Le « CRAC » du commerce à Valenciennes
Mardi soir, le sujet de fond par excellence s’est invité au détour de deux délibérations relatives au commerce de proximité en centre-ville. Incontestablement, cette thématique est fondamentale pour le quotidien de la population, et tout simplement pour la dynamique d’une commune. Réactions de Didier Rizzo, Laurent Degallaix, Jean-Claude Dulieu, et Didier Legrand (visuel Rue St Géry dans le périmètre de sauvegarde).
(Visuel rue la Paix dans le périmètre de sauvegarde)
Lutter contre les vacances commerciales, mais pas seulement… !
Comme dans tous les conseils municipaux, les délibérations n’offrent pas toujours un terreau de réflexion sur le long terme, c’est pourtant le cas du commerce de proximité en souffrance dans toutes les villes, notamment dans les communes moyennes comme Valenciennes.
Après la période des « Grands Travaux », Dominique Riquet a fait voter un « Droit de Préemption renforcé », un outil complexe dont l’objectif montrait tout de même le besoin impérieux d’agir sur le sujet. En 2018, le Conseil municipal de Valenciennes a validé la mise en oeuvre d’un CRAC (Contrat de revitalisation artisanale et commerciale), un dispositif d’Etat encadré et expérimental permettant aux collectivités territoriales, qui souhaitent redynamiser le commerce et l’artisanat, de désigner un opérateur chargé de les développer. Cet opérateur peut acquérir les biens nécessaires, y compris par préemption ou expropriation.
Plusieurs interventions ont eu lieu durant ce conseil municipal, majorité et opposition, mais également l’acteur incontournable sur le sujet, la CCI Grand Hainaut à travers des discours de Bruno Fontaine, président de la CCI Grand Hainaut, et Didier Rizzo, vice-président en charge du commerce, voire par ricochet, de l’artisanat de proximité.
Concrètement, cette délibération ouvre la porte à un appel d’offres pour un opérateur, public ou privé, dont la mission sera de mettre en oeuvre la sauvegarde du commerce de proximité, sacré challenge. Ensuite, elle définit un périmètre très sectorisé, les rues prioritaires du CRAC/Valenciennes sont : Rue de la Paix, rue de Lille/coté est, rue St Géry jusque l’Avenue d’Amsterdam, rue de Paris de la Place St- Nicolas vers la Place d’Armes, rue de Famars piétonne, et rue de la Vielle Poissonnerie. Ensuite, un périmètre secondaire, les rues du CRAC/Valenciennes en deuxième rang d’intervention sont : rue de Lille/coté Ouest vers la Place du Hainaut, rue de Famars roulante, Place du Hainaut, et une partie de la Vieille rue du Quensoy (jusque rue du Grand Fossart en venant de la rue de Hesques).
« L’objectif. est de favoriser l’installation d’un porteur de projet en centre-ville », Didier Rizzo
Comme le prévoit le dispositif CRAC, une concertation entre la collectivité locale, la CCI Grand Hainaut, et la Chambre des Métiers des Métiers et de l’Artisanat constitue le carcan de ce dispositif dont l’efficience est le seul leit motiv. « Tous les moyens seront mis en oeuvre au sein du périmètre concerné. Clairement, l’objectif est de favoriser l’installation d’un porteur de projet en centre-ville à travers une analyse au cas par cas des dossiers », déclare Didier Rizzo, vice-président commerce à la CCI Grand Hainaut.
Beaucoup d’obstacles ralentissent, voire découragent, le porteur de projet… » le premier frein est le loyer d’un bail commercial en centre-ville. Non seulement, ils sont élevés, mais en plus vous devez faire des travaux, car ils ne sont pas aux normes électriques, de sécurité, d’accueil, et bien sûr d’accessibilité. Ceci explique certains départs en périphérie de commerçants avec tous ces services à la clé « , ajoute Didier Rizzo.
Laurent Degallaix acquiesce sur le sujet : « Les loyers sont trop chers en centre-ville, la pression est forte sur l’exploitant ou le porteur de projet. Ce dispositif permettra via l’opérateur retenu d’acquérir les murs d’un emplacement, voire le bail commercial, puis de proposer à un porteur de projet un lieu d’exploitation en centre-ville avec un loyer modéré ».
Et pas n’importe lequel, Jean-Claude Dulieu, élu d’opposition, s’exprime sur le sujet depuis 2014. « Le PROCOS (Institut pour la ville et le commerce fixe comme niveau d’alerte pour la vacance à 10 %. Nous sommes à plus du double, 21%.! Il y a urgence même si nous avons le 3ème CAHT des Hauts-de-France ». Pour autant, il ne faut pas faire n’importe quoi. « Il faut réfléchir autrement au commerce de proximité en centre-ville, une vision plus globale sur le transport, le déplacement, l’animation commerciale etc. De fait, il faut inciter l’installation des nouveaux métiers, des services qui n’existent pas en centre-ville afin de ne pas faire concurrence », ajoute Jean-Claude Dulieu.
« Faire revenir des activités disparues en centre-ville », Laurent Degallaix
En effet, ce futur opérateur sera en mesure de proposer un loyer modéré à un porteur de projet. Logiquement, pour éviter toute distorsion de concurrence, il faudra éviter une opposition frontale. « C’est pourquoi, l’idée de faire revenir des métiers disparus est importante pour la population des personnes âgées dans le centre-ville. Cela peut être une droguerie, mercerie, voire d’autres activités de proximité où vous devez aujourd’hui vous déplacez dans les grandes surfaces », ajoute le maire de Valenciennes.
Ce CRAC est une fenêtre de tir où l’Etat va intervenir financièrement à travers une enveloppe maximale de 5 186 000 € HT au sein des collectivités locales voire territoriales. « C’est un complément du Plan Mézard. Au premier abord, ce plan Mézard concernait les villes avec un taux de 35 à 40% de vacance commerciale (chiffre affolant). Le chiffre de 21% sur Valenciennes a servi de base à ce dossier à l’époque. Par contre, avec les ouvertures récentes, nous sommes aujourd’hui entre 15 et 16% sur la vacance commerciale, ce qui reste énorme, je ne le nie pas », commente l’édile de la commune.
Techniquement, le CRAC est » plus souple juridiquement que le Droit de préemption renforcé, très contraignant. D’ailleurs, la mairie de Valenciennes ne l’a jamais utilisé » , précise Didier Rizzo. Laurent Degallaix argumente « on peut marcher sur deux jambes, soit le CRAC, soit le droit de préemption renforcé, afin qu’une « Foncière » (opérateur futur public ou privé) choisisse la meilleure option ».
« Chacun son rôle, celui de la grande distribution, celui du commerce de proximité », Jean-Claude Dulieu
Cette expérimentation commerciale n’est pas non plus un appel aux armes contre tout autre forme de commerce selon Jean-Claude Dulieu, voire le président Bruno Fontaine de la CCI Grand Hainaut. « Chacun son rôle, celui de la grande distribution, celui du commerce de proximité. Il faut s’adapter, ces centres commerciaux existent. Par contre, il faut repenser l’attractivité d’un centre-ville. Prenons exemple des villes touristiques avec plus d’artisanat, il faut attirer le chaland », souligne Jean-Claude Dulieu. Ensuite, comme tous les intervenants, le constat est sans ambiguïté « les baux commerciaux sont trop chers. Veut-on des commerces indépendants ou des grandes chaînes dans notre centre-ville ? », ajoute-t-il ?
Dans de nombreuses villes, une initiative communale s’est traduite concrètement sur le terrain comme dans « les villes d’Epernay, Bastia, Biarritz, Périgueux, Bergerac, Agen, Tarbes, Pau, Cognac, Mont de Marsan etc. Ces communes ont mis en place une action publique en faveur du commerce de proximité », lance Jean-Claude Dulieu.
« On ne peut dissocier les difficultés du commerce de proximité avec la prolifération des centres commerciaux dans le Valenciennois », Didier Legrand
Important à noter dans un climat politique tendu, dans toutes les communes, cet outil CRAC fédère les élus (voté à l’unanimité). « C’est le bon outil pour intervenir en faveur du commerce de proximité. Néanmoins, je m’étonne d’une attente de 4 ans pour réagir et profiter de la Loi Pinel (juin 2014) », explique Didier Legrand, opposition municipale.
Bien sûr, l’arrivée du commerce en ligne, et la désertification des centres-ville est un phénomène national, un constat partagé par tous les locuteurs. Des réponses sont apportées parfois comme une activité commerciale de proximité, mais plus digitalisée sur http://www.mescommercantsdugrandhainaut.com/
Ensuite, son discours diverge des autres intervenants « On ne peut dissocier les difficultés du commerce de proximité avec la prolifération des centres commerciaux dans le Valenciennois. Le Centre Leclerc s’est installé avenue Macarez alors que c’était une promesse de campagne du maire. Et surtout, le futur pôle de Petite-Forêt annonce la création d’un autre centre-ville sur cet espace commercial. Je suis même inquiet pour les villes périphériques », ajoute-t-il. Tout comme Jean-Claude Dulieu, il souligne l’importance du stationnement : » Certaines personnes ne viennent même plus sur Valenciennes compte tenu des problèmes de stationnement« , ajoute Didier Legrand.
Sur le complexe Leclerc Avenue Macarez, le maire explique « ce projet fut cassé en CDAC (échelle du département), mais il est passé au niveau national. On ne pouvait rien faire », précise Laurent Degallaix. La procédure juridique initiée par la FTIAVAL (Fédération des UC dans le Grand Hainaut), avec un succès sur l’installation contre le Auchan Marly, fut perdue par cette association tant le site était atypique, une victoire pour Leclerc sur une application stricto sensu du droit à l’instant « T ». Pour le pôle de Petite-Forêt, il est évident que toutes les Unions commerciales du Valenciennois se posent beaucoup de questions sur son impact final, affaire à suivre de près.
« Depuis l’arrivée de Bruno Fontaine à la CCI Grand Hainaut, il affiche une volonté appuyée en faveur du commerce de proximité, c’est une grande satisfaction pour moi », conclut Didier Rizzo. En tout état de cause, il est essentiel de s’organiser pour sauver le commerce de proximité. Le pire est l’anomie latente, ce désordre silencieux, mais social, où le tissu économique de proximité est seul face aux contextes économico/sociaux d’un territoire, presque un suicide en 2018. Donc, il faut agir, et toute initiative est bienvenue… « ce CRAC est un coup d’accélérateur pour le commerce et l’artisanat de proximité à Valenciennes », conclut Laurent Degallaix.
Daniel Carlier