus. Le PGE est une dette que l’artisan (et commerçant) ne pourra pas rembourser », explique Philippe Guilbert, représentant l’U2P (Union des entreprises de Proximité).

Si de toute évidence, le grand public a apprécié son commerce de proximité durant cette crise sanitaire, il serait avisé d’investir dans ces professions au coin de la rue. « Quand vous mettez un euro chez un artisan-commerçant, il repart localement, c’est de l’économie circulaire », conclut Laurent Rigaud.

« 70 % des clients sont extérieurs à la commune », Grégory Lelong

Cette réunion est à l’initiative de Julien Grosperrin, en charge des professionnels de proximité sur la commune « au nombre de 100 artisans sur Condé-sur-l’Escaut », souligne Laurent Rigaud. L’édile rappelle la position particulière de cette commune sur le Valenciennois : « Une étude de la CCI Grand Hainaut a pointé que 70 % de la clientèle de nos commerçants/artisans est extérieure à la commune. Nous bénéficions d’une aura sur le sujet grâce à la qualité de nos enseignes ».

Un pâtissier sur la Grand Place de Condé-sur-l’Escaut explique « nous avons la chance d’être ouvert, mais nous constatons que les belges sont très frileux pour venir en France. C’est 30% de ma clientèle ».

Fort heureusement, l’immense majorité des édiles jouent le jeu de la commande publique locale ce qui réduit un peu la baisse d’activité. Toutefois, il est évident qu’en 2021 quand la Perfusion nationale géante va se tarir, la casse sera terrible même si actuellement des secteurs d’activité sont dans une immense souffrance économique. Nous pensons évidemment aux derniers de cordée… !

Pour prendre une image à la dimension du phénomène attendu. Si cette crise économique logeait dans une tour géante de bureaux. Actuellement, des bureaux sont fermés définitivement, d’autres ont du mal à ouvrir leurs portes, d’autres pensent quitter les lieux prochainement, mais le bâtiment tient encore en 2020. Au cours du 1er semestre 2021, l’ampleur des fermetures sera de l’ordre du World Trade Center, tout tombe en même temps, le bâtiment s’écroule. Par effet de capillarité, le consommateur ne consomme plus, n’a plus les moyens de consommer, etc., et le sentiment de crise, plus que la crise elle-même, va frigorifier les banquiers, la bourse anticipera cette chute mortifère de la plus petite à la plus grosse entreprise. C’est l’effet Titanic… !

Anticiper, c’est gouverner ! Là, il faut se bouger !

Daniel Carlier

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