Accueil de 63 migrants à Condé-sur-l’Escaut durant 15 jours
Dans le cadre de la mise à l’abri de 1 800 migrants basés sur Grande Synthe, près de Dunkerque. 63 hommes seuls sont donc arrivés sur le chef lieu du Pays de Condé. L’association Prim’Toit a été retenue par l’Etat pour organiser la meilleure condition d’accueil possible avec toute la célérité nécéssaire.
(Visuel Sylvain Jaumont, Dominique Muller)
« Depuis leur arrivée, ils sont très reconnaissants et respectueux des structures », Sylvain Jaumont
Cette mise à l’abri s’inscrit dans le cadre de l’ordonnance d’évacuation rendue en référé, à la demande du maire de Grande Synthe par le tribunal de grande instance de Dunkerque le 11 octobre dernier. Sous l’autorité de l’Etat, cet accueil est assuré par l’association Prim’Toit compte tenu de sa compétence éprouvée dans le cadre de la veille saisonnière.
Prévenue jeudi dernier, l’association Prim’toit a de facto préparé dans un temps record un site d’hébergement pour ces 63 personnes. « Depuis deux ans, nous sommes retenus pour la veille saisonnière (de novembre à fin mars) suite à un appel d’offres de l’Etat. L’année dernière, nous avons accueilli 45 familles dans ce cadre. C’est pourquoi, me semble-t-il, l’Etat s’est tourné vers nous pour cet hébergement temporaire de 15 jours », explique Dominique Muller, directeur des territoires du Valenciennois.
« Nous assurons une permanence 24H/24 », Dominique Muller
Le champ d’accueil est assez large puisque « nous récupérons un bâtiment public vide. Donc, nous avons dû apporté un pack literie pour chaque personne, un kit hygiène, nous amenons également des frigo, micro-ondes, et fournissons les repas via un prestataire de service. Ensuite, nous assurons également une permanence 24H/24 avec qui plus est des encadrants bilingues avec l’anglais à minima », poursuit Dominique Muller.
Prise en charge administrative
Arrivés à destination vers 15h00 en direct de Grande-Synthe, sans savoir leur destination en montant dans le bus, ces 63 hommes seuls étaient éprouvés. Néanmoins… « depuis leur arrivée, ils sont très reconnaissants et respectueux des structures. Même si nous avions nettoyé l’ensemble de ces petits collectifs, ils sont venus réclamer des balais, des serpillères etc. afin de laver les espaces d’hébergement. Ils remercient chaque encadrant pour un service, le repas, la lessive etc. », commente Sylvain Jaumont, directeur adjoint de Prim’Toit. « Depuis hier, tout se passe dans le calme, et le respect », poursuit un encadrant.
Dès ce mercredi 24 octobre, une évaluation administrative a été opérée pour chaque migrant arrivé sur ce site de Condé-sur-l’Escaut, d’autres sont hébergés également sur Thiant, Trith-st-Léger, et Somain pour le Douaisis. En effet, l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’intégration) est venu sur site afin de mettre à jour les dossiers administratifs, 63 personnes, 63 parcours différents allant d’une procédure de « Retour au Pays » à une demande d’un statut de « Réfugié » en passant par une « Demande de régularisation« .
63 personnes, 63 histoires… !
Sur ces migrants arrivés mardi après-midi sur Condé-sur-l’Escaut, la plupart sont en provenance d’Irak et d’Iran, beaucoup rêvent de partir pour la Grande-Bretagne, mais pas tous.
L’un d’entre eux a un parcours singulier. M. Hamat Kali arrive de Kirkouk, au nord de l’irak, ville longtemps tenue par les Kurdes, et reprise par l’armée irakienne aux dépends de l’armée Kurde en octobre 2017. Un combat de terrain contre l’Etat islamique, en opposition avec l’armée régulière irakienne, et les Peshmergas dont le soutien est visible par la communauté internationale en cas de besoin contre Daesch, après ils sont abandonnés dans leur quotidien de guerre.
« J’ai connu des affrontements tous les jours dans mon pays. Des combats où j’ai perdu les 4 membres de ma famille entre 2015 et 2017. Je n’ai plus rien du tout là bas », explique ce jeune irakien de 22 ans. Sa particularité est son parcours avant de partir. « J’ai travaillé comme chauffeur durant 8 à 9 mois au consulat de France à Kirkouk. J’étais respecté, et moi également je respectais les Français là bas », commente-t-il.
Sa venue en France fut comme pour tous les migrants un parcours éprouvant. « Je suis passé d’abord par la Turquie. Ensuite, je suis allé avec une cinquantaine de familles sur la partie turque de l’île de Chypre, puis je suis passé du coté Grec de cette île afin de rejoindre l’Europe près d’une année après mon départ », ajoute-t-il.
Son horizon est en France, son discours est celui d’un homme convaincu par le choix d’une nouvelle patrie. « A Dunkerque, il y avait un excellent collège pour les migrants afin d’apprendre le Français. Mon objectif est d’apprendre cette langue, puis de trouver un travail ! J’étais cuisinier, je peux aussi travailler dans une boulangerie », conclut-il.
Il laisse son histoire de Kurde/Irakien derrière lui, son avenir s’écrit ailleurs. Le cliché éculé d’un aspirateur à consommer les minimas sociaux s’arrête net devant la détermination de ce jeune homme à s’insérer, à trouver un travail. C’est le récit emprunt de franchise d’un homme, si jeune, si torturé par la vie, si ambitieux pour vivre sa résilience en Europe… ! « Chercher un travail sur le lieu d’accueil est une constante des migrants que nous rencontrons », précise Sylvain Jaumont sur cet item.
Voilà un petit bout de vie de ces 63 personnes durant 15 jours. Ils reprendront prochainement un bus pour une nouvelle destination sans aucun doute meilleure que dans leur pays d’origine !
Daniel Carlier