Le permis de construire à l’heure intercommunale
Malgré un ordre du jour très succinct, ce Conseil communautaire de Valenciennes Métropole abordait une future délibération cadre incontournable pour toutes les collectivités locales. En effet, la phase de concertation du prochain PLUI (Plan Local Urbain Intercommunal) est achevée avec à terme une référence partagée par toutes les communes de Valenciennes Métropole, c’est le document le plus méconnu du grand public et en même temps le plus important pour une collectivité locale.
Jean-Marcel Grandame : « Nous avons basculé 950 hectares d’usage à vocation agricole »
Petite rappel pour la mémoire politique, durant sa présidence, François Hollande a lancé sur les fonts baptismaux la modernisation de l’appareil d’Etat, la dématérialisation, e-administration, mais également la loi administrative la plus révolutionnaire depuis celle de la décentralisation en 1882, la loi NOTRe. C’est même l’inverse de la décentralisation, c’est la recentralisation puisque son crédo est le transfert de plusieurs compétences, retirées aux collectivités locales, vers l’intercommunalité, Pierre Mauroy s’est retourné dans sa tombe. En terme d’éloignement du peuple de l’organe décisionnaire, on ne pouvait faire mieux. Nous avons vu ô combien cet éloignement du citoyen vis à vis de la décision politique est mal perçu par le commun des mortels durant le dernier mouvement social…. Comme quoi, de gauche comme de droite, la base n’est jamais écoutée par le haut de la pyramide.
En clair, plusieurs compétences sont transférées de la commune vers les EPCI. Sur le Hainaut, elles sont de fait redirigées vers La Porte du Hainaut et Valenciennes Métropole. Donc, l’attribution d’un « permis de construire », droit historique du premier magistrat de la commune, est montée à l’étage de l’intercommunalité. Ce permis de construire local était basé sur un PLU (Plan Local d’Urbanisme) et un POS (Plan d’Occupation des Sols). Ces deux documents vont disparaître au 31 décembre 2019 pour laisser place en 2020 à un PLUI (Plan Local Urbain Intercommunal)
« Le PLUI dès l’automne 2020 », Jean-Marcel Grandame
Pour l’élaboration de ce PLUI, un document au long cours, les réunions furent pléthoriques, plus de 200 réunions des services dédiés ont contribué à mener à terme cette première phase de concertation. « Je tiens à féliciter tous les services pour l’achèvement de cette 1ère étape », souligne Jean-Marcel Grandame, vice-président en charge de l’aménagement du territoire.
Il faut être lucide, il fallait ménager l’égo et les attentes de chaque collectivité locale, car c’est un pan de l’histoire locale qui disparaît, le fameux tampon du maire pour valider un permis de construire. « A chaque fois, nous avons pris en compte l’intérêt général et pas particulier, notamment dans les transferts d’une zone d’usage agricole en zone constructible. Toutefois, je souligne que nous avons basculé 950 hectares d’usage à vocation agricole. C’est à dire que ces terrains sont dorénavant intransférables en zone urbaine. Les agriculteurs disent que rien n’a changé, c’est faux. Hier, leur terrain pouvait basculer en zone constructible, demain avec ce PLUI, ce n’est plus possible. Dans l’autre sens, cela représente la moitié de terrain d’usage agricole transféré en zone constructible », explique Jean-Marcel Grandame.
Un PLUI sous la tutelle du « SCOT Grenelle » du Valenciennois
Bien évidemment, un PLUI ne s’affranchit en rien des lois existantes. Il est d’abord sous la tutelle du SCOT du Valenciennois, voté en juillet 2014. Pour mémoire, ce SCOT du Valenciennois faisait également exception, car il avait la spécificité d’être un « SCOT Grenelle », plus exigeant en matière de réduction de la consommation foncière. C’est clairement le sujet central, moins consommer de terre, moins urbanisé, tout en respectant les besoins immenses en offre de logements dans le Valenciennois, un document d’équilibriste par essence !
Donc, ce PLUI dépend du SCOT du Valenciennois, mais il doit se conformer également à la loi SRU, la loi Grenelle, la loi Alur et aux autres documents de référence comme la Charte du PNR Scarpe Escaut puisque des communes de Valenciennes Métropole sont adhérentes à ce Parc Naturel Régional, le SAGE « le SCOT de l’eau », dixit David Bustin, voire toutes les lois relatives aux inondations, ruissellements, risques miniers etc.
La deuxième étape, après la fin de la phase de concertation au 23 septembre 2019, est la phase de consultation des partenaires, département, région, Etat, PNR Scarpe Escaut, SIMOUV, etc. Chemin faisant, le document final sera « validé dès l’automne 2020 », précise Jean-Marcel Grandame.
Un plan B pour le PLUI au 01 janvier
Comme dans de nombreuses intercommunalités françaises, le document final du PLUI n’est pas abouti pour le 01 janvier 2020, alors que les PLU des communes s’éteignent de par la loi NOTRe le 31 décembre 2019. Ce casse tête administratif devrait trouver une solution « grâce à un amendement au Sénat (le parlement des collectivités locales) permettant un prolongement des dispositions antérieures jusqu’au prochain PLUI », précise Laurent Degallaix, le président de la CAVM.
« Néanmoins, nous avons convenu avec le Sous-Préfet de Valenciennes d’un plan B au cas où cet amendement ne passerait pas », précise Laurent Degallaix.
On peut noter toutefois qu’un projet urbain déposé après le 01 janvier 2020, conforme au PLU de la collectivité locale en vigueur, lui même remis en cause sur une emprise foncière par un changement de zonage à travers ce nouveau PLUI dès l’automne 2020, pourrait engendrer une procédure juridique entre le porteur du projet et l’EPCI, auteur du nouveau PLUI. En clair, il est peu probable qu’un permis de construire soit délivré entre le 01 janvier et la mise en oeuvre officielle du PLUI dans les différentes intercommunalités.
Daniel Carlier