Territoire

François de Rugy provoque un dissensus dans la filière biométhane française !

Pour ces Assisses européennes de la transition énergétique à Dunkerque, la filière du gaz vert fut particulièrement mise à l’honneur. Le Ministre d’Etat, François de Rugy, Ministre de la Transition écologique et solidaire, était présent pour ouvrir cette 20ème manifestation afin d’annoncer les grandes orientations de la prochaine loi de la Transition énergétique pour la croissance verte.

Le gaz vert en quête d’une trajectoire maîtrisée 

D’abord, un retour pragmatique sur les annonces du gouvernement concernant le changement des chaudières, l’effet induit est éclairant sur les enjeux écologiques. « Si le parc de chaudière ancien était remplacé par des équipements de la dernière génération, cela économiserait 50 Tera WattHeure (1 milliard de KiloWatt.heure) sur une capacité totale de 463 TeraWH chez GRDF. Nous voyons donc avec satisfaction cette annonce du gouvernement », commente Edouard Sauvage, le Directeur général de GRDF. Cela confirme que l’habitat demeure un pôle d’émission de CO2 majeur dans le paysage du développement soutenable.

Avant d’aborder la thématique du gaz vert, intéressons-nous à l’hôte de cette manifestation de portée nationale. En effet, la communauté urbaine de Dunkerque a choisi le transport public gratuit pour tous depuis septembre 2018, c’est la plus grande collectivité territoriale a passé à ce dispositif intégral. « C’est une rupture, il y a eu véritablement un choc dans la population, et une nouvelle approche du transport public partagé », explique Patrice Vergriete, président de la Communauté urbaine de Dunkerque et maire de la commune. Et ce n’est pas tout, car la flotte de bus roule à l’hythane, c’est une énergie composée à 80% de gaz et 20% d’hydrogène avec pour effet – 7% d’émission par rapport à un bus au gaz. Justement l’hydrogène devient une énergie alternative très prisée de par le monde. Le Japon est très moteur sur le sujet afin d’atteindre son objectif de remplacement de l’énergie nucléaire. « Tokyo 2020 seront les J.O de l’hydrogène », commente Franck Bruel, directeur général adjoint chez Engie,

Beaucoup d’annonces dans la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie ) par le Ministre d’Etat, la feuille de route énergétique 2019/2023, voire plus loin encore, est sur la table, éolien, solaire, hydrogène, gaz vert, toutes les thématiques sont abordées avec un objectif de 40 % de renouvelables d’ici à 2030. Pour autant, si la tendance de fond est bien reçue, la méthode imposée dans la filière biométhane pose problème.

« L’objectif de – 30% des coûts de production en 5 ans, ça va trop vite », Edouard Sauvage

Un rappel sur la règlementation est important. Le droit d’injecter du biométhane dans le réseau date de 2011. Cette filière énergétique est de facto très jeune. « Fin 2018, vous avez 76 unités de production de biométhane avec une hausse de 150% l’année dernière. La courbe de développement est bonne avec une baisse des coûts de production », précise Philippe Vasseur, président de la mission REV3 depuis son origine (5 ans).

Filière jeune, donc acteurs fragiles tant les agriculteurs que les entreprises spécialisées dans ce nouveau métier, tous les ingrédients sont réunis pour une attention particulière sauf que… François de Rugy a annoncé un objectif de -30% des coûts de production dans cette filière biométhane d’ici 2023. D’où sort ce chiffre semant le trouble chez les acteurs de la filière ?

Edouard Sauvage, Directeur Général GRDF

« La filière du biométhane progresse a un bon rythme. Par contre, l’objectif de – 30% des coûts de production en 5 ans, ça va trop vite ! Cela va créer une tension dans ce secteur d’activité. Nous avons besoin d’une trajectoire, d’une lisibilité sur cette filière du gaz vert. Il y a une contradiction dans l’intention du gouvernement. Comme nous, il promeut les moyennes unités, et pourtant il impose une baisse des coûts de production uniquement supportable à une échelle industrielle », commente Edouard Sauvage.

« J’approuve complètement ces propos. Il faut être prudent pour assurer un développement de cette filière biométhane », confirme Philippe Vasseur. En moins policé, il faut éviter de casser la dynamique comme un certain moratoire sur le solaire en 2011 sous Nicolas Sarkozy, une véritable thrombose stratégique dont les effets ne seraient pas encore dissipés totalement en 2019, notamment en terme d’emplois dédiés dans ce secteur d’activité.

Ces remarques ont d’autant plus une résonance particulière dans cette région. « Dans les Hauts-de-France, nous avons 11 unités en exploitation, 7 en cours de réalisation, soit 18 fin 2019, et probablement 42 fin 2020 », ajoute Philippe Vasseur. La feuille de route est conséquente, mais elle repose sur un développement maîtrisé. Même si des grands institutionnels comme la région Hauts-de-France ont clairement affirmé leur choix politique sur la méthanisation, et le solaire, il demeure impératif que les acteurs de terrain conservent une lisibilité, et surtout une rentabilité sur cet investissement coûteux.

« Il nous faut 10 ans pour atteindre cet objectif de – 30% », Jean-Pierre Quaak

Jean-Pierre Quaak, le représentant de l’AAMF (Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France) poursuit ce raisonnement : « La croissance est là avec des emplois non délocalisables, mais il faut donner du temps à la filière. Le coût d’une unité de production est très conséquent, c’est pourquoi des agriculteurs se regroupent. Toutefois nous sommes attachés à des exploitations à taille humaine nécessitant 3 à 4 emplois. Il nous faudra 10 ans pour atteindre cet objectif de – 30% ». En effet, même si l’esprit n’est pas d’opposer une énergie alternative à une autre, il faut souligner que le solaire comme l’éolien ne nécessitent pas d’emplois pour une exploitation… En 2019, il existe environ 700 agriculteurs participants à une exploitation, 50 % sont membres de l’AAMF.

Les installateurs de ces unités de production sont également conscients de la fragilité du milieu. Le jeune PDG de l’entreprise Naskeo (une start-Up), Aurelien Lugardon, insiste « nous ne sommes pas encore passés à un produit manufacturé. Il y a de la recherche opérationnelle ». En effet, la baisse drastique des coûts de production passera immanquablement par une spécialisation de certaines entreprises dans la réalisation d’unité de production de méthanisation. Logiquement, il faut laisser du temps à ces professionnels français de se développer. Rappelons que le solaire et l’éolien sont industrialisés hors de nos frontières…., on pourrait faire mieux en terme d’empreinte écologique que des batteries électriques fabriquées en Asie !

L’acceptabilité par la population

L’autre sujet récurrent dans l’installation d’une unité de production de biométhane est l’acceptabilité par la population. Dans un climat tendu « j’ai vu des agriculteurs recevoir des menaces de mort », commente Philippe Vasseur. Pourtant, les faits sont têtus « je n’ai jamais vu de polémiques sur des unités en cours d’exploitation, mais uniquement sur des projets d’installation », ajoute Edouard Sauvage.

La problématique de la réception olfactive par le voisinage d’un nouveau site de production de biométhane passe par une meilleure communication. Actuellement, le chef de l’entreprise Naskao avoue : « On procède à une réunion publique, mais elle  crispe un peu plus la population à chaque fois »… et puis le désert. L’acceptabilité passera par une véritable stratégie concertée en amont de tous les acteurs de la filière. Sur ce point, il faut déjà raisonner en mode industriel afin éviter le coup par coup, ici cela passe, là non, la peur n’évite pas le danger !

Quelles solutions efficaces ?

La bonne question n’est pas pourquoi la population n’accepterait pas un projet d’installation d’une unité de biométhane, mais pourquoi ne l’accepterait-il pas ? Comment avec tant d’atouts dans un jeu arrive-t-on à sa faire battre par une main avec une seule carte majeure, cela frise l’incompréhensible ! C’est pourquoi, l’intelligence de proximité est parfois le meilleur vecteur de communication.

« Les meilleurs défenseurs de mon installation sont les retraités de la commune. En effet, une fois par an, ils viennent récupérer (gratuitement) le contenu de mon diigestat (résidu du processus de méthanisation de matières organiques naturelles) très favorable pour leurs jardins », explique Jean-Pierre Quaak, méthaniseur dans une exploitation familiale.

Philippe Vasseur, président de REV 3

Philippe Vasseur cite un exemple en Allemagne, pays très en avance sur ce sujet : « Des collectifs d’agriculteurs ont permis à la population de prendre des actions dans une structure juridique. Ces derniers toucheront des dividendes, cela permet de changer l’approche d’un projet. Nous devons faire preuve de plus de pédagogie vis à vis de la population ».

Voilà, toutes les initiatives sont au service de cette filière du gaz vert. L’hostilité d’une population est un bien fongible, il peut-être remplacé par un autre intérêt supérieur. Par capillarité, les initiatives fleuriront comme fleurs sauvages dans les prés. Ce sera sans aucun doute le passage à un développement industriel avec une baisse significative d’un coût de production, car cette acceptation démocratique se fera naturellement, sans heurts, juste pour participer indirectement à la production d’une énergie plus écologique, d’une gestion des déchets organiques de proximité voire des déchets ménagers, d’un nouveau revenu pour une agriculture en souffrance, un plus social global incontestable, cette évidence confondante devrait prendre le pas sur un voisinage mal informé, rabougri dans la légitimité de sa revendication.

La solution se situe vers ce point de convergence, cet indicible captation de la réalité d’une croissance d’entreprise privée dans un espace habité. L’heure de la négociation doit s’ouvrir afin de déterminer le meilleur pour la survie de cette filière, loin des micros cela va tout de suite nettement mieux !

Daniel Carlier

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