La jeunesse adopte le gaz vert, question de Métha’Bolisme… !
Pour la 2ème édition de la manifestation Metha’Morphose sur le site Mégacité à Amiens, outre des tables rondes instructives sur l’état des lieux, les perspectives et les freins sur la thématique de la méthanisation, les organisateurs ont innové avec des lycéens et des étudiants dont la présentation de leurs idées sur l’appropriation par la population fut éclairante à plus d’un titre.
Philippe Vasseur : « L’avenir de la planète, c’est localement »
En discours introductif, Philippe Vasseur, président de la mission Reve 3, expose clairement la situation sur le gaz vert. « Fin 2019, nous aurons 20 unités de méthanisation dans la région des Hauts-de-France, 40 fin 2020 40, 80 fin 2021, 160 fin 2022, et ces chiffres ne sont pas une vue de l’esprit, mais ils sont une réalité concrète des projets en cours voire des dossiers existants », précise-t-il. Même si d’évidence, certains projets avorteront, la croissance est impressionnante. « Nous serons la 1ère région d’Europe dans le domaine du biogaz injecté avec près de 11 000 emplois à la clé en 2050 », précise-t-il. Pour sa part, Marie-Sophie Lesne, vice-présidente au Conseil régional Hauts-de-France, ajoute « 11 000 emplois directs ou indirects, il existe des nouveaux métiers, comme celui de méthaniseur. Ils nécessitent une formation même si l’université ou l’IUT ont des cursus sur le sujet ».
D’où l’annonce concrète d’une première pierre du futur techno-centre dédié à la méthanisation sur Arras. « Cet événement aura lieu probablement en 2020. Ce sera un lieu unique en France », précise Philippe Vasseur. Par ailleurs, ce site d’un coût de 17 millions d’euros « aura sa propre unité de méthanisation, un plateau pour la recherche & développement sur le sujet, mais également un volet formation. D’ailleurs, nous commençons à collaborer avec la région Grand-Est et l’île de France pour des formations à destination de leurs professionnels », ajoute Marie-Sophie Lesne.
Voilà pour planter le décor d’une volonté chevillée au corps sur le développement de la filière dont la figure de proue demeure le CORBI (Comité d’Orientation Régional Biométhane Injection) déjà en place depuis 5 ans. Pour autant, Philippe Vasseur avoue que « tout n’est pas rose. L’appréciation par le citoyen d’un projet de méthanisation n’est pas toujours positive, peut-être une insuffisance d’informations. C’est pourquoi, nous avons eu l’idée de demander aux jeunes de réfléchir sur le sujet », déclare Philippe Vasseur.
Réflexion des jeunes sur l’appropriation collective d’un projet de méthanisation
Après une sélection où près de 700 jeunes ont participé à cette compétition amicale, 4 lycées et 3 établissements d’enseignement supérieur ont concouru avec brio sur un sujet où l’imaginaire est fondamental.
A travers un Pitch de 3 minutes, chaque équipe devait présenter son idée pour sensibiliser la population au sujet. « Métha Scène » pour une pièce de théâtre, Meth’Art pour des graffeurs des méthaniseurs, il fallait y penser, où un jeu vidéo très immersif à développer, et enfin « Métha Women’Show » avec un sketch par source de déchet. Cette équipe d’un lycée fut le lauréat des lycéens. Outre une récompense pécuniaire pour chaque membre de l’équipe, Christophe Buisset, Groupama, et Didier Cousin, GRDF, vont soutenir cette initiative jusqu’à son aboutissement, la plus belle récompense (visuel bas de page).
Ensuite, 3 établissements supérieurs ont participé à ce défi. Bien sûr, les sujets sont plus élaborés, « La boîte à Métha » reprenant l’idée d’un container aménagé en mini-méthaniseur, un méthanier mobile, futé ! Ensuite, la création de supports de communication innovants grâce à l’impression « 3D », moderne, et enfin la présentation iconoclaste d’un « Méthanosorus », le monstre sympathique devenant l’ambassadeur de la méthanisation, déroutant et surtout très captif. D’ailleurs, ce dinosaure fut le lauréat de cette catégorie.
« Je vous annonce que nous allons piller vos idées », conclut Philippe Vasseur sur le sujet. De manière inextricable, l’appropriation par la population passera par une génération validant ce principe d’une énergie verte, un acquis écologique, mais plus du tout une nuisance voisine. C’est sans doute eux qui trouveront les bons mots… !
« Engager le dialogue en présence d’une tierce personne neutre », Claire Bouteloup
La première table ronde a voulu cerner les contours d’une juste acceptabilité d’un projet de méthanisation par la population voisine. La logique passe « par une intégration territoriale », souligne Emmanuelle Latouche du CERDD (Centre Ressource du Développement Durable).
Une finalité plus qu’une réalité, car souvent « le porteur de projet construit son dossier technique et financier dans son coin, surtout sans l’ébruiter. Clairement, ce n’est pas du tout intuitif pour la population. Il est préférable dans les réunions d’engager le dialogue en présence d’une tierce personne neutre », explique une consultante spécialisée.
Ensuite, un autre point clé est soulevé. Lorsque le projet est privé, il n’y a pas « de fluidité entre les communes et les EPCI (intercommunalités) », souligne une intervenante. Tant que les collectivités locales ne joueront pas la même partition, parfois sur l’autel d’une élection proche, la méthanisation sera freinée dans son développement.
Enfin, une intervenante expérimentée sur les dossiers hors de France met en lumière un outil d’acceptabilité. « En Autriche, en Allemagne, les porteurs de projets abordent le sujet par le biais de l’énergie locale. On ne parle pas de déchets organiques, d’odeurs etc., mais d’un point commun à tous, entrepreneurs, habitants… la consommation d’énergie ! Comment faire comprendre au voisinage qu’il ne peut pas profiter de l’énergie produite au bout de sa rue », commente-t-elle. Une idée à creuser sous l’angle de la détermination d’un point commun, très intéressant !
« Construire des unités de méthanisation, c’est bien, les réaliser avec des entreprises locales, c’est mieux ! », Philippe Blervaque
La région Hauts-de-France s’est lancée dans la Bioéconomie depuis son existence. « Nous avons quatre axes de travail, le champ végétal dans le domaine des protéines, les matériaux biosourcées comme la paille et le lin, les molécules biosourcées pour la cosmétique, et la filière de la méthanisation. Pour soutenir financièrement ces dossiers, il existe les fonds FEDER pour les gros projets, mais également des financements plus modestes pour des microméthanisations, très pertinente s’avérant un complément de revenus pour l’agriculteur notamment », explique Marie-Sophie Lesne.
Pour Philippe Blervaque, président en région de Reve 3, il est essentiel d’associer l’économie et la création d’unité de méthanisation. « Construire des unités de méthanisation, c’est bien, les réaliser avec des entreprises locales, c’est mieux ! ».
A cette table ronde, la Chambre d’Agriculture était présente avec un fer de lance affiché. « Je souhaite que le maximum d’agriculteurs se lancent dans un projet de méthanisation. De plus, il faut savoir que la qualité sanitaire de nos sols est enviée dans le monde entier », indique Laurent Degenne. En clair, la région la plus appropriée pour implanter son projet est dans les Hauts-de-France.
Pour Jean-Jacques Dubois, de l’association françaises des Gaz Hauts-de-France, la création d’unité de méthanisation a un impact direct sur l’économie « déjà par la construction de 800 km de réseau, c’est de l’emploi ! Ensuite, le coût d’importation d’un méga/Watt de gaz naturel revient de 15 à 20 euros. Imaginez l’économie si nous produisions entre 15% et 20% de notre énergie nécessaire avec du gaz vert, du gaz local ! »
Enfin, tous les moyens de transports sont susceptibles de rouler au gaz vert, la voiture évidemment, les véhicules lourds, mais également les bateaux. Bien sûr, la validation de la convention financière du Canal Seine Nord Europe le 22 novembre dernier ramène le sujet sur la table. « On peut imaginer une plate-forme pour alimenter en biogaz les péniches et autres transporteurs sur la tracé du CSNE », indique Philippe Vasseur.
« Notre atout dans cette région est le collectif où le monde de l’entreprise, le monde politique, voire la recherche universitaire s’associent sur ce sujet. Pour moi, l’avenir de la planète, c’est localement », conclut Philippe Vasseur.
Daniel Carlier