La CAPH en quête d’une solution pour la Taxe d’Enlèvement sur les Ordures Ménagères
Avec comme sujet prémium, le vote du budget primitif, ce Conseil communautaire de la Porte du Hainaut fut très tendu, notamment sur la TEOM, mais plus généralement la thématique des déchets omniprésente durant cette plénière.
Quelle est la solution pour diminuer le coût de gestion global d’un déchet, de la collecte à son traitement ?
Afin de bien comprendre ce débat entre les maires de la Porte du Hainaut sur la taxe d’enlèvement sur les ordures ménagères, il faut remonter à l’émergence de cette collectivité territoriale. En 1999, la loi Chèvenement sacralise une nouvelle entité administrative, les intercommunalités. Chaque structure va faire ses choix de fiscalité compte tenu des compétences dévolues par la loi, et notamment le développement économique.
Dès le départ, le choix du président de la Porte du Hainaut, et du Bureau communautaire, fut d’installer une TEOM (Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères) à zéro afin de favoriser (déjà) le pouvoir d’achat du particulier. Cette position était quasi unique en France avec ses arguments, et ses obligations. C’est un choix politique assumé !
Toutefois, le choix d’une gratuité pour le particulier n’occulte par le coût global d’une telle collecte. Dans ce cadre, la première mouture de l’intercommunalité avec 35 communes (aujourd’hui 47) rassemblait des collectivités locales avec un passé sur le sujet. Certaines faisaient partie d’une structure comme le SIVOM de Trith-st-Léger, etc., 35 communes, 35 histoires ! Dès le départ, il existait un déséquilibre entre des communes qui ne payaient rien en terme de collecte et d’autres oui. !
« Cela faisait l’objet d’une discussion récurrente durant tous les budgets précédents », explique Salvatore Castiglione, le maire de Wallers.
Ensuite, le fil de l’histoire croise la politique nationale, Nicolas Sarkozy met sur les fonts baptismaux la réforme de la Taxe Professionnelle « qui nous permettait une dynamique pour nos politique communautaires », précise Jean-François Delattre, maire de Haspres. La transformation de la TP en CFE, malgré les hausses récentes, réduit drastiquement la capacité fiscale de toutes les intercommunalités. De plus, Nicolas Sarkozy l’a rêvé, François Hollande a amplifié cette tendance « pour arriver à l’effet ciseau. Il fallait arrêter l’hémorragie budgétaire. Nous avons cherché des pistes d’économie à travers un groupe de travail », précise Jacques Louvion, vice-président aux finances.
Sur cet effet ciseau…« nous avons subi les premiers effets en 2015 », ajoute Jean-François Delattre.
Et l’arrivée de la CCRVS
Un invité de plus amène parfois à remettre en cause tout le plan de table. En effet, les 7 communes de la CCRVS, payant une TEOM avant le 01 janvier 2014, sont intégrées avec une TOEM à zéro. Un dossier où Eric Renaud fut extrêmement actif afin de faire bénéficier ces communes d’une fiscalité nulle sur les ordures ménagères. « Il a fait le job », souligne Jean-François Delattre. Politiquement, cela peut s’argumenter compte tenu de ce rapprochement très prisé par la Sous-Préfecture, notamment Franck-Olivier Lachaud, à la chasse des petites intercommunalités, syndicats, etc., à l’époque.
Néanmoins, les communes continuant de payer leur coût de la collecte des ordures ménagères ne l’entendirent pas de cette oreille… d’où un compromis à travers un « one shot » voté à l’unanimité. Cette délibération visait à attribuer une dotation de compensation aux communes payant un coût de collecte pour les années 2016, et 2017, et pas plus. Par exemple, 265 000 €/an à Bouchain, 177 000 € à Wallers où encore 187 000 € à Haulchin, etc. sont les montants relatifs à la collecte pour les communes concernées, des sommes significatives.
Donc immanquablement, la problématique de l’inégalité budgétaire entre les communes, qui payent ou ne payent rien du tout, a refait surface. Toutefois, un nouveau paramètre est intervenu puisque le SIAVED (Syndicat mixte de Traitement et des Revalorisation des Déchets) a récupéré la compétence collecte des ordures ménagères depuis le 01 janvier 2017. Mécaniquement, la somme due n’est plus à un prestataire, pour la dite collecte, mais au SIAVED.
« On ne fait pas un budget à la godille », Alain Bocquet
Le maire de Neuville-sur-Escaut est le premier à s’exprimer sur ce sujet. « Il y a une inégalité intercommunale sur la TEOM. On aide (en 2014) les communes de la CCRVS, et nous ! J’ai fait mon deuil de ce transfert de charges ! ».
« C’est notre dernier budget plein, il prend en compte un état des lieux équilibré. On ne fait pas un budget à la godille », commente Alain Bocquet.
La première magistrate d’Haulchin, Marie-Claire Bailleux, exprime son mécontentement. « Pour nous ce n’est pas zéro ! Certes, le président de la CAPH est très généreux sur d’autres subventions (fonds de coucours, etc. ), mais là, ça ne passe pas. Il y a une profonde inégalité entre les communes sur la TEOM ».
Eric Renaud, président de la Commission des finances, défend bec et ongles cette construction budgétaire. « Nous avons dû mobiliser, sur le budget 2018, un million d’euros pour la commission mise en place pour traiter les dossiers de la CFE. De plus, 50% de recettes en moins sont prévues pour 2019 sur cette CFE. Nous n’avons plus la même dynamique de recettes fiscales même avec l’apport de la commune d’Emerchicourt ». En clair, toute économie budgétaire est de bon aloi pour le Conseiller départemental, et de fait le non remboursement, comme en 2016 et 2017, des coûts engagés par les communes pour la collecte des ordures ménagères s’impose. Enfin, il pique « je signale que près de 7 millions d’euros de fonds de concours n’ont pas été consommés fin 2018, je m’interroge quand j’entends les communes se plaindre ».
Aymeric Robin, maire de Raismes, lui répond : « Il ne faut pas confondre Fonds de Concours (le fameux 1euro pour 1 euro), et la redistribution solidaire aux communes. Certaines communes n’ont pas les moyens d’engager des fonds de la commune ».
Pour le vice-président aux finances, Jacques Louvion :« Il faut continuer. Aujourd’hui, le budget reprend un peu de couleur Il n’est pas trop tard, mais trop tôt ».
« Nous n’avons pas fait les bons choix », Salvatore Castiglione
Le vice-président de la région Hauts-de-France reprend à la volée le président de la commission des finances. « Alors pourquoi avoir défendu la TEOM à zéro pour les communes de la CCRVS ? ».
« Aujourd’hui, on ne peut pas entendre de la part d’Eric Renaud que l’on ne peut rien faire pour équilibrer le budget. Au moment de l’arrivée de la CCRVS, nous n’avons pas fait les bons choix (en 2014). Nous aurions pu mettre en place une TEOM réduite, à 8% par exemple, mais pour tout le monde. Par ailleurs, je le reconnais, nous (les communes) n’avons jamais accepté une proposition du groupe de travail sur ce sujet », souligne Salvatore Castiglione.
« Nous ne pouvons pas toujours remettre à demain ce sujet. De même, nous ne pouvons pas transmettre au prochain exécutif communautaire cette situation sans prendre une décision », conclut le maire de Wallers.
« C’est la double inégalité en 2018 », Ludovic Zientek
Le maire de Bouchain était très remonté durant ce Conseil communautaire. Joint après cette plénière, il expliquait son courroux : « Il y avait déjà une iniquité de traitement entre les communes, celles qui payent comme nous, et les autres. En 2018, outre la somme versée au SIAVED (265 000 €), ce dernier a remboursé 10% de la somme au titre du trop perçu, comme pour les autres communes, à la Porte du Hainaut. Et nous n’avons pas été remboursé au prorata de ce versement (au nom de la solidarité), c’est la goutte d’eau. Il y a une profonde injustice, c’est la double inégalité en 2018 ».
Il répond également à Eric Renaud : « Le président de la Commission des Finances fait comme Macron, il répond à un problème par une thématique plus globale. Non, là c’est une injustice locale ».
Néanmoins, le premier magistrat de Bouchain demeure positif sur l’issue de cette réflexion budgétaire. « Je ne doute pas que le président va prendre en compte nos remarques », Ludovic Zientek.
Pour reprendre la main en conclusion de ce débat assez vif pour un hémicycle communautaire, le président de la Porte du Hainaut demande « aux maires concernés de travailler avec la commission des finances, de construire un cahier de doléances. Cette commission reviendra vers nous avec des solutions (voire un budget modificatif) ».
Voilà le point d’orgue de ce Conseil communautaire dont le fait marquant est également une embellie budgétaire. Un chiffre symbolise cette reprise de forme, la capacité de désendettement, en 2017, de la Porte du Hainaut était de 8,71 années se dirigeant dangereusement vers les 10, pour en 2018 revenir à 5,59 années. « En 2019, en intégrant l’impact d’Arenberg Créative Mine (et son nouveau site-le Transformateur-inaguré en 2019), nous serons à 5,97 années », commente Alain Bocquet.
Au niveau des taux votés pour le budget primitif 2019 :
- 31,13% pour la CFE
- 11,71% pour la taxe d’habitation
- 3,28 % pour la taxe foncière non bâtie
- 0% sur la TEOM
Le vote de ce budget a vu la non participation du maire de Neuville-sur-Escaut, d’une opposition du maire de Lieu-st-Amand, et d’une abstention de 7 conseillers communautaires, dont le maire de Wallers, Haulchin, Bouchain etc.
Les déchets sauvages
Dans la lignée du coût de collecte des déchets, le sujet du dépôt des dépôts sauvages est venu sur la table. Le maire de Raismes aborde cet épineux problème, notamment pour une commune en lisière de la forêt.
Ensuite, le sujet des aires d’accueil pour les populations non résidentes est exposé. « Nous avons un tas d’ordures devant l’aire d’accueil de Wallers et de Raismes, mais cela nous revient de faire la police », indique le premier magistrat de Raismes. « Cela prend 30 camions pour nettoyer cette aire d’accueil, belle image pour nos communes », ajoute le maire de Wallers.
Le maire de Trith-Saint-Léger résume parfaitement la problématique. « J’ai de sérieux problèmes de dépôts sauvages sur le Poirier. Qui fait quoi ? Qui a le droit de faire quoi ? ». Cette simple question d’un maire rompu à la gouvernance locale est une démonstration du désarroi ambiant.
Sur ce sujet, Alain Bocquet propose la mise en place d’un COPIL (Comité de Pilotage) : « Il faut se réunir avec les 2 agglos, le Sous-Préfet, les syndicats du SIAVED et d’Ecovalor, et prendre des décisions ».
Le SIAVED
Toujours sur la thématique des déchets, Charles Lemoine, le président du SIAVED, déclare : « La contribution de la Porte du Hainaut est de 14,9 millions d’euros + 2 millions d’euros en investissement. Je tiens à signaler une baisse de cotisation pour la CAPH de 845 000 euros pour l’année 2019, et plus globalement une diminution 1, 465 000 € de ce montant depuis 2015, après une hausse importante entre 2007 et 2010. Ensuite, le budget par habitant a diminué de 11% ce qui est important. Néanmoins, le coût du déchet demeure très pesant quel que soit l’intercommunalité ».
Le no-deal avec la CCCO (Communauté de communes – Coeur d’Ostrevent)
Intégrée au sein de la Porte du Hainaut, sous l’autorité du Préfet de Région, la commune d’Emerchicourt a rejoint l’intercommunalité de la CAPH officiellement le 01 janvier 2019. Afin de sortir par le haut de ce mercato communal, Alain Bocquet avait proposé une compensation financière à la CCCO de 500 000 €, par an, durant trois ans sauf que…. La CCCO a choisi la voie contentieuse avec un 1er recours au Tribunal administratif où elle fut déboutée. « Elle continue à travers un recours devant le Conseil d’Etat », explique le président en présentant durant le dit Conseil une délibération de suspension de la convention triennale. « Cet Emerchicourt-exit risque fort de se terminer en « no-deal » ! », conclut Alain Bocquet.
Certes, cette délibération n’est pas une annulation, mais compte tenu des sujets évoqués ci-dessus, des besoins impératifs de marge de manoeuvre financière pour la Porte du Hainaut, il est fort à parier que cette main tendue ne se referme définitivement… !
L’égalité homme-femme
Ce rapport obligatoire depuis 2012 figure en dernier dans cet article, mais mériterait la première place. « La Porte du Hainaut comprend 110 femmes et 73 hommes, 7 chefs de service femmes, et 6 hommes. La moyenne est de 42 ans chez les femmes pour 45 ans chez les hommes », commente Jocelyne Losfeld. Jusque là tout va bien sauf que le salaire moyen est « de 31 825 euros chez les femmes pour 37 184 euros pour les hommes, soit un différentiel de 17% en défaveur des femmes », ajoute Jocelyne Losfeld… no comment !
Daniel Carlier