La CCI Grand Hainaut change de paradigme
Bruno Fontaine, président de la CCI Grand Hainaut, entouré de Didier Rizzo et Jean-François Bedu, a effectué un bilan mi-mandat après deux et demi en mouvement à plus d’un titre. Contraction budgétaire, nouvelle organisation au coeur d’une CCI régionale décisionnaire, stratégie territoriale ; en résumé, avec moins de moyens, il faut peser toujours plus sur l’activité économique tant dans le domaine de l’industrie que sur l’activité commerciale/artisanale au sein du Grand Hainaut.
Bruno Fontaine : « Le Grand Hainaut (Valenciennois, Cambrésis, Sambre-Avesnois) représente 50 % du département du Nord »
L’imposante 3ème région française n’a pas échappé à la contraction budgétaire tous azimuts. De facto, elle a engendré une nouvelle organisation des Chambre de Commerce et d’Industrie sur tous les territoires de France. En effet, l’époque d’un pouvoir autonome au sein des CCI Territoriale est révolue. Place à une CCI régionale décisionnaire finale en tout avec 7 antennes dans les Hauts de France (Grand Hainaut, Lillois, Littoral, Artois, Amiens, Aisnes, et Oise) dont leurs représentants vont siéger au sein d’une « Assemblée générale de 120 membres dont 14 membres de la CCI Grand Hainaut », précise Bruno Fontaine.
Il ne faut pas omettre un point fondamental à prendre en compte dans cette mécanique de l’influence au sein de cette CCI régionale, c’est l’ étendue géographique de ce territoire. » Le territoire Grand Hainaut (Valenciennois, Cambrésis, Sambre-Avesnois) représente 50 % du département du nord avec 750 000 habitants, 9 EPCI, 4 agglo. De plus, j’attache énormément d’importance aux relais sur le terrain, clubs d’entreprises, union commerciales etc. « , précise le président.
« Nous attendons les décisions de l’Etat pour nos prochains budgets », Bruno Fontaine
Un seul chiffre suffit pour mesurer l’impact du phénomène. « Nous recettes fiscales ont diminué de 70% en près de 7 ans », explique Bruno Fontaine. Attention, pas de méprise, ces dernières ne diminuent pas de façon vertigineuse par un manque de collecte, mais par une ponction de l’Etat sur les fonds propres des CCI, depuis deux gouvernements, afin de récupérer des recettes publiques. Si durant un moment, la CCI Grand Hainaut a vécu sur ses réserves, les deux et demi de la gouvernance de Bruno Fontaine sont marquées par la mise en oeuvre d’une contraction des effectifs. « Aujourd’hui, nous sommes 45 salariés sur la CCI Grand Hainaut plus des agents régionaux sur des fonctions supports. Bien sûr, cela ne comprend pas les effectifs des écoles consulaires, Rubika etc. Pour le reste, nous attendons les décisions de l’Etat pour nos prochains budgets », ajoute Bruno Fontaine. Rappelons que la CCI Grand Hainaut, outre des écoles consulaires de qualité comme au sein des autres antennes territoriales, a bâti la Serre Numérique sur Anzin. « Elle est unique », s’exclame Bruno Fontaine… et elle est surtout non délocalisable, c’était tout l’enjeu de cette stratégie bâtimentaire franchement brillante à l’époque de son lancement, pour se faire respecter, soit un bâtisseur… pourrait-on dire !
Cette vague de ponction fiscale par les gouvernements successifs ne s’arrête pas aux CCI. Un président d’une grande association d’utilité publique sur la Métropole lilloise ( 1000 personnes) disait, sous François Hollande, « si vous avez plus de trois mois de trésorerie devant vous, vous êtes considéré comme riche et ponctionné… » !
Imposer ses projets
Bien sûr, le nombre des représentants de la CCI Grand Hainaut » correspond à sa pesée économique », précise le président. Tout en sachant que la Métropole Lilloise comprend 40 % des votants, il faut donc argumenter, travailler dans la place et « investir les commissions et les représentativité « , ajoute Bruno Fontaine. « Je suis président de Nordlink, une structure regroupant tous les ports intérieurs de France. D’ailleurs , le port de l’Escaut (Saint-Saulve-Bruay-sur-l’Escaut) est devenu le 4ème port intérieur de France avec 100 000 containers. Ensuite, je suis le représentant de Pictanovo au sein de la région, au sein de l’EPF (Etablissement Public Foncier), des entreprises filiales… C’est pourquoi, nous occupons également des places stratégiques dans les commissions de la CCI régionale comme Didier Rizzo, président de la commission commerce régionale », poursuit le président.
« Nous avons réintégré la CDAC (Commission Départementale d’Aménagement Commercial) depuis la loi ELAN », Didier Rizzo
En prélude à son intervention territoriale, Didier Rizzo pousse son coup de gueule « je lis dans la presse le chiffre de 22% de taux de commerces vacants sur la ville de Valenciennes. Il ne correspond pas du tout à la réalité de terrain. Il prend en compte des cellules en bout de rue qui n’ont plus du tout vocation à demeurer un commerce. Le chiffre réel oscille entre 12 e 15 % ce qui reste très important pour autant, nous travaillons beaucoup sur ce sujet », entame Didier Rizzo.
Un point clé de l’implication et de l’influence de la CCI Grand Hainaut réside dans sa voix au sein des CDAC (Commission Départementale d’Aménagement Commercial) et par suite des CNAC (Commission nationale d’Aménagement Commercial). « Nous avions été écartés de cet organe décisionnaire sous les précédents gouvernements. Ainsi, nous avons rencontré les parlementaires dans le cadre de la loi ELAN afin de nous faire réintégrer. Il était tout de même étonnant que nous soyons en amont d’une étude, d’un avis éclairé sur le sujet, et que nous soyons absent de toute décision. Aujourd’hui, Nous avons réintégré la CDAC », explique Didier Rizzo.
Autre avancée qui n’est pas anodine, l’étude préalable à toute implantation commerciale « pouvait être réalisée par un prestataire non indépendant. Aujourd’hui, l’étude d’impact est obligatoire par un organisme indépendant », ajoute Didier Rizzo, mais « elle est toujours payée par l’entreprise », précise Bruno Fontaine.
Dans la lignée des propos liminaires sur le poids des élus dans les implantations territoriales, il faut rappeler quelques faits d’armes historiques, voire très récents. En 2014, le regretté Jean-Marc Ramboux de la CCI Grand Hainaut a plaidé, pour la FTIAVAL, avec succès en CNAC contre l’implantation d’un Auchan/Marly. Pourtant, en face, Valérie Létard, présidente de Valenciennes Métropole a plaidé en personne en faveur de cette implantation potentiellement ravageuse pour le commerce de proximité, mais soutenu bec et ongles par Fabien Thiémé, le maire de Marly. Projet implantation Auchan/Marly recalé…
La mémoire est toujours vacillante, c’est pourquoi les élus oublient les choses comme le souffle d’une brise. En effet, en 2018, le projet gigantesque de l’extension d’Auchan Petite-Forêt a subi le même sort avec d’autres acteurs. « Au départ, nous étions comme beaucoup favorables à une rénovation de l’existant. Par contre, ce projet d’extension était trop dangereux pour le commerce et l’artisanat dans le Valenciennois », souligne Bruno Fontaine.
« Nous avons converti le maire (Laurent Degallaix). Il s’est rangé à notre avis sur cette extension d’Auchan Petite-Forêt », souligne Didier Rizzo. C’est même un revirement assez spectaculaire du président de Valenciennes Métropole et c’est une excellente chose pour le tissu commerçant. Tout de même, le vent du boulet passa très près car à la CNAC (Commission Nationale d’Aménagement Commercial) en novembre 2018, Laurent Degallaix a choisi de passer l’audition devant la CNAC avec le groupe Auchan/Petite-Forêt contre le groupe des 4 recours contre le projet Auchan/Petite-Forêt emmené par la FTIAVAL/ Galerie Centre Place d’Armes, et autres acteurs de la grande distribution. Projet extension Auchan/Petite-Forêt recalé… !
En résumé, le rôle de ces instances est fondamental. « Nous avons désigné pour le département du Nord, Marc Posak, comme le représentant de la CCI Grand Hainaut. Comme moi, il a suivi les bons conseils de Jean-Marc Ramboux, il est très compétent », ajoute Didier Rizzo.
« La périphérie doit travailler avec le centre-ville, l’un avec l’autre et pas l’un contre l’autre », Didier Rizzo
L’interactivité et le développement commercial passent par une bonne synergie entre toutes les parties. « Il est possible de conjuguer un développement des commerces en périphérie tout en maintenant une qualité d’enseignes dans le centre-ville. Il faut une évolution du comportement en la matière. La périphérie doit travailler avec le centre-ville, l’un avec l’autre et pas l’un contre l’autre. Il faut réfléchir avec un collectif intelligent pour amener des solutions, c’est ce que nous faisons avec la ville de Valenciennes et Valenciennes Métropole », poursuit Didier Rizzo.
Dans cette optique, l’animation commerciale est prépondérante pour le tissu économique du Grand Hainaut. « Les points de relais que sont les 38 unions commerciales du Grand Hainaut (environ 800 commerçants) sont très importants. Dans cette optique, chaque année, nous maintenons une grande animation commerciale grâce au Groupement des Unions commerciales. Nous sommes d’ailleurs la seule CCI avec ce type de structure », ajoute Didier Rizzo.
Le commerce au coeur de la cité
Deux plans de relance du commerce de proximité sont en cours sur le territoire de la CCI Grand Hainaut et la ville de Valenciennes. Tout d’abord, le fonds « Coeur de Ville », signé en novembre 2018 sur le Valenciennois avec comme partenaire l’Etat, les 2 agglo, le SIMOUV, Action Logement, la CCI du Grand Hainaut…, vise à dynamiser les coeurs des communes entre 20 000 et 50 000 habitants.
Ensuite, il existe concernant Valenciennes, le fameux CRAC où la ville a décidé enfin d’utiliser sa capacité de préemption renforcée votée en 2007/2008 par le Conseil municipal sous Dominique Riquet, reléguée aux oubliettes, un peu inexplicable compte tenu du nombre de cellules vacantes. Cela se traduit concrètement sur des zones ciblées, comme le rue de Lille, rue de Famars, rue Vieille Poissonnerie…, par la latitude de reprendre la cellule vacante, en location ou en acquisition, et de la remettre sur le marché à un loyer très très modéré. « La CCI Grand Hainaut a été choisie pour porter ce projet. A travers une « Foncière », nous allons racheter les sites concernés et relancer des activités commerciales avec un loyer très attractif. Nous réalisons ces investissements grâce à notre SCI du Grand Hainaut dont le chantier en cours est celui d’un bâtiment/Hôtel d’entreprises face à la Serre Numérique », commente Bruno Fontaine.
A ce titre, une soirée exceptionnelle se profile à l’horizon le 07 octobre 2019 au Pasino de Saint-Amand-les-Eaux. Pour sa 4ème édition des « Rencontres du Commerce en Grand Hainaut », une soirée dédiée au monde du commerce de proximité va faire grand bruit. Cette fois, le Grand témoin sera Xavier Bertrand, le président de la région des Hauts-de-France. Le fil rouge de cette soirée est consacré au « Renouveau des centres-villes et centre-bourgs : Tous mobilisés » (inscription sur le site www.grandhainaut.cci.fr). Durant cette soirée, le président de la région des Hauts-de-France va expliquer l’engagement de la région en faveur du commerce de proximité à hauteur de 60 millions d’euros.
Enfin, un dossier où Didier Rizzo est très investi, la digitalisation des commerçants : « Nous avons lancé un portail e-commerce en mars 2017. Le E-Commerce n’est pas l’ennemi de l’enseigne de proximité. D’ailleurs, nous voyons beaucoup d’acteurs du net venant implanter un site en dur dans un centre-ville. C’est la massification des offres, comme un Amazon local, qui permet une meilleure lisibilité des commerces de proximité sur internet ».
Dans la foulée du portail https://www.mescommercantsdugrandhainaut.com, un service de chèques cadeaux est en ligne. « Nous sollicitons les CE des grandes entreprises tout comme les collectivités locales et territoriales. Depuis le 01 septembre 2019, nous avons lancé 15 000 € de chèques cadeaux. Ces chèques cadeaux sont acceptés chez tous les commerçants présents sur ce portail. En août 2019 (mois faible), nous avons eu 2 500 utilisateurs, c’est à dire un internaute engagé dans un acte d’achat même s’il ne vas pas jusqu’au bout de la transaction », conclut Didier Rizzo.
« 300 formations en ligne », Jean-François Bedu
C’est son premier mandat, Jean-François Bedu, vice-président à l’industrie, est le Maubeugeois de l’étape. Il rappelle le poids des organismes (MEDEF, CCI etc.) dans les dossiers sensibles comme Ascoval. « Nous demeurons une force de proposition. Je rappelle que le territoire du Grand Hainaut a un taux d’industrialisation de 30%, c’est le plus industrieux de la région Hauts-de-France ».
Pour arriver à cette donnée imposante, il est évident « que le Grand Hainaut comprend une main d’oeuvre d’une grande qualité. Nous avons 300 formations en ligne. De plus, avec le nouveau CPF (Compte Personnalisé de Formation), vous pouvez parfaitement bénéficier de ces formations en ligne », indique Jean-François Bedu.
Un bol d’air…
La politique de soutien aux activités industrielles répond à une logique, une stratégie de développement globale. Avec l’industrie automobile et ferroviaire, le Grand Hainaut cherche à implanter un nouveau secteur industriel porteur, c’est pourquoi « la CCI Grand Hainaut appuie aujourd’hui l’axe aéronautique à travers l’installation de AirFrance/KLM Safran sur Rosult, mais également l’industriel militaire Rafaut Group dont l’inauguration de son nouveau bâtiment est prévue le 07 octobre prochain », commente Jean-François Bedu. Plus la diversité est grande, plus l’attractivité d’un territoire est avérée et solide.
« Les choses bougent pas à pas concernant la ligne ferroviaire Valenciennes/Mons », Bruno Fontaine
Autre dossier éternel, comme l’échangeur A2/A23 qui a mis 30 ans à aboutir, la fameuse remise en fonction de la voie ferrée Valenciennes-Mons. « Les choses bougent pas à pas, nous sommes pragmatiques. Vous avez noté que le SIMOUV est prêt à gérer cette ligne », indique Bruno Fontaine.
« Le Canal Seine Nord est prévu pour 2028 », Jean-François Bedu
Là encore, le dossier du Canal Seine Nord Europe n’en finit plus d’accompagner les acteurs économiques, et surtout les élus politiques dans une surenchère singulière des emplois induits avec le CNSE. Lancé médiatiquement par Nicolas Sarkozy en février 2012 accompagné par Jean-Louis Borloo, un peu sur la réserve…, ce dossier avance au gré de son coût estimé. Aujourd’hui, les choses commencent à se stabiliser en terme de lisibilité. « Les travaux démarrent au sud du CNSE, notamment sur Marquion où sera réalisé une plate-forme. Ensuite, le CNSE s’appuiera sur les ports existants comme celui de l’Escaut, voire le futur port public de Denain. En terme de calendrier, le CNSE est prévu pour 2028 », commente Jean-François Bedu.
L’écologie, le cheval à trois…
Incontestablement, la prise en compte du paramètre écologique pèse de tout son poids dans une stratégie à long terme. Activité, rentabilité soutenable, écologie, voilà le triptyque s’imposant aux générations futures de l’entreprise, la croissance horizontale, voire très modérée, sera le nouveau compagnon de l’entreprise de demain, la méga marge à 20 000 km va se tarir un jour même si des inepties insupportables sur les produits transformés sont encore légions en Europe. « Nous sommes totalement investis dans le programme REVE 3 avec des initiatives dans la méthanisation, mais également dans l’économie circulaire et l’agriculture. A ce titre, nous soutenons un cluster pilote sur le territoire de Fourmies où les agriculteurs fourniront les cantines scolaires », précise Jean-François Bedu.
Ce passage en revue d’une activité pléthorique de la CCI Grand Hainaut explique plus encore son rôle, officiel ou en coulisse, sur tous les dossiers structurants du territoire. Moins d’argent dans les caisses, mais à l’heure où les idées valent chères…la CCI Grand Hainaut est utile !
Daniel Carlier